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Dookun-Luchoomun: «Je n’ai pas de solution pour les parents qui n’en font qu’à leur tête»
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Dookun-Luchoomun: «Je n’ai pas de solution pour les parents qui n’en font qu’à leur tête»
C’est reparti pour une nouvelle année scolaire. Avec quels changements et quelles priorités ? La ministre de l’Éducation fait son oral de pré-rentrée.
Qui a-t-il dans la tête d’une ministre de l’Éducation une veille de rentrée des classes ?
Étrangement, je suis sereine. Les dernières petites appréhensions ont vite été levées. Les manuels de Grade 7 sont arrivés à temps, j’ai de bons retours des parents qui sont ravis d’avoir des livres à meilleur marché.
L’autre nouveauté, la distribution des tablettes en Grade 1 et 2 est en bonne voie aussi, nous sommes prêts. Au secondaire, on va lancer, dès la fin du mois de janvier, le Student Support Portal. Après les heures de classe, les élèves pourront bénéficier de leçons en ligne, avec des vidéos. C’est une révolution pédagogique.
Nous avons travaillé dur et je commence à voir les fruits de ce travail. Donc, je ne suis pas inquiète. Au contraire, j’ai hâte ! Maintenant, tout va dépendre de la mise en oeuvre ; j’y serai très vigilante.
Des craintes particulières ?
Non, j’ai une bonne équipe autour de moi. La confiance s’est installée : avec mes officiers, les professeurs (on coupe)…
Avec tous, sans exception ?
Avec la majorité. Je sens que nous sommes bien partis. Je viens de rencontrer l’équipe qui travaille sur le Student Support Portal, leur dévouement fait plaisir à voir. Moi, en tout cas, ça me rend heureuse ! (large sourire).
Cette rentrée, je la sens bien ! Cette année aussi. Le PSAC était le gros morceau. C’était nouveau, donc une source de stress et d’interrogations. Tout s’est bien passé et je me sens prête pour attaquer cette année.
Quel projet vous tient particulièrement à cœur ?
L’Extended Programme (NdlR, destiné aux élèves ayant échoué au PSAC). Ce projet est au cœur de la réforme, qui repose elle-même sur trois principes : l’équité, la qualité et l’inclusion. En 2018, il va falloir s’assurer que l’équité reste un point fort. Les bénéficiaires de ce programme, à la fin de leur cycle de dix ans, devront être armés pour affronter la vie. Et ça, j’y veillerai de très près.
«Cette rentrée, je la sens bien ! Cette année aussi. Le PSAC était le gros morceau. C’était nouveau, donc une source de stress et d’interrogations. Tout s’est bien passé...»
En attendant, pourquoi est-ce la pagaille dans l’attribution des collèges ?
Il n’y a pas de pagaille ; il y a un changement de système. L’admission ne se fait plus sur une base nationale mais régionale, c’est tout.
Et c’est la pagaille…
Il n’y a pas de pagaille ! Pas plus que les autres années ! La seule différence, c’est que les meilleurs élèves sont répartis dans les collèges de leur région. C’est positif : nous revalorisons à la fois les régions et les collèges.
Reste qu’un bon millier de parents ne veulent pas du collège attribué à leur enfant. Vous leur dites quoi ?
D’abord, je n’ai aucune idée du nombre de mécontents. Ce que je sais, c’est qu’il y en a toujours. Cela fait partie de la routine d’une rentrée : un peu de tapage quelques jours, puis ça se calme. C’est ce qui va se passer. La tendance générale, c’est la satisfaction. Les parents que je rencontre sont tous très contents que leur enfant soit scolarisé près de chez eux.
« L’enjeu, c’est l’intérêt de l’enfant mauricien. Toute l’action que je mène est guidée par ce principe.»
On n’a pas dû rencontrer les mêmes parents…
Il faut arrêter avec cette course aux soi-disant «bons» collèges. L’autre jour, j’ai rencontré une famille dont l’enfant a eu d’excellents résultats au PSAC ; en sortant d’où ? De la Pandit-Sahadeo Government School, à Holyrood. Je leur ai dit : «Est-ce que vous avez lutté pour envoyer votre fille à Pandit-Sahadeo ? Non. A-t-elle bien travaillé là-bas, s’est-elle épanouie ? Oui. Donc…»
Donc quoi ?
Si, à la fin de ses neuf années d’études, cette jeune fille veut poursuivre dans une académie, elle le fera, elle n’a qu’à travailler pour ça. En attendant, il n’y pas lieu de jouer des coudes, ni de faire la course. Quand elle sera plus mature, elle pourra tenir la compétition.
Comment le Mauritius Examinations Syndicate (MES) a-t-il procédé pour l’allocation des places dans les collèges ?
Il y a trois critères : le choix parental, le grade aggregate et la distance domicile-collège.
« Quelques fois, c’est vrai, des professeurs sont réticents à bouger et il va falloir que cela change. Leur vocation est d’enseigner partout, j’ai bien insisté là-dessus avec nos jeunes recrues.»
Dans cet ordre-là ?
Oui. Le troisième critère sert à départager deux postulants en cas d’égalité. Je m’explique. Admettons qu’il reste une place dans un collège choisi par deux familles. Leurs enfants ont eu les mêmes résultats, disons quatre unités. La place reviendra à l’élève qui habite le plus près du collège en question, c’est aussi simple que cela.
On peut donc obtenir quatre unités, avoir présélectionné quatre ou cinq établissements et n’en obtenir aucun ?
