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Solidarité: le Noël spécial de Noëlla, née un 24 décembre…

24 décembre 2017, 21:00

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Solidarité: le Noël spécial de Noëlla, née un 24 décembre…

La saison des fêtes est synonyme de joie, de partage et… shopping. Les centres commerciaux sont pleins à craquer, les porte-monnaie remplis il y a encore quelques jours se vident, comme nos réservoirs par temps de sécheresse. Les enfants rient ou pleurent, certains se roulent par terre parce qu’ils veulent tel ou tel joujou, les adultes s’énervent devant les files qui s’étirent devant les caisses enregistreuses.

Certains, comme Noëlla Castel, n’ont pas ce stress. De l’argent pour faire des achats ? Elle n’en a tout simplement pas… Grâce à une petite et rapide collecte de dons auprès de quelques collègues de la rédaction, nous lui proposons «une enveloppe », histoire de faire en sorte qu’elle puisse croire à nouveau au père Noël, aussi modeste soit-il.

Noëlla souffle d’ailleurs ses 59 bougies, aujourd’hui. D’habitude, c’est une journée qu’elle passe seule, ou en compagnie de ses voisines devant le seuil de la porte, à prendre l’air. «Vous savez, par ici, on vit comme on peut», explique-t-elle. La quinquagénaire n’a jamais travaillé et n’a jamais trouvé le grand amour. Pour survivre, de temps en temps, elle élève des poulets, pour se faire quelques sous.

 Âme généreuse

Les autres jours, elle doit attendre que son frère rentre du travail pour qu’elle ait quelque chose à se mettre sous la dent. Période festive ou pas, il y en a certains dont le quotidien ne change pas. Cette année, avec cet argent, elle a décidé de mettre du beurre dans les épinards. Mais la généreuse âme qu’elle est ne pouvait se rendre au supermarché seule, sans sa voisine, sa copine, Marie-Lise Félicité, 58 ans, dont la situation financière est également précaire. Nos deux compères ont beau être pauvres, elles sont riches de leur amitié, qu’elles chérissent.

Après avoir enfilé leurs habits du dimanche, direction le centre commercial de Riche-Terre. «Dépi inn aranzé zamé nou’nn vinn isi», entonnent les deux habitantes de Baie-du-Tombeau. Devant l’entrée du supermarché, elles hésitent. Panier ? Caddie ? Que vont-elles pouvoir s’acheter ? Que veulent- elles prendre ?

D’un pas incertain, elles avancent. Des rayons à perte de vue, du chocolat qui leur fait les yeux doux, des vêtements qui leur en font voir de toutes les couleurs. Devant une telle opulence, Noëlla et Marie-Lise ont un peu de mal à garder la tête froide. «Komié kas bizin pou asté tou isi?» lâche Marie-Lise Félicité en riant.

Cependant, nos deux fourmis n’ont pas l’intention de jouer aux cigales. Hors de question de faire des folies. Les chocolats et autres friandises, elles les dévorent du regard seulement. Agrippant fermement leurs paniers, elles se dirigent sagement vers les rayons alimentaires  pour faire leurs emplettes pour le réveillon.

 Prix les plus bas

«Get séki an promosion-la», conseille Marie-Lise à son amie. Les prix seront ainsi scrutés, scannés, comparés. «Kapav pran enn gro paké lamem non?» analyse Noëlla. Généralement, c’est au détail qu’elles achètent les commodités lorsqu’elles peuvent se le permettre. Habitude et prudence obligent, les deux femmes n’achètent que les choses qui affichent les prix les plus bas. Qu’importe si ici, certaines choses coûtent plus cher que celles qu’elles achètent en temps normal à la boutique du coin. «Apré, zordi, nou kapav fer nou enn ti plézir», plaisantent- elles timidement, comme pour se donner bonne conscience.

Après avoir pris de la farine, de la farine de manioc, alias «lapoud kanz», de l’huile et du liquide vaisselle, elles s’arrêtent devant le rayon contenant des ingrédients pour la pâtisserie. Noëlla a tout acheté en double, pour elle et pour Marie-Lise.

Plus loin, des pêches en conserve retiennent leur attention. «Nou kapav pran sa?» Que peuvent-elles avoir de plus «important» au même prix ? Finalement, les yeux pétillants, elles se jettent à l’eau ou plutôt dans le jus. Se payer des pêches pour les fêtes, c’est une chose qu’elles n’ont pas eu l’occasion de faire depuis des lustres. «Cela fait des années que je me dis que je dois en acheter», confie Noëlla, ravie.

L’esprit de noël

À côté, place au rayon boissons gazeuses. L’utile et le futile livrent encore une fois bataille dans leur tête. Bon, une seule bouteille, tout est en promotion et ce sont les fêtes. Après quelques minutes de négociations, elles craquent. Évitant le regard l’une de l’autre, Noëlla et Marie-Lise tendent la main vers les boissons.

Au bout d’une heure et demie, elles arrivent à la caisse. Elles observent les gens autour d’elles, avant de vider leurs paniers sur le tapis. Même si elles ont fait un savant calcul mental pour savoir si elles allaient avoir suffisamment d’argent, les deux voisines laissent transparaître une légère inquiétude au fur et à mesure que la caissière scanne leurs produits.

«To krwar nou’nn pran tro boukou ?» s’inquiète Marie-Lise. Non. Elles ont même un surplus de Rs 200 après le passage en caisse. Pour les mettre dans l’esprit de Noël, les deux quinquagénaires s’offrent un petit en-cas au Food Court. Pour faire durer un peu le plaisir.

«Je vais pouvoir manger tôt ce soir. Pa pou bizin atann mo frer rantré. Fini tar lerla», affirme Noëlla. Elle a hâte, confie-t-elle, d’être à l’année prochaine. Elle pourra alors toucher sa pension de vieillesse et la vie sera alors beaucoup plus simple… Marie-Lise, elle, devra attendre une année de plus. Elle habite avec sa mère et sa sœur jumelle. La petite famille vit de la pension de la maman, qui est asthmatique.