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Dérapages verbaux: le ministre mentor est-il toujours «fit for duty»?

29 octobre 2017, 22:41

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Dérapages verbaux: le ministre mentor est-il toujours «fit for duty»?

Il ne filtre plus ses pensées. Ne prend plus la peine de réfléchir, semble-t-il, aux conséquences, avant de balancer des insultes ou des propos vulgaires, à tort et à travers. Les femmes «cleaners», les Rodriguais, ses détracteurs et des journalistes, pour ne citer qu’eux, en ont fait les frais. Mais alors, à 87 ans, sir Anerood Jugnauth est-il encore «fit for duty» ?

Les grévistes ont mis fin à leur action commune en milieu de semaine. Mais cette vidéo de sir Anerood Jugnauth (SAJ) continue à faire le buzz. À la sortie du comité parlementaire du gouvernement lundi 23 octobre, le ministre mentor, ministre de la Défense et ministre de Rodrigues, sort de ses gonds face aux journalistes. Il déclare : «Bé ki pou zwenn zot ? Si zot désid pou swisidé nou bizin al zwenn zot ? Mo foupamal ek zot mwa!» Il parle alors de ces femmes cleaners qui perçoivent Rs 1 500 pour nettoyer les écoles de l’État…

Le vendredi 13 octobre, à l’occasion des célébrations des 15 ans de l’autonomie de Rodrigues, le ministre de tutelle n’a pas su tenir sa langue. «Mo finn vinn isi pou fourni dilo mwa? Taler mo bizin vinn beign zot ousi.

Décidément, à 87 ans, le ministre mentor ne filtre plus ses pensées. Rares sont les sorties officielles où une insulte ne fuse pas. Est-ce la vieillesse et ses caprices ? Ou alors, comme il le dit si bien lui-même, est-ce qu’il «piss ar zot» ?

Personne émotionnellement impulsive

Visiblement, il n’en a que faire de ce que peuvent penser la presse ou le public. «Avec l’âge, les traits de caractère s’accentuent.» Ou dokter ou ? Oui, Anil Banymandhub est psychiatre. «Si on regarde le parcours de sir Anerood Jugnauth, ce qu’il dit est très caractéristique du personnage. Je pense qu’il a toujours été une personne émotionnellement impulsive. Si on analyse ses dernières déclarations, il commence par répondre convenablement. C’est ce qu’il ajoute après qui est ‘problématique’…»

Pour lui, si ce que dit SAJ est «moche» dans la forme, dans le fond, il ne fait qu’exprimer ses pensées. Mais quand on atteint un tel stade de vulgarité, est-on apte à gérer trois portefeuilles ? Il y va quand même de la santé mentale du pays, non ? «Ce serait franchir une ligne rouge que de dire que sir Anerood Jugnauth n’a plus toutes ses facultés. Ce serait trop facile de faire ce genre de commentaire.»

D’autant plus que, insiste le psychiatre, il y a des ministres qui ont 15 ou 20 ans de moins que SAJ et qui débitent des choses bien pires. «Il faudrait demander à Pravind Jugnauth de passer par le Mauritius Turf Club et de prendre des oeillères, des brides et autres équipements pour sa cavalerie avant de se rendre au Parlement», déclare Anil Banymandhub, un brin moqueur.

«Je-m’en-foutisme»

Swalay Kasenally, ancien ministre et universitaire à la retraite, est lui aussi d’avis que la classe politicienne d’aujourd’hui fait pâle figure pour ce qui est du respect. Et que SAJ ternit l’image qu’il a construite durant toute sa carrière. «Ces dernières déclarations lui font beaucoup de tort et d’une certaine façon, dénaturent ce qu’il a accompli durant toute sa carrière politique. C’est un épisode, une conclusion qu’il ne mérite pas», déclare celui qui est lui-même âgé de 80 ans.

Pour Swalay Kasenally, SAJ aurait dû partir lorsqu’il a abandonné son poste de Premier ministre… Il dit ne pas reconnaître ce sir Anerood Jugnauth de 2017 lorsqu’il le compare à celui qu’il a côtoyé durant la partielle au n°9, en 1998. «Il était sévère mais il savait reconnaître ses torts. Il a toujours été dur mais jamais vulgaire. Mais aujourd’hui, il fait preuve d’une sorte de je-m’en- foutisme.»

Comment expliquer cela ? Swalay Kasenally estime que SAJ éprouve une certaine rancoeur contre les Mauriciens, qui se montrent ingrats envers lui alors qu’il a tellement donné pour Maurice. D’autre part, il doit mal digérer la désillusion face à la perte de contrôle sur ses ministres et sur l’alliance dont il était leader.

«Ses paroles dépassent sa pensée»

Cela excuse-t-il pour autant ses déclarations ? Non, répond l’ancien ministre. «Prenons l’épisode de Rodrigues, le sir Anerood Jugnauth que je connaissais se serait excusé parce que ses propos ont blessé toute une population. Surtout qu’il est ministre de Rodrigues. On a l’impression qu’il fait preuve de condescendance mais je pense que ses paroles dépassent sa pensée.»

Pour Amanoollah Tegally, 89 ans, SAJ aurait tout simplement dû être en train de profiter d’une retraite bien méritée. «Je ne connais pas sir Anerood Jugnauth, mais ce que je peux vous dire, c’est qu’il aurait dû partir lorsqu’il a démissionné comme Premier ministre», lance l’ancien enseignant. «À son âge, je n’aurais pas aimé avoir autant de choses à faire, je préfère profiter de ma retraite avec mes petits-enfants et mon unique arrière petite-fille Imaan…»