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Mireille Martin: «Si Soodhun abandonne la politique, tout le monde s’en porterait mieux»
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Mireille Martin: «Si Soodhun abandonne la politique, tout le monde s’en porterait mieux»
Cela faisait un bail que la plus jeune ministre du précédent gouvernement avait disparu des radars médiatiques. Jusqu’à jeudi, où Mireille Martin a obtenu des excuses de Showkutally Soodhun, assorties d’un joli chèque. Explications.
Vous paraissez nerveuse. Tout va bien ?
J’ai perdu l’habitude de donner des interviews, je me sens un peu rouillée de ce côté-là.
Que devenez-vous depuis la dérouillée de 2014 ?
Je savoure ma nouvelle vie (large sourire). J’ai du temps, c’est le grand changement. Du temps pour ma famille, mes amis, pour moi aussi, car mon travail de ministre en prenait énormément.
Vous vivez de quoi ?
Je n’ai pas du tout (elle appuie) envie d’en parler. Mieux vaut rester low profile : je ne veux pas qu’ils viennent mettre le nez dans ma vie privée et bousiller mon travail.
Qui ça, «ils» ?
Les rancuniers, les mesquins du MSM. Vous ouvrez une brèche, ils s’y faufilent pour mettre la zizanie. Je ne vais quand même pas donner le bâton pour me faire battre.
Vous ne seriez pas devenu un peu parano ?
Ils ont fait ça tellement de fois ! Renseignez-vous.
Donc votre activité restera secrète ?
(Du bout des lèvres) J’ai créé mon entreprise, une petite agence de traduction. Passons à autre chose s’il vous plaît.
Showkutally Soodhun va devoir vous signer un chèque de Rs 100 000…
(Elle coupe) Je le poursuivais au départ pour Rs 10 millions.
Quand on obtient 1 % de ce que l’on réclame, peut-on parler de succès ?
Mon but n’était pas l’argent mais laver mon honneur et ma réputation salis. Aujourd’hui c’est fait, mais ça a pris six ans. Ce 1 %, comme vous dites, je m’en contrefiche. Je voulais des excuses formelles de cet homme, devant une cour de justice, et j’ai eu à lutter toutes ces années pour les obtenir. Le reste, nos avocats respectifs ont trouvé une formule – Rs 100 000 de dommages pour le préjudice subi, plus Rs 50 000 de frais d’avocat.
Rappelons les faits : en 2011, M. Soodhun affirme publiquement que vous avez monnayé votre transfert du MSM au PTr à hauteur de Rs 33 millions, plus un poste de ministre.
Une somme soi-disant obtenue du Dr Navin Ramgoolam. Il m’a traité de ‘députée- vente-à-l’encan’, il a dit que ma fille souffrait d’une maladie incurable, qu’elle aurait des soins à vie payés par le leader du Parti travailliste. Qu’il touche à ma fille, c’est ce qui m’a fait le plus mal (émue, elle s’interrompt). Elle avait 15 ans à l’époque, elle n’aurait jamais dû vivre tout ça. Elle a souffert. J’ai souffert. Et tout cela est arrivé à cause de mensonges infects qui ne visaient qu’à me détruire. Le pire, c’est que des gens ont cru tout ça.
C’est-à-dire ?
Ils ont cru que j’étais devenue multimillionnaire ! Depuis six ans, les allusions n’arrêtent pas. J’y ai eu droit partout où j’allais. Même des agents sont tombés dans le panneau. Combien de fois j’ai entendu : ‘Madam, avek kantité cash ki ounn gagné, fodé ou dépans inpé’.
Ce qui crédibilise l’histoire, c’est que cette somme peut apparaître comme de l’argent de poche pour votre patron, non ?
(Rire) C’est ce que les gens racontent, mais je n’en suis pas sûre.
Vous avez longtemps côtoyé M. Soodhun, contre lequel la justice vient d’ouvrir une procédure pénale dans l’affaire des menaces de mort. Qu’est-ce qui ne tourne plus rond chez lui ?
