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Sutiawan Gunessee: «S’il y a de l’ingérence, je partirais»
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Sutiawan Gunessee: «S’il y a de l’ingérence, je partirais»
Restructurer et moderniser la PSC. C’est ce que compte faire son président, Sutiawan Gunessee. Dans un entretien exclusif à l’express, l’ancien ambassadeur nous parle, sans concession, des différentes perceptions liées au travail abattu par l’organisme.
Trois mois que vous êtes en poste. Comment cela se passe ?
C’est une offre que j’ai acceptée après beaucoup de réflexion. Et c’était un défi à relever. J’ai constaté que mon prédécesseur (Nirmala Boodhoo, NdlR) a fait un travail remarquable. Il faut continuer sur la bonne voie et faire mieux. Nous avons une bonne équipe. Je suis très satisfait du travail accompli par le personnel. Ce sont des professionnels motivés et dédiés. Ils sont dotés de bonne volonté. Cependant, il faut revoir certains aspects du fonctionnement.
Lesquels ?
Au niveau décisionnel, particulièrement. Je suis en train de revoir tous ce processus. J’ai déjà commencé par la Disciplined Forces Services Commission (DFSC). Maintenant, c’est beaucoup plus rapide, automatisé et transparent.
Comment ?
On a défini les critères ainsi que les procédures à suivre. Auparavant, on avait recours à la circulation de dossiers. Ceux-ci devaient passer entre les mains de tous les commissaires individuellement (il y en a quatre à la DFSC, NdlR). Or, maintenant, grâce à la délégation des pouvoirs, le président peut prendre des décisions qui seront entérinées lors de la réunion du board qui se réunit chaque semaine. Cela dit, la DFSC n’était, relativement, pas un gros morceau comparé à la Public Services Commission (PSC).
Et quel est ce «gros morceau» ?
Il y a plusieurs choses, en fait. Par exemple, un nombre grandissant de demandes faites par les mêmes personnes pour différents postes. Vous vous imaginez, presque 12 000 personnes ont envoyé leurs demandes pour le poste d’enseignant du pré-primaire, alors qu’il n’y a que 156 vacances. Tous les jours, et ce pendant 12 jours, on est en train de réaliser 450 entretiens. On a dû mobiliser dix commissaires, dont ceux de la DFSC.
Tout comme on a reçu 1 745 applications pour 11 postes de library and animation officer. 403 ont été retenues, dont celle d’un détenteur d’un doctorat et deux détenteurs de MBBS. Quand on recrute quelqu’un hautement qualifié, il s’en va après quelques mois. Alors que d’autres possèdent un bon niveau de School Certificate (SC) et Higher School Certificate (HSC) mais le système ne nous permet pas de les retenir. Même l’entretien ne permet pas de faire une différence. Cela perturbe considérablement le fonctionnement de la PSC. On recommence la même procédure à chaque fois. Si on ne change pas de système, on ne pourra pas continuer à recruter de manière optimale.
Que proposez-vous comme solution ?
Dans l’immédiat, on essaie de voir si on peut apaiser cette situation en tenant des examens communs pour certaines postes qui demandent les mêmes qualifications minimales. Quitte à introduire un système moderne après étude. Un comité, sous la présidence du commissaire Anbanaden Veerasamy, a été mis sur pied pour travailler sur les termes de référence de cette étude. Celle-ci concernera la restructuration et la modernisation du système. Et aussi, le type d’examen qui sera approprié pour le contexte mauricien et pour quel métier. Il y aura davantage de transparence et d’équité, particulièrement si ces examens seront basés sur des questions à choix multiples.
Parlez-nous de ces examens communs.
Ce sont des examens qui vont se tenir en décembre, chaque année, soit après ceux du SC et HSC. Ou encore en fonction de la demande. L’idée étant de créer une banque avec des profils pour chaque candidat. S’il n’y a pas de changement dans le profil, c’est inutile de convoquer les mêmes personnes à chaque fois. Cela évitera à la fois la frustration des candidats qui ne reçoivent pas de convocation pour un entretien et la perte de temps au niveau de la PSC. D’autre part, le comité va aussi se pencher sur la formule appropriée en vue d’actualiser le profil du candidat si celui-ci se dote d’une nouvelle qualification.
