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Biodiversité: chauves-souris tuées, mauvais tir pour le pays

29 novembre 2017, 00:35

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Biodiversité: chauves-souris tuées, mauvais tir pour le pays

L’abattage des chauves-souris endémiques (Pteropus Niger) en 2015 et 2016 risque d’avoir un nouvel impact négatif sur l’image du pays. Maurice n’est pas le premier pays à faire de l’abattage pour maintenir une population animale dans des limites convenables, mais deux exer- cices ont eu un effet plus négatif que prévu.

L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) devra prendre une décision imminente sur l’inclusion de nos chauves-souris sur la liste rouge des animaux en voie de disparition. Le ministre de l’Agro-industrie lui-même a confirmé, en répondant à Rajesh Bhagwan le 31 octobre, que «l’UICN est actuellement en train d’évaluer le statut de la chauve-souris endémique et qu’elle est en attente du rapport avant de prendre de nouvelles décisions».

Malheureusement, entre les 38 318 chauves-souris officiellement abattues par le gouvernement, et celles dont la mort n’a pas été recensée – par exemple les morts naturelles ou le braconnage par les planteurs – ce sont des colonies entières qui ont probablement disparu, des observateurs assidus affirmant que les colonies les plus importantes, notamment à Grande-Rivière-Sud-Est, sont passées de plusieurs milliers à quelque centaines d’individus.

Les résultats de l’évaluation sont sans aucun doute défavorables pour le pays. Dans le pire des cas, selon certains, l’espèce pourrait être rééchelonnée de ‘vulnérable’ à ‘en danger critique d’extinction’ sur la liste rouge. Dans la même réponse, Mahen Seeruttun affirme que «57 150 chauve-souris seraient encore vivantes».

Cependant, l’UICN estimerait que le nombre actuel de chauves-souris serait moins important et surtout que le déclin serait plus grand que celui prévu durant sa dernière étude.

«L’UICN réalise des études à intervalles réguliers pour examiner l’état des espèces autour du monde. Ils ont leurs propres équipements et scientifiques pour avoir les données dont ils ont besoin», explique Vikash Tatayah, le responsable de la conservation de la Mauritian Wildlife Foundation (MWF). «Après leurs recherches, ils actualiseront le statut de la chauve-souris.»

L’UICN est connue comme l’un des organismes les plus importants par rapport à la biodiversité animale. Elle liste l’état des espèces autour du monde.

«Les décisions de l’UICN ne sont pas faites au hasard, c’est le fruit d’un travail élaboré pour prendre une décision. Actuellement, notre chauve-souris endémique se trouve dans la catégorie vulnérable», ajoute Vikash Tatayah. «Cela, après que des décisions aient été prises dans le passé pour la sauver alors qu’elle était en danger d’extinction.»

La liste de l’UICN classe les espèces, dans le cas où ils ont assez de données, de la pire situation à la meilleure, dans l’ordre suivant : «disparue», «disparue à l’état sauvage», «en danger critique d’extinction», «en danger», «vulnérable», «quasi menacée» et «préoccupation mineure».

Le déclin des chauves-souris est en majeure partie due à la mauvaise réputation dont elles sont affublées dans la communauté des planteurs, celle de destructrices de récoltes. Nombre de chauves-souris sont blessées et meurent de leurs blessures ou sont abattues par les planteurs, qui cherchent à dé- fendre leurs fruits.

Des organisations non gouvernementales (ONG) comme Sitwayen Animal font de leur mieux pour venir en aide aux chauves-souris en tentant notamment de prendre soin des animaux blessés. L’association a pu entrer en contact avec des collègues australiens de Wildlife Information, Rescue and Education Service (WIRES). Cette association se spécialise dans l’aide et la réhabilitation d’animaux sauvages dont les chauves-souris. Deux expertes australiennes sont venues à Maurice plusieurs fois et ont pu se rendre compte de la situation. Cate Ryan et Viki McDonald comptent plu- sieurs années d’interventions sur les chauves-souris.

«Quand nous avons été contactées à propos des chauves-souris mauriciennes, nous avons tout de suite voulu apporter notre aide. Les membres des ONG mauriciennes emmènent les chauves-souris blessées chez des vétérinaires qui n’avaient aucune idée de comment traiter ces animaux», affirme Cate Ryan, l’une des deux Australiennes présentes à Maurice pour aider les associations. «Beaucoup de blessures sont dues au fait que les filets sur les arbres sont mal placés.»

En effet, selon leurs observations à Maurice, WIRES indique que, de façon générale, il y a une mauvaise utilisation de filets qui ne protègent pas suffisamment les arbres et blessent les animaux au lieu d’avoir une fonction préventive. Et qu’en sus de cela, les chauves-souris ne sont pas les plus gros mangeurs de fruits dans les vergers.

Les colonies ont souffert de l’abattage et du braconnage.

«Ce sont avant tout des oiseaux envahisseurs qui mangent vos fruits, le plus commun étant le boulboul à ventre rouge (Le condé,) qui n’est pas endémique de Maurice», ajoute Cate Ryan. «Il ne faut pas oublier que les chauves-souris font partie intégrante de l’écosystème mauricien et participent activement au bien-être des forêts endémiques du pays avec la pollinisation et la distribution des graines. Si elles venaient à disparaître, ce serait grave pour les forêts de Maurice.»

Une méthode supplémentaire pour prévenir la perte de fruits serait de sacrifier un arbre dans un verger ou dans une région, surtout quand on remarque le nombre de fruits qui sont perdus dans certains coins.

La décision de l’UICN devrait tomber très bientôt, malheureusement malgré les recommandations de l’entité internationale, celles-ci n’ont pas force de loi. Cependant, si Maurice veut redorer son blason, il faudrait que le pays mette plus d’énergie dans le contrôle et l’atténuation de l’impact de l’Homme sur les animaux et leur équilibre dans l’écosystème.

Mahen Seeruttun toujours à l’Assemblée nationale, a dit que «mon ministère travaillait de concert avec l’UICN et la MWF pour trouver des solutions à la cohabitation entre les chauves-souris et les hommes».