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Sofitel: «Après 25 ans de service, je ne gagne que Rs 10 500 par mois»

6 décembre 2017, 21:30

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Sofitel: «Après 25 ans de service, je ne gagne que Rs 10 500 par mois»

Ils travaillent depuis des décennies, mais leurs salaires ne reflètent pas leur temps de service. Les employés de l’hôtel Sofitel ont décidé de briser le silence et d’aller vers une grève, car il leur est difficile, mois après mois, d’essayer de joindre les deux bouts avec ce qu’ils obtiennent à la fin du mois. Rencontre.

Rajen Sennat a 47 ans. Cet habitant de Quatre-Bornes a commencé à travailler à l’hôtel il y a 20 ans, dans la section maintenance. «Attention, tient-il à préciser, maintenance ne veut pas dire seulement les petits travaux.» Il est charpentier et le travail varie.

Rajen Sennat explique que cela peut aller de la plus petite réparation mineure aux gros travaux pendant les rénovations, en passant par la fabrication de meubles. Le charpentier travaille du lundi au samedi, de 7 h 30 à 16 heures. «Bizin travay lindi a samdi, plis dédimans par mwa», souligne-t-il. Tout ça pour un salaire de Rs 12 375 par mois.

Des employés de l’hôtel qui menaçaient de faire grève l’ont repoussée au 18 décembre.

Sa fiche de paye reste inchangée, aussi bien pour les mois où il y a des petits travaux ou la période des rénovations. «Comme à chaque fois, nous sommes toujours au début du mois et je n’ai presque plus d’argent», lâche-t-il, dépité. Marié et père d’un enfant, les dépenses de la dépassent souvent son salaire.

Au dire du charpentier, l’ancienneté ne compte pas au sein du groupe. Après 20 ans de service, il reçoit pratiquement le même salaire qu’un nouveau venu. «Parfwa, éna zis Rs 300 diférans ant nou ek zot. Aster-la, kapav éna pé gagn plis tou…» Non, Rajen Sennat ne souhaite pas que les nouveaux touchent encore moins, mais selon lui, son temps de service devrait se refléter sur ce qu’il touche.

Garder le silence

Au sein de l’équipe de maintenance, ils sont à quatre dans cette situation. D’autres, comptant 12 ou 15 ans d’expérience, font face à des problèmes similaires. Selon lui, ce problème dure depuis des années mais le directeur des ressources humaines de l’époque a toujours fait pression pour qu’ils ne se plaignent pas de leurs conditions de travail et surtout, de leurs salaires.

Pour rajouter du beurre dans ses épinards, Rajen Sennat doit essayer de trouver des petits boulots durant son temps libre. Sauf que n’ayant que deux jours de libre par mois, ce n’est pas toujours évident pour lui de le faire. «Pa kapav pran bann gro travay. Ar sa ban ler nou éna-la, tras trasé si vinn difisil.»

Comme Rajen Sennat, plusieurs autres employés travaillent dans les mêmes conditions au sein d’autres départements. Anand Geerdharry est jardinier et opérateur à l’hôtel. Il a rejoint l’équipe cinq ans avant son collègue charpentier. «C’est juste le nom qui fait peur. Cela veut simplement dire opérer les machines pour couper l’herbe», fait-il savoir.

Des employés de l’hôtel qui menaçaient de faire grève l’ont repoussée au 18 décembre.

Lorsqu’il a rejoint l’hôtel, il a pris quelque temps avant de s’habituer aux machines. Depuis, il fait tout. Jardinage, tondre, maintien et nettoyage n’ont pas de secret pour lui. Chaque jour, il est sur son lieu de travail entre 6 heures et 10 heures. Son salaire ? «Rs 10 500. Après 25 ans de temps de service, c’est tout ce que je gagne.»

À chaque fois que ses collègues et lui ont essayé de solliciter la direction dans une tentative d’améliorer leur situation, cela s’est soldé par un échec. «Sak fwa zot dir zot pou gété apré. Mé ziska ler, zamé inn gagn kitsoz», déplore-t-il.

Anand Geerdharry est marié et a un enfant aussi. Comme pratiquement tous ceux qui sont au bas de l’échelle dans l’hôtel, il essaie tant bien que mal de trouver d’autres petits boulots à l’extérieur pour essayer d’améliorer son quotidien. Il n’y arrive pas toujours et se résigne

alors à faire encore plus de sacrifices… Dans le département Food & Beverages, la situation n’est guère plus reluisante. Daniel (prénom modifié) avance qu’il est employé depuis 20 ans. Il ne donne pas le montant exact de son salaire «par pudeur» mais affirme que c’est moins de Rs 14 000, malgré toute l’expérience qu’il a au compteur.

Casse-tête

Contrairement aux autres, il travaille sur un shift system : soit de 7 heures à 16 heures, soit de 3 heures à minuit, soit de 23 heures à 8 heures. Ses horaires ne lui laissent pas la possibilité de trouver de quoi arrondir ses fins de mois. «Je n’ai pas d’autre choix que de vivre avec ce que je gagne», dit-il, ajoutant que ce n’est pas toujours facile car il a un enfant. Tous les mois, son casse-tête est d’organiser son budget. «Si enn zour manz enn zafer, bé landémin bizin fer atansion. Difisil pou fer enn ti plézir…»

Comme tous les employés, il attend que la situation s’améliore dans les jours à venir grâce aux négociations en cours avec leur syndicat, la direction de l’hôtel et le ministère du Travail.
 

La grève repoussée au 18 décembre

<p>La situation va-t-elle se décanter pour les employés de <em>Sofitel L&rsquo;Imperial Mauritius Resorts</em> ? En tout cas, suite à une rencontre mardi 5 décembre entre les représentants du ministère du Travail, du <em>General Workers Federation </em>et de la direction de <em>Sofitel,</em> <a href="https://www.lexpress.mu/article/322172/sofitel-greve-repoussee-au-18-decembre" target="_blank">la grève prévue par les employés a été fixée au 18 décembre</a>. La direction a, en effet, pris l&rsquo;engagement de venir de l&rsquo;avant avec une proposition pour les employés ce vendredi 8 décembre.</p>