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[Vidéo] Tradition: mieux connaître les plantes médicinales des Chagos

8 août 2017, 19:45

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[Vidéo] Tradition: mieux connaître les plantes médicinales des Chagos

Le dernier atelier du Chagos Refugees Group (CRG), consacré aux plantes médicinales et à l’artisanat et destiné à transmettre les connaissances des anciens aux jeunes Chagossiens, a pris fin samedi.

C’est peu après 9 heures que le siège du Chagos Refugees Group (CRG) à Pointe-aux-Sables a commencé à s’éveiller. Une dizaine d’enfants ont pris place dans la cour. Des tables ont été installées et les caméras se sont mises à filmer ce dernier atelier consacré aux plantes médicinales traditionnelles des Chagos. Un document historique, puisque ces connaissances se perdent. Les rires des enfants ont apporté un brin de fraîcheur et une bonne ambiance à cet important moment de transmission des connaissances des anciens aux deuxième et troisième générations de Chagossiens.

Jean-Louis Hervé enseignant aux enfants chagossiens
à fabriquer un «cabass».

Rosemonde Bertin a fait son entrée avec un sac rempli de plantes. Au fur et à mesure qu’elle les a placé en petits paquets sur une table, une joyeuse cacophonie, teintée de curiosité, régnait. Des visiteurs se sont enquis des noms de certaines plantes alors que d’autres les connaissaient déjà et fournissaient les réponses avant que Rosemonde Bertin ait le temps de répondre.

Ce sont des plantes médicinales que les Chagossiens utilisaient quasi-quotidiennement dans leurs îles natales. Depuis leur déracinement, ces précieuses connaissances se perdent, d’une part parce que les jeunes se mettent de plus en plus à l’allopathie et d’autre part, parce que ces plantes qu’ils trouvaient facilement dans leurs îles ne sont pas toutes disponibles à Maurice.

Rosemonde Bertin et Rosemond Saminaden différenciant chaque plante pour l’assistance.

Samedi matin, les aînés, dont Rosemond Saminaden et Rosemonde Bertin, étaient bien décidés à renverser la vapeur en transmettant leurs connaissances aux jeunes. C’est ainsi qu’ils ont pris le temps d’expliquer un à un les bienfaits de chaque plante. Souvent, le nom exact de ces plantes leur échappait, à l’instar de deux spécimens qu’elles appellent «guéris vite».

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Cassepiante : «Avec les feuilles, nous faisons une tisane contre la fièvre. Les graines étaient également utilisées comme fortifiant. Autrefois, les ainés ajoutaient cette graine au café grillé qu’ils préparaient.»

Liane poc poc : «Elle est utilisée pour donner des bains aux enfants présentant des problèmes cutanés.»

La liane guéris vite : «Nous l’écrasons et en faisons une compresse que nous mettons sur les plaies. Elle est très efficace».

Zean Robert : «Nous en faisons une tisane que nous donnons aux enfants souffrant de de dysenterie.»

Sensitive : «Cette plante calme les troubles nerveux chez les enfants. Nous ne l’utilisons pas comme tisane. Nous prenons quelques feuilles que nous déposons sous l’oreiller de l’enfant durant la nuit ou encore, nous la mettons dans une petite pochette en toile que nous cousons et attachons aux vêtements que l’enfant porte.»

Rosemond Saminaden de raconter une anecdote : «Savez-vous ce qu’on raconte à propos de la sensitive ? Pour savoir si votre partenaire vous aime vraiment, il faut dire son nom devant une plante de sensitive, si les feuilles se ferment, c’est que vos sentiments sont partagés.» Des rires ont fusé çà et là mais nos deux hôtes ont repris bien vite leur sérieux, de même que leurs explications.

La ville bague : «Nous en faisons une tisane pour lutter contre l’anémie. Nous le donnions surtout aux femmes qui venaient d’accoucher.»

Lerb sat : «Elle a une double fonction, la première est en usage externe, soit en bains qui sont recommandés aux personnes – enfants ou adultes – souffrant de problèmes cutanés. Le second usage est interne. Nous en faisons un loc, soit une sorte de sirop, pour les bébés souffrant d’un rhume. Pour ce faire, nous écrasons l’herbe et en extrayons le jus auquel nous ajoutons un peu de miel.»

La saponaire : «Il y a deux types de saponaire, un est blanc et l’autre rouge. On utilise la saponaire en infusion pour contrer la fièvre et les problèmes de foie, mais le goût est amer.»