Je l’ai toujours connu comme ça : dans le paraître, à brasser de d’air. Il parle d’abord et réfléchi après. Quand quelque chose lui passe par la tête, il ne filtre pas, et avec le temps ça va en empirant. C’est comme le vin : certains se bonifient avec l’âge, d’autres tournent au vinaigre. M. Soodhun appartient à la seconde catégorie.
L’opposition réclame quasi unanimement sa démission. Et vous ?
Je ne crois pas que ce soit la solution. La meilleure, ce serait qu’il abandonne la politique. Tout le monde s’en porterait mieux, y compris dans son camp.
Avez-vous gardé des amis, des vrais, au MSM ?
Me faire des amis a toujours été difficile. Au MSM comme ailleurs.
C’est rare de dire ces choses-là…
Je vois des gens, j’ai beaucoup de connaissances que j’apprécie, mais au fond j’ai très peu de vrais amis. Je suis peut-être différente, je ne sais pas (les yeux dans le vague).
Au chapitre des amitiés politiques, vous avez travaillé six ans avec Pravind Jugnauth, puis trois avec Navin Ramgoolam. En quoi sont-ils diamétralement opposés ?
(Elle réfléchit) Dans leur façon de gérer les parasites autour du pouvoir. Pravind est mal entouré, le sait et ne fait rien. Navin peut l’être aussi, mais à un moment il vous dégage. Si vous essayez de le mettre sous pression, il vous explose à la figure. Pravind c’est le contraire, la pression le paralyse. Comme c’est quelqu’un de lucide, il en a conscience, mais il ne change rien. C’est comme ça que je vois les choses.
Comment votre parti vit-il les « Boolell leaks » ?
Avec beaucoup de sérénité. Arvin luimême ne s’en fait pas plus que ça, alors… Pour lui, ce ne sont que des allégations sans fondement. Il reste concentré sur sa campagne.
Qui la finance, ce coup-ci ?
(Elle tique) Vous êtes méchant. Avez-vous la preuve que le Maroc a financé la précédente ? Pour l’instant, ce ne sont que des palabres.
Des palabres un peu documentées.
Encore faut-il pouvoir authentifier le document.
Vous sous-entendez que la lettre de l’ambassadeur est un faux ?
Je ne sous-entends rien, je me pose la question du timing de cette lettre.
En parlant de timing, pourquoi notre pays est-il subitement devenu l’allié du Maroc sur la question du Sahara occidental ? Vous étiez au gouvernement à cette époque…
Développez…
Début 2014, après trente ans de soutien diplomatique, Maurice décide de ne plus reconnaître la République sahraouie. Ça pose question, vous ne trouvez pas ?
Vous la poserez à Arvin. Il a toujours fait passer les intérêts du pays avant tout. Si cette décision a été prise, c’est parce que cela devait servir les intérêts mauriciens.
Revenons à la campagne. La présence de Navin Ramgoolam sur le terrain servira-t-elle les intérêts de son candidat ?
Je le pense. Arvin a besoin de tout le monde, a fortiori de son leader. L’inverse me dérangerait : si Navin Ramgoolam, après avoir choisi personnellement ce candidat, n’était pas à ses côtés !
Et vous, ticket ou pas ticket en 2019 ?
Je serais une menteuse si je disais que je ne veux pas de ticket. Tout le monde en veut un, même les non-membres du parti commencent à se positionner. C’est bon signe, ça veut dire que le PTr reste attractif.
La circonscription n°4 serait votre nouveau terrain de chasse. Info ou intox ?
Rien n’est entériné, donc motus et bouche cousue.
Pourquoi ce déménagement?
L’ai-je confirmé ?
Vous en êtes où avec Kalyanee Juggoo ?
(Silence)
Ça ne s’est toujours pas arrangé ?
(Ton glacial) C’est la secrétaire générale de mon parti, je respecte la hiérarchie.
Qu’allez-vous faire des Rs 100 000 de M. Soodhun ?
Vous n’imaginez pas le nombre de suggestions que j’ai reçues ! Faire une énorme fête, un don à une organisation caritative, investir dans ceci ou cela… Quelqu’un m’a même proposé de sponsoriser une école de bonnes manières pour parlementaires. Par les temps qui courent, ça me semble être la meilleure idée.
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