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[Document] Boolell Leaks: lorsque financement politique et diplomatie s’entremêlent
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[Document] Boolell Leaks: lorsque financement politique et diplomatie s’entremêlent
La lettre est adressée au ministre des Affaires étrangères marocain, à Rabat. Datée du 29 septembre 2014, elle parle d’une rencontre avec l’ancien ministre des Affaires étrangères mauricien quant à la réélection de Mohamed Bennouna à la Cour internationale de justice (CIJ). Cette correspondance émane de l’ancien ambassadeur du Maroc à Madagascar, Mohammed Amar. Selon cette missive, Arvin Boolell avait expliqué que la solidarité entre les pays de l’océan Indien exigeait que Maurice soutienne les candidats de la région, et une candidate malgache était en lice.
Par la suite, la correspondance dérive sur une autre conversation que l’ambassadeur d’alors aurait eue avec Arvin Boolell : le financement de sa campagne. Ce dernier dément avoir eu cette conversation. Selon ce document, l’ancien ministre des Affaires étrangères devait être le contrepoids de Paul Bérenger sur la question de la reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Pour mémoire, Maurice avait reconnu la souveraineté de cet État en 1982. Mais le 15 janvier 2014, le pays a fait volte-face et dé-reconnu la RASD. «M. Bérenger tentera d’autoriser, encore une fois, les séparatistes à ouvrir une ‘ambassade’ à l’île Maurice et s’opposera sans le moindre doute à toute initiative visant à améliorer les relations entre nos deux pays», peut-on lire.
Paul Bérenger a toujours été un fervent défenseur du Front Polisario et de la reconnaissance de la souveraineté de la RASD. Cette position est mal vue par le gouvernement marocain, qui est en guerre avec le Front Polisario sur la souveraineté de ce territoire. Selon Alain Laridon, ancien ambassadeur interrogé à ce sujet, il se peut que Maurice ait subi des pressions de la part du Maroc pour ce changement. «La RASD a été l’un des premiers pays à reconnaître Maurice après l’indépendance. Sir Seewoosagur Ramgoolam avait des liens très forts avec le Front Polisario. La décision de dé-reconnaître la RASD en 2014 avait surpris plus d’un», affirme-t-il. En novembre 2015, sous sir Anerood Jugnauth, revirement de situation : le Cabinet réintroduit la reconnaissance de la RASD.
Arvin Boolell balaie tout d’un revers de la main et prend cette affaire avec un brin d’humour. «S’ils ont mis de l’argent sur un compte pour moi, je serais ravi de savoir lequel.» Quant à la décision de rompre les liens avec la RASD, il affirme qu’elle a été prise par le gouvernement et n’a rien à voir avec des allégations. «Il y a plusieurs pays qui ont adopté la même position que Maurice. Au fil des ans, le Polisario ne s’est pas renouvelé et les gens en ont eu marre de voir les mêmes dirigeants sans que la situation ne s’améliore.»
Ce conflit, poursuit-il, s’est envenimé lorsque le Maroc a été admis à l’Union africaine. «Pratiquement tous les pays francophones se sont mis d’accord pour l’admission du Maroc, mais le Polisario et l’Algérie ont maintenu leur position. Il est farfelu de vouloir faire croire que le soutien de Maurice aurait fait une différence.»
Quid de la rencontre pour l’élection de Mohamed Bennouna à la CIJ ? Arvin Boolell ne s’en souvient pas précisément, mais dit que le diplomate était en visite à Maurice, il est normal qu’il le reçoive. Toujours en présence des officiers et toutes les discussions sont archivées. Il n’y a jamais eu de rencontre en tête-à-tête, comme l’affirme le diplomate dans son courrier. Arvin Boolell s’interroge sur la crédibilité de Mohammed Amar, se demandant s’il n’avait pas d’autre but. D’ailleurs, le site Maroc Leaks le rejoint et estime que Mohammed Amar aurait «encaissé l’argent ou une partie de cet argent destinée à financer la campagne de Boolel (sic)».