Le sulfaf : «Cette plante est utilisée en bains pour les problèmes cutanés mais elle peut aussi être utilisée en cas d’enflure des pieds et en usage interne, en tisane, pour vaincre les symptômes d’un empoisonnement. Nous en buvions une tasse, surtout en cas d’empoisonnement après avoir ingéré du poisson.»

Fey bigarade : «Elles étaient utilisées en tisane contre la fièvre et la toux, seule ou avec de la citronnelle. Ce mélange est plus efficace.»

Guéris vite : «Ces feuilles sont différentes de la liane guéris vite. Il faut les griller et les écraser afin d’en obtenir une poudre que l’on applique sur des blessures. On appelle ces plantes gueris vite parce qu’elles activent la cicatrisation des plaies.»

Kedra : «Celle-là aussi il faut la griller et la réduire en poudre avant de l’appliquer sur des plaies.»

Baume du Pérou : «Cette plante est très efficace contre la toux et les flegmes. On en fait des loc.»

L’herbe de bouc : «Nous la consommions en tisane pour contrer les coliques. Elle est également efficace en cas d’hernie.»

Bois Tortue ou feuilles de Noni : «Ces feuilles sont très efficaces en cas de douleurs et d’enflures. Il faut les badigeonner d’huile, les passer sur le feu et recouvrir la zone endolorie.»

Feuilles de caladium : «Elles sont idéales en cas de fièvre d’enfants. On les badigeonne d’huile de coco, on chauffe le tout puis nous les posons sur la tête de l’enfant. Cela le fera transpirer et fera baisser la fièvre.» Tout en expliquant les bienfaits des «feuilles de caladium», Rosemonde Bertin brandit une chopine en plastique. «C’est de l’huile de coco vierge venant d’Agalega. C’est très bon, je cuisine aussi avec.»

Mangelique : «Nous la consommons en infusion pour contrer les effets de l’indigestion».

Lalangvas : «Nous utilisons surtout ses racines que nous mélangeons aux racines du cocotier. C’est une bonne tisane pour nettoy endan surtout le foie et les reins», explique Rosemonde Bertin avant d’ajouter «il y a des plantes que nous n’avons pas eu comme le sardarou que nous utilisions pour lutter contre les coliques et la mauve que nous cueillons au bord de la mer et qui apaise les bébés qui font leur dentition. Elles n’étaient utilisées qu’en usage externe, soit en bains. Il y a aussi plusieurs racines que nous utilisions aux Chagos qu’on ne retrouve pas ici ».

C’est avec beaucoup d’intérêt que le professeur Vinesh Hookoomsing a assisté à ces explications. Il avait entre les mains un précieux ouvrage. «C’est le livre Pharmacopée traditionnelle dans les îles du Sud-ouest de l’océan Indien. La plupart des plantes traditionnelles viennent de Madagascar. Les plantes médicinales ont souvent une dimension sacrée. Prenons l’exemple des feuilles de tulsi, qui sont utilisées en tant que plantes médicinales, mais aussi dans les cérémonies religieuses. Il est difficile à dire si les Chagossiens se servaient aussi de ces plantes dans des cérémonies spirituelles ou religieuses. Il faudrait interroger la tradition orale. Dans toutes les sociétés anciennes créoles, il y a ce qu’on appelle les guérisseurs. Ils gardent leurs secrets en tête et ne les partagent pas. Il y avait un guérisseur chagossien que je connaissais, mais qui est récemment décédé. Aujourd’hui, il y en a très peu qui soient encore en vie mais on doit les chercher», explique-t-il.

Alors que les plantes médicinales étaient présentées, les enfants, s’adonnaient aux jeux d’antan souvent oubliés, comme le tina ou encore la marelle. Plus loin, des hommes s’affairaient à démembrer les feuilles d’une branche de cocotier. «C’est pour la fabrication de cabass», explique Rosemond Saminaden. Bientôt, Jean Louis Hervé s’attèle au tressage des feuilles sous les yeux ébahis d’une flopée d’enfants. Sous ses doigts habiles des cabass prennent formes «ce sont des paniers que nous utilisions beaucoup aux Chagos. Avec les feuilles de coco, nous faisons également des nattes. Nous fabriquions également des balais, des brosses et des cordes. Avec le coco, nous faisions vraiment une variété de choses», explique-t-il.

Si ces ateliers ont pris fin samedi, les enregistrements vidéo effectués serviront à mieux faire connaître ces traditions et à les partager au plus grand nombre.

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