Oui. Ça a toujours été le cas, cette situation n’a rien à voir avec le PSAC. La nouveauté, c’est que tous (elle appuie) les élèves ont eu un collège. Auparavant, quand un parent ne choisissait que trois ou quatre institutions, et qu’il ne trouvait pas de place, le MES tranchait par un ‘No School’. Conséquence : les parents couraient à droite à gauche dans l’espoir de trouver une place dans le privé.
Cette année, j’ai tenu à faire différemment. Même si le parent a mal rempli le formulaire, son enfant s’est vu attribuer un collège. S’il n’est pas content, il est libre d’aller chercher une place dans un établissement privé.
C’est ce que vous leur dites ?
(Légèrement agacé) Écoutez, je connais des gens qui ont eu une place au Belle-Rose SSS, d’autres au Sodnac SSS, et qui rouspètent. Je ne vois aucune raison de rouspéter. Ces deux collèges sont corrects et ça commence à (elle s’interrompt en tapant du poing sur la table)…
À quoi ?
Non, je préfère m’arrêter là (elle marque une pause)… Des mécontents, il y en aura toujours. Je n’ai pas de solution pour les parents qui n’en font qu’à leur tête.
On a le sentiment que les râleurs vous exaspèrent…
Un peu…
Mais que vous faites beaucoup d’efforts pour ne pas les froisser…
C’est mieux comme ça, non ? Et puis je vais vous dire : il y a tellement plus important. L’enjeu, c’est l’intérêt de l’enfant mauricien. Toute l’action que je mène est guidée par ce principe. Je ne veux pas me fatiguer avec des peccadilles.
Pour beaucoup de parents, le choix d’un collège n’est pas une peccadille…
J’ai enseigné plus de 25 ans, je vous garantis que les quatre murs d’une institution n’ont jamais produit de star students. Ce sont les élèves qui font l’institution et non l’inverse. Ce sont leurs efforts, combinés à ceux des professeurs et des parents ; voilà ce qui fait que des institutions se démarquent.
Partout, il y a des compétences : la Pamplemousses SSS a eu un lauréat l’an dernier, le Modern College aussi, le Darwin College a eu des classés, une ZEP vient d’obtenir 93 % de réussite au PSAC... Donc, arrêtons de croire que le prestige fait la réussite.
Comment comptez-vous pallier le manque d’enseignant au primaire ?
Mercredi, 115 professeurs ont été recrutés. Le personnel n’est pas et ne sera pas un problème. Aucune classe ne restera sans professeur, je m’y engage.
A contrario, des régions connaissent un surplus d’enseignants. D’où vient ce déséquilibre ?
Je ne parlerais pas de déséquilibre. Quelques fois, c’est vrai, des professeurs sont réticents à bouger et il va falloir que cela change. Leur vocation est d’enseigner partout, j’ai bien insisté là-dessus avec nos jeunes recrues. Tous doivent comprendre qu’ils auront à travailler avec tous types d’élèves, partout dans l’île. Qu’on ne vienne pas me dire c’est trop loin, ceci, cela, non. Moi, je sortais de Rivière-du-Rempart pour venir travailler à Quatre-Bornes. Je partais tôt de chez moi et je n’ai jamais été en retard.
Vous faites la leçon ?
Je ne fais pas la leçon. Je dis simplement, et calmement, qu’un professeur, à partir du moment où il est recruté, doit prendre conscience qu’il est là pour tous les enfants.
Un peu de poésie dans ce monde académique, vous êtes d’accord ?
Avec plaisir !
«Les maîtres d’école sont des jardiniers en intelligences humaines.» C’est du Victor Hugo, ça vous parle ?
Bien sûr que ça me parle ! Je crois que nous, les éducateurs, ne mesurons pas la chance que nous avons. Nous sommes peut-être les seuls à qui les parents confient leurs enfants en toute confiance. Quand vous emmenez votre enfant chez le médecin, vous êtes plein d’appréhensions. Mais quand vous le quittez à l’école, vous êtes plein d’espoir.
Et vous, qu’avez-vous envie de semer ?
Deux choses très importantes : l’amour du pays et le sentiment du devoir. (Sur le ton de la confidence) Je dois vous dire quelque chose : je n’aime pas voir des gens qui ne s’impliquent pas, qui bâclent le travail, ça me chagrine. Quand vous avez l’occasion de faire quelque chose de bien pour votre pays – je parle même des fonctionnaires, hein – il ne faut pas hésiter, il faut y aller, tout donner.
Des fonctionnaires ne jouent pas le jeu de la réforme ?
Un bon 90 % est entré dans l’esprit de la réforme. C’est ça, pour moi, le sens du devoir. Vous avez déjà été à Singapour ? Là-bas, le pays passe avant tout, chaque fonctionnaire s’y dévoue corps et âme. J’aimerais que nos jeunes grandissent avec ces valeurs : le patriotisme et le sens du devoir.
C’est la saison des résolutions…
Je n’en prends jamais… (Elle réfléchit) En fait, si, j’ai envie de changer quelque chose, mais c’est personnel… (Elle hésite un instant avant de se lancer) Ces trois dernières années, j’ai consacré beaucoup de temps à mon travail et à ma circonscription. Cette année, je vais prendre un peu plus de temps pour les miens. Je vais penser à ma famille, à mes enfants.
Et votre résolution la plus inavouable ?
Inavouable ? Vous vous trompez de «cliente» (rire).
Allez, un dernier petit effort…
Je vais vous dire un secret : je n’ai jamais fait dans l’inavouable et je ne compte pas m’y mettre en 2018 (éclat de rire).
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