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Vacances scolaires: il en faut peu pour être heureux
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Vacances scolaires: il en faut peu pour être heureux
Des enfants qui ne sont pas accrochés à leurs portables, qui n’ont pas les yeux rivés à quelque écran, c’est rare. Mais ils existent bel et bien. À Batterie-Cassée, notamment. Rencontre
Ils affichent un air espiègle, une mine réjouie. Sont ravis de pouvoir raconter leur vie. La cloche a sonné le 27 octobre, l’école est finie, jusqu’à la prochaine rentrée. Mais pas question d’y penser. Seul le moment présent compte, il faut profiter de chaque seconde.
Pour ces enfants de Batterie-Cassée, il en faut peu pour être heureux. Quelques amis, de l’imagination, une roue, des «kanet», un objet insolite et le tour est joué. Consoles, écrans et portables ne sont pas leurs meilleurs potes. Pas encore.
Il est 13 heures. Certains adultes sont au travail, d’autres font la sieste pour digérer le repas de midi. Ces cinq compères, eux, sont ensemble du matin au soir. Yohan, 12 ans est le chef du groupe. C’est lui qui «kontrol baz». Comme ils n’ont que deux vélos, il faut respecter un planning strict afin que chacun puisse en profiter. «Il faut bien partager», lâche le boss. Les petites querelles sont fréquentes, mais l’amitié et le rire reprennent le dessus en quatrième vitesse.
Les quatre autres membres de la «tribu» ont pour noms Jefferson, Yann, Brice et Gregory. «De toute façon, il y a tellement de choses à faire ici que même si on n’a pas de bicyclette, ce n’est pas grave», explique Yann. Il a 11 ans lui aussi, il aimerait bien prendre des cours de batterie, mais n’a pas encore trouvé de prof. Brice, lui explique qu’il a un cousin qui est inscrit dans une école à Roche-Bois et explique à son pote qu’il devrait peut-être se renseigner.
«De toute façon, il y a tellement de choses à faire ici que même si on n’a pas de bicyclette, ce n’est pas grave.»
La batterie, c’est décidément le sujet de conversation du moment. «Pa koné kifer. Mo zis anvi konn zwé. Style sa. Kapav apré mo pou al zwé dan enn group», dit-il d’un air songeur. Ses amis lui demandent de descendre de son nuage. Il y a des choses plus importantes à faire pour l’instant : comme jouer tout court.
«Il n’y a pas que le vélo. Parfwa, nou zwé boul, swa lor simé swa lor térin inpé pli lwin», souligne Yohan. Il n’est pas très prudent pour des enfants de traîner dans la rue toute la journée, de se prendre pour des cascadeurs sur leurs fidèles destriers de métal. «Li danzéré dan tanto kan éna loto pasé, mé nou fer atansion. Nou fami inn dir nou pa al lwin.»
Il n’y a pas que le guidon dans la vie. En moins de temps qu’il n’en faut pour dire «attention», les cinq gamins ont escaladé un arbre pour cueillir des grenades et en sont redescendus. Parfois, fait ressortir Gregory, ce sont des mangues qu’ils vont chercher. «Lerla fer salad pou tou dimounn.»
«Notre sapin est en laine. Apré, nou pou fabrik bonom dé nez ek soset. Kouma mo mama asté bann zafer, nou pou koumansé la.»
Pour l’heure, ils dégustent leurs grenades qui explosent en bouche, assis sur une petite marche, à l’ombre d’un muret. C’est le père de Gregory qui l’a construit. «Il y a longtemps, ils avaient retrouvé un homme mort ici. Il avait été agressé je crois», raconte Yohann, concentré sur le fruit entre ses mains. Ses potes et lui ne sont pas du genre à se laisser hanter par de tels souvenirs.
Plus loin, à Baie-du-Tombeau, dans la cour de la résidence NHDC, résonne le bruit des rires et des cris d’enfants. Ici, pas besoin de traverser le mur pour aller rejoindre ses amis. Vélos, ballons, cordes à sauter règnent en maître, les parents surveillent les petits garnements en discutant. «Dan sa gro soley midi lamem zot pou zwé», se lamente une maman.
Kevin, 8 ans, est le boute-en-train de la joyeuse troupe. Tantôt à bicyclette, tantôt à pied, il fait le tour des lieux, telle une gazelle qui aurait pris une boisson énergisante. Son petit cousin, Mao, est collé à ses basques, imite tout ce qu’il fait. Sa sœur, Vanessa, 13 ans, est, elle, plus calme. Installée à l’ombre, elle converse avec sa cousine Amélie.
«Ce n’est pas seulement pendant les vacances que nous sommes ensemble. Même lorsqu’on sort de l’école, on joue», tient à préciser Kevin. Les amis, cousins et cousines attendent avec impatience le jour où ils iront à la mer, chose promise par les parents.
Dans quelques semaines, sous la supervision de Vanessa, tous commenceront à préparer les décorations de Nöel. Chaque année, ils font tout à la main. «Notre sapin est en laine. Apré, nou pou fabrik bonom dé nez ek soset. Kouma mo mama asté bann zafer, nou pou koumansé la», raconte Vanessa avec une pointe de fierté dans la voix. La jeune fille explique qu’elle a développé ses talents de décoratrice grâce aux tutos disponibles sur YouTube…
Ah ? «Nous ne sommes pas accros aux écrans, mais ça peut servir parfois…»
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