Paul Bérenger a aussi pris la défense d’Arvin Boolell hier, lors d’une réunion de mobilisation en marge des élections partielles à Quatre-Bornes. «Sé vré ki sa diplomat konserné-la péna krédibilité», a-t-il affirmé.
Nous avons essayé de retracer Mohammed Amar, sans succès. Mails et appels à l’ambassade du Maroc à Madagascar sont restés sans réponse. Le journaliste de Maroc Leaks a confirmé que ce document a été mis en ligne par «Chris Coleman». Il publiera bientôt avec un article au sujet des documents concernant Maurice.
Copie de la lettre mise en ligne par le hacker «Chris Coleman» reprise par le site Maroc Leaks. by L'express Maurice on Scribd
Mohammed Amar, diplomate limogé pour détournement de fonds
<p>L’ancien ambassadeur du Maroc à Antananarivo a été en poste pendant dix ans. Il avait été accusé d’avoir détourné des fonds à des missions humanitaires malgaches. De plus, il a aussi été accusé d’actions d’ingérence dans les affaires intérieures de Madagascar, ce qui est en violation avec sa fonction de diplomate et avait heurté les dirigeants malgaches. Pendant ses années de service, il a fait plusieurs voyages à Maurice. En novembre 2015, il avait rencontré Vishnu Lutchmeenaraidoo, alors ministre des Affaires étrangères, pour la signature d’un traité de non-double imposition entre Maurice et le Maroc. Il avait affirmé la volonté d’ouvrir une ambassade marocaine à Maurice. La reconnaissance de la RASD par Maurice avait aussi été évoquée et Vishnu Lutchmeenaraidoo avait soutenu que cela n’empêcherait pas le rapprochement avec le Maroc.</p>
Sahara Occidental 31 ans de conflit
<p>La RASD est un territoire de 266 000 km2 bordée par le Maroc, l’Algérie et la Mauritanie et occupé par l’Espagne jusqu’en 1976. En 1975, le roi Hassan II organise une grande marche pour montrer que le Maroc va récupérer le Sahara Occidental. Mais le Front Polisario a d’autres idées. Il estime que le Sahara Occidental doit être indépendant. La RASD a été proclamée en 1976 par le Front Polisario, groupe politique armé créé trois ans plus tôt pour lutter contre l’occupation espagnole. Après le départ des Espagnols, la Mauritanie et le Maroc se disputent ce territoire, mais le Front Polisario veut l’indépendance totale. En 1979, la Mauritanie reconnaît la souveraineté de la RASD, mais le Maroc clame toujours sa souveraineté. Le Polisario estime que la majorité des Sahraouis sont en faveur de l’indépendance. Mais le Maroc argue que ce territoire lui revient car les tribus sahraouies avaient des liens d’allégeance avec la royauté marocaine. En 1991, un cessez-le-feu est signé entre le gouvernement marocain et le Polisario. Depuis, le Maroc contrôle 80 % de ce territoire. 34 pays reconnaissent la RASD comme État souverain.</p>
Les documents
<p>La lettre a fait surface parmi le millier de documents mis en ligne par le hacker se cachant derrière le pseudonyme<em> «Chris Coleman»</em>. Ce dernier a rendu public des documents relatifs au gouvernement marocain depuis 2013. Après que son compte <em>Twitter</em> a été supprimé, le hacker avait disparu. Mais il a fait son come-back lorsque le Maroc, gouvernement qu’il vise, a été admis au sein de l’Union africaine. Les observateurs le qualifient comme quelqu’un qui milite pour les Sahraouis et tente de déstabiliser le gouvernement marocain. Selon plusieurs sites d’informations, nombre de documents mis en ligne par le hacker – ou le groupe – ont toujours été pris au sérieux par les médias, mais tous préconisent les précautions d’usage. <em>«Leur nombre – des centaines – et leur niveau de détail excluent toute fabrication ex-nihilo. Reste la possibilité que dans le lot se trouvent quelques pièces «bidonnées» par le pirate, mais dans l’ensemble, les fuites sonnent vrai»</em>, peut-on lire dans un article sur le site lemonde.fr, alors que <em>Le Figaro</em> explique que «<em>si certains documents ont été authentifiés, d’autres sont sujets à précaution.»</em></p>
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