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Ismaël, 14 ans: «Sil vou plé, napa les mwa ek mo mama al dormi san manzé…»
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Ismaël, 14 ans: «Sil vou plé, napa les mwa ek mo mama al dormi san manzé…»
Il n’est pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche. D’ailleurs, il a à peine de quoi se mettre sous la dent. Le gargouillis de son ventre lui est maintenant familier. Trop familier. À un âge où les enfants ne devraient que se soucier de leurs études, Ismaël, 14 ans, doit se battre tous les jours contre la misère pour vivre.
C’est en compagnie de sa mère, souffrante, Jacqueline Mimi, qu’il sollicite tous les soirs les passants pour avoir de quoi mettre dans leurs assiettes. Son rêve serait de retourner à l’école afin d’avoir une vie décente. Mais il a été expulsé du collège pour absences non justifiées. Il était en Form I.
Il est 21 heures, le dimanche 5 novembre. Les rues de Goodlands sont quasi désertes. À l’exception de quelques personnes venues faire des retraits d’argent. Non loin des guichets automatiques se tiennent Ismaël et sa mère. Dans sa main, un gobelet porté à l’attention des passants. Engoncé dans un sweat à capuche rapiécé et fatigué, les cheveux ébouriffés, le visage émacié mais le regard vif, Ismaël guette les passants.
«Lerla bizin al dormi koumsa-mem»
«Madam kapav gagn enn ti sarité. Misié, sil vou plé, napa les mwa ek mo mama al dormi san manzé», lance-t-il. Par moments, son appel à l’aide parvient à peine à l’oreille des passants, trop préoccupés par leurs propres soucis. «Lerla bizin al dormi koumsa-mem», raconte l’adolescent. Toutefois, Ismaël peut compter sur quelques bons Samaritains, dont les sous offerts permettent d’acheter le repas du jour.
Cela fait un peu plus d’un an qu’il est retourné vivre avec sa mère. Il a vécu pendant quatre ans dans un shelter, avec son frère. C’est à la sortie de ce dernier de l’établissement qu’il a lui aussi été autorisé à rentrer chez lui. À condition que sa sœur aînée s’occupe de lui. Ce qu’elle fera pendant un moment. Cependant, à cause de problèmes familiaux, elle n’a pu continuer à veiller sur Ismaël. Ce dernier est donc retourné auprès de sa mère. Mais depuis son retour, relate le garçon, la vie n’est pas de tout repos. Et d’ajouter qu’il préférait l’époque où il vivait au centre. Là-bas, dit-il, «ti gagn manzé fini kwi ek kapav dormi bien é prop».
Quid de l’école ? Ismaël raconte qu’il a été expulsé. «Mo pa ti dan prévoc mwa madam, mo ti pas mo siziem. Mo ti gagn 15 inité. Kolez inn met mwa déor parski mo ti absan. Mo ti pou kontan réalé pou gagn enn bon travay. Mé larzan pou manzé péna, linz péna, lalimier inn koupé», relate le petit. Cette vie, il ne l’a pas choisie. Les dés ont été jetés sans qu’il n’ait son mot à dire. Mais il compte bien défier le destin, se donner une deuxième chance. D’ailleurs, il garde espoir de pouvoir reprendre le chemin de l’école et d’apprendre un métier. «Mo pa tro koné ankor mé kapav mékanisien», répond le petit bout d’homme.
Sa mère, elle, est d’avis qu’il peut aspirer à mieux. «J’aimerais qu’il fasse autre chose car il est très intelligent.» Jacqueline Mimi, toute frêle, l’écoute relater leur triste histoire. Elle est épileptique. En raison de ses crises, qui se produisent régulièrement, elle ne peut pas travailler.
Bonne étoile
Comme un malheur n’arrive jamais seul, sa pension a été interrompue il y a quatre ans. Depuis, elle a frappé à toutes les portes. Mais sa santé fragile et le manque d’argent ne lui permettent pas de continuer ses démarches.
D’une voix à peine audible, elle explique que ses enfants avaient été placés dans des shelters par la Child Development Unit, à l’époque, en raison de son penchant pour l’alcool. Mais avec l’âge et la maladie, elle raconte qu’elle a décidé de changer. Son regret, aujourd’hui, est que son fils ne soit pas scolarisé. Et qu’ils doivent, ensemble, parcourir les rues du village pour gagner quelques sous pour le dîner. Parfois, confie-t-elle, Ismaël fait des petits boulots. Elle l’accompagne afin qu’il ne soit pas seul. Même si elle ne peut pas faire grand-chose.
Ainsi, chaque soir, ils arpentent les rues de Goodlands, squattant souvent près des guichets de la MCB. En attendant une lueur de leur bonne étoile… Et que le sort se décide enfin à leur donner un peu de répit.
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