Il n’y a pas que l’exercice de recrutement, mais aussi celui de la promotion qui fait des mécontents. Votre avis ?
En effet. C’est une bonne chose que les fonctionnaires qui sentent que leurs droits ont été lésés aient recours au Public Bodies Appeal Tribunal (PBAT). Mais cela a aussi des conséquences. Cela commence à peser lourd sur le fonctionnement du système. Dans 90 % des cas, ces plaintes sont rejetées. Il nous faut un système pour alléger ce fardeau. On va recruter un conseiller juridique, entre autres, pour être plus rigoureux dans la sélection.
Que répondez-vous à la perception qu’il faut avoir un «backing» pour décrocher un emploi dans la fonction publique ?
Cette perception devrait se défaire quand on va faire des examens. Car tous les candidats éligibles y seront conviés. Grâce au système de marquage, on sait exactement combien attribuer en ce qui concerne les qualifications. Par exemple, si une personne a obtenu les 6 unités aux examens du HSC, elle aura le maximum de points et ça peut être vérifié. Il y a une certaine automaticité à ce niveau, alors que le reste est joué lors de l’entretien.
Malgré toutes ces «difficultés», ils sont toujours aussi nombreux à vouloir devenir fonctionnaire. On avance, pour tout argument, la sécurité d’emploi. Votre regard.
En effet. C’est ce qu’ils disent. Il y a aussi ceux qui sont employés dans le privé. Quand on leur demande leur motivation pour rejoindre la fonction publique, certains disent qu’ils n’aiment pas travailler le soir. Donc, c’est pour des avantages aussi.
Quid de la motivation ?
Lors des entretiens, on sait si ce n’est que pour la facilité ou s’ils ont la motivation nécessaire pour le métier. D’où la raison que, pour la première fois, j’ai introduit des entrevues à l’intention des enseignants du pré-primaire. Alors qu’auparavant, il n’y avait que la vérification des certificats. L’enseignement est une vocation, il faut que la personne sache communiquer.
Il y a aussi cette impression que tous les citoyens ne sont pas égaux devant la PSC. Vos commentaires.
J’en suis conscient. Mais si on n’a pas de candidats tous les milieux ? Ou encore, si ces candidats ont postulé mais qu’ils ne répondent pas aux critères définis, ni aux qualités et qualifications requises? Ils n’arriveront jamais à être recrutés. C’est un vrai problème. A la PSC on cherche le meilleur. Dans la transparence. Ce n’est pas la faute de la commission, mais du système. On applique des critères à tout le monde équitablement. Maurice est un pays arc-en-ciel, il faut prendre en compte tous les éléments, mais comment ? Il faut réfléchir dessus. Est-ce que Maurice est prêt à adopter une politique de discrimination positive telle qu’elle est pratiquée en Inde ou en Australie? Alors qu’à Maurice la loi préconise l’égalité des chances. Si un candidat a décroché un first class degree, comment peut-on le pénaliser ? Surtout avec l’avènement du PBAT, tout doit être transparent, ils peuvent demander de produire des mark sheets.
Quid du phénomène des habitants d’un endroit en particulier qui trouvent du travail dans la fonction publique ?
Au risque de me répéter, la PSC applique des critères à tout le monde sans distinction. Quant à moi, je suis très indépendant. Une des raisons pour laquelle j’ai accepté ce poste c’est que le Premier ministre m’a assuré qu’il n’y aurait aucune ingérence. Jusqu’à présent, c’est le cas.
D’autres politiciens n’ont pas essayé de le faire ?
Du moins, pas à moi directement. Le jour qu’il y aura une ingérence, je partirai.
Vos projets d’avenir ?
L’e-recrutement qui a déjà été introduit en interne, sera étendu au public. On va aussi communiquer le statut des vacances sur notre site web. Très souvent, les gens envoient leurs applications mais ils ne savent pas si le poste ait été rempli ou pas.
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