«Si ou pé rod moulin, éna enn ta par isi. Plis ki sink. Moniman-la pré ar dispanser li», indique un habitant de la région, pas peu fier de cohabiter avec ces géants de pierre. Nous suivons ses indications. Et là, c’est la surprise. Il passerait presque inaperçu. La nature a repris ses droits au moulin de Belle-Rive, situé dans la région de Petit-Paquet, à Cap-Malheureux. Pourtant, c’est un site protégé par la loi.

Les pales du monument ne sont plus là. À la place, une partie de la mécanique rouillée est visible. Le haut du moulin est gagné par la végétation aussi. Seule une plaque, installée en 1951, lorsque le moulin a été décrété patrimoine national, semble faire de la résistance à l’usure du temps et témoigner de l’importance de cette bâtisse.

D’ailleurs, le terrain est interdit d’accès au public. La raison : le lopin appartient à un planteur, qui le cultive. «Li res par lamem misié-la. Pa koné kotsa selman», indique une habitante de la région. Cela ne semble guère gêner les habitants de la région. Se tenant majestueusement, malgré son état déplorable, le moulin fait face à la rue. Pourtant, nul ne semble s’en apercevoir. Hormis les rares curieux qui viennent pour se recueillir devant un des moulins qui fournissaient une partie de l’énergie à l’établissement sucrier de Belle-Rive, dans les années 1830. Les villageois, eux, connaissent l’histoire de cette sentinelle d’un autre temps. Quant à la jeune génération, elle se demande pourquoi le moulin n’est pas mis en valeur.

«Sé propriéter-la ki tir féyaz lor twa sa moulin-la. Si li pa fer sa, bé lontan li ti pou kouver ar lalyann», explique une dame qui habite non loin de là. «Si enn zour bizin retap li, nou va fer li nou-mem. Kisannla ou kwrar pou rod met kass dan enn vié zafer apar nou ?», poursuit-elle. Pour cette habitante, il faut vivre à Petit-Paquet pour comprendre l’importance du moulin et son histoire. «Bann lézot pa pou konpran sa.» Le moulin fait partie de l’histoire de leur village et de leur identité.

Le moulin de Belle-Rive n’est pas le seul dans la région. À Goodlands se tient un autre édifice du même genre. Toutefois, il est en meilleur état que celui de Belle-Rive. Ses pales sont toujours en tiers malgré le poids des siècles. Dans un champ de canne plus loin, se dresse un autre moulin. Mais eux ne figurent pas dans la National Heritage Fund Act. Paradoxalement, celui qui est protégé par la loi est nettement moins bien entretenu que ses confrères des alentours…