Les protocoles sont-ils contournés en prison ? C’est, du moins, ce qu’a laissé entendre le gardien de prison Wilfred Lalande devant la commission d’enquête sur la drogue le lundi 14 août 2017. Selon lui, les gardiens «n’osent pas» procéder à la fouille de leurs supérieurs à l’entrée de la prison.

Interrogé à ce sujet par Paul Lam Shang Leen, Wilfred Lalande a expliqué que les contrôles sont effectués de 7 heures à 19 heures. Or, passés ces horaires, il n’y a plus personne dans la search room de la prison. Une affirmation qui n’a pas manqué de provoquer la stupeur du président de la commission d’enquête sur la drogue.

Paul Lam Shang Leen n’a pas caché son appréhension quant au fait que de hauts gradés, qui font des visites surprises dans la soirée, puissent être exemptés de fouilles. Ces derniers, a-t-il souligné, ont la possibilité d’introduire certains objets ou produits en prison.

Wilfred Lalande, en poste comme gardien de prison depuis mai 2013, a également été interrogé sur ses échanges téléphoniques avec le trafiquant Gerald Prosper en 2015. Voici un extrait de son audition.

Paul Lam Shang Leen : Malheureusement pour vous, nous avons retracé votre numéro de portable. Vous avez eu des conversations téléphoniques avec le trafiquant Gerald Prosper. Le connaissez-vous?

 Wilfred Lalland : Oui. Je l’ai côtoyé à la prison de Petit-Verger. Je suis intervenu lors d’une bagarre dans laquelle il était impliqué. Je ne savais pas qui m’appelait. J’ai cru qu’il s’agissait d’une plaisanterie de mauvais goût. Raison pour laquelle j’ai rappelé la personne sur le numéro affiché.

Paul Lam Shang Leen: C’est drôle car il y a eu au moins trois appels. Et l’un a même duré plus de deux minutes.

Wilfred Lalande :Je vous ai expliqué ce qui s’est passé. Je n’ai jamais eu de conversation avec lui volontairement.

Paul Lam Shang Leen: Ce qui nous intrigue, c’est que de janvier à décembre 2016, il y a eu plusieurs dépôts en liquide sur votre compte bancaire à Rodrigues. Et le montant des sommes versées ne correspond pas à votre salaire.

Wilfred Lalande : J’avais contracté un emprunt de Mutual Aid et j’avais transféré l’argent en plusieurs parties de mon compte de Maurice à celui de Rodrigues.

Paul Lam Shang Leen: Je vous parle de dépôts en liquide et non pas d’un emprunt. Allez voir votre compte et expliquez-nous. Vous êtes en contact avec des prisonniers et, en sus de cela, il y a des dépôts en liquide inexpliqués sur votre compte. D’autant plus qu’on connaît le montant de votre salaire. Est-ce que cet argent provient de trafiquants ?

Wilfred Lalande: Non. J’ai eu des propositions de prisonniers mais je ne les ai pas acceptées.

Paul Lam Shang Leen : Comment les prisonniers reçoivent-ils des portables en prison ?

Wilfred Lalande : D’après mon expérience, c’est fait en dehors des murs de la prison.

Paul Lam Shang Leen : N’alertez-vous pas vos supérieurs ?

Wilfred Lalande: Si. Il nous faut également informer l’Anti Drug and Smuggling Unit et soumettre un rapport. Mais c’est très difficile d’entrer dans la prison avec un portable.

Paul Lam Shang Leen: On m’a fait comprendre que le soir, on ne fouille personne à la prison. Est-ce vrai ?

Wilfred Lalande: Cela dépend. En principe, la search room est opérationnelle de 7 heures à 19 heures. Mais il nous arrive d’avoir des visites surprises de hauts gradés.

Paul Lam Shang Leen : Sont-ils fouillés ?

Wilfred Lalande : En principe, tous ceux qui entrent dans la prison doivent être fouillés.

Paul Lam Shang Leen: Est-ce que les gardiens de prison osent fouiller leurs supérieurs ?

Wilfred Lalande : Non.

Paul Lam Shang Leen : Quid des Red Band Prisoners ? Ces détenus peuvent circuler sans être fouillés. N’avez-vous jamais remarqué si ces détenus emmènent des cartes SIM, des cellulaires, voire de la drogue en prison ?

Wilfred Lalande: Pour moi, c’est très difficile.