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Drogue: «Si on me retrouve assassiné demain, on comprendra peut-être que je n’ai rien inventé» dit le témoin mystérieux

10 janvier 2018, 21:12

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Drogue: «Si on me retrouve assassiné demain, on comprendra peut-être que je n’ai rien inventé» dit le témoin mystérieux

Vêtu d’un jean et d’un pull, le témoin mystérieux, trentenaire, a accepté de rencontrer l’express le mardi 9 janvier 2018. Il semble à première vue être un Monsieur Tout le monde. À première vue seulement. Car l’homme est celui qui a dénoncé, preuves à l’appui, des VVIP et des trafiquants de drogue devant la commission d’enquête présidée par Paul Lam Shang Leen en octobre dernier. C’est encore lui qui a déposé ce qu’il maintient être du Brown Sugar le 18 décembre, le jour de sa seconde audition. Même si les analyses du Forensic Science Laboratory (FSL) lui ont donné tort, le jeune homme campe sur sa position : «Ce n’était pas du ciment !» Qui a substitué la poudre alors ? Il reste évasif : «Les trafiquants sont partout, infiltrés.» Rencontre avec celui dont la tête est «mise à prix par des trafiquants notoires, dont des policiers».

Comment vous êtes-vous retrouvé mêlé au trafic de drogue ?
Je n’ai jamais fait du trafic de drogue ! J’ai fait du blanchiment d’argent. J’ai connu Curly Chowrimootoo à l’époque où j’étais un gardien de prison. On s’est lié d’amitié et je l’ai aidé pour les transactions d’argent. Je l’ai fait pendant six ans. Entre-temps, j’ai également fait la connaissance d’autres trafiquants de drogue tels que Peroomal Veeren et Siddick Islam.

Vous étiez donc un homme de confiance. Pourquoi avoir décidé de retourner votre veste le 11 octobre 2017 devant la commission d’enquête sur la drogue ?
Le cousin de Curly Chowrimootoo avait fait des accusations d’escroquerie à mon encontre. Lorsque j’ai retenu les services de deux avocats, je leur ai tout déballé. En parallèle, les travaux de la commission étaient en cours, et après avoir consulté mes avocats, j’ai pris la décision de tout déposer devant l’instance.

Que lui avez-vous remis ?
Plusieurs documents portant sur les transactions bancaires, ou les échanges de SMS, des téléphones portables ou encore deux clés USB.

Racontez-nous la fameuse perquisition chez vous, deux jours après votre première audition.
(Il sourit) Treize personnes ont débarqué chez moi ce jour-là. Elles ont barricadé ma maison. Mes proches étaient présents. Elles m’ont dit qu’elles étaient munies d’un mandat et avaient des informations selon lesquelles j’avais 500 g de drogue en ma possession. Sauf que c’était flagrant que ces gens cherchaient autre chose.

Quoi exactement ?
Je pense qu’on leur avait mis la puce à l’oreille que c’était moi le témoin et ils sont venus confirmer cela. Malheureusement pour moi, ils ont vu les vêtements que je portais le jour de l’audition.

«Je reste convaincu que ce n’était pas du ciment que j’ai remis à la commission»

Quelles sont les circonstances ayant mené à votre seconde audition le 18 décembre 2017 ?
Le 17 décembre et le lendemain, deux personnes m’ont remis deux colis à proximité de mon domicile. Les sachets contenaient de la drogue. J’ai alors informé les membres de la commission comme convenu et ils m’ont convoqué.

Les analyses effectuées par le FSL vous ont contredit. Quelle a été votre réaction ?
Cela m’étonne. C’est très probable que j’aie été piégé mais je reste convaincu que ce n’était pas du ciment que j’ai remis à la commission...

N’empêche que certains vous accusent de vouloir décrédibiliser les travaux de la commission.
C’est ridicule. La commission d’enquête sur la drogue demeure la seule instance en laquelle j’ai encore confiance. Il est complètement faux de dire que je souhaite décrédibiliser le travail effectué par les membres de la commission. Je n’ai rien à gagner en faisant cela.

Regrettez-vous d’avoir déposé devant la commission d’enquête sur la drogue ?
(Il réfléchit) Oui. Plito mo pa ti alé. Depuis mes auditions, j’ai tout perdu sur le plan personnel. Mes proches ne me parlent plus. Pour la première fois de ma vie, j’ai passé le Nouvel An seul. Mais je tiens à le préciser, contrairement à ce qui a été rapporté ailleurs, je n’ai aucun reproche à faire aux membres de la commission car ils sont sincères avec moi.

Que vous reprochent vos proches ?
Je les comprends. C’est vrai que je n’ai pas toujours été sincère et ils craignent que mon frère, un fonctionnaire, perde son emploi par ma faute. D’autres proches sont inquiets que j’influence leurs enfants à faire du trafic de drogue.

Êtes-vous toujours en contact avec les trafiquants de drogue ?
Non. Depuis le 18 décembre, tout contact a cessé. Mais je reçois tous les jours des menaces, pas uniquement de Maurice. Je sais que ma tête a été mise à prix et j’ai peur d’être tué.

Des menaces reçues par le témoin mystérieux.

Pensez-vous pouvoir un jour retourner à une vie normale ?
C’est tout ce que je souhaite. Le fait de m’être retrouvé dans ce labyrinthe m’a apporté de l’argent et du plaisir pour une courte durée. Mais, aujourd’hui, les répercussions sont lourdes de conséquences et je ne le souhaite à personne. Même si vous avez la volonté de sortir de cet enfer, ils (les trafiquants) ne vous laisseront pas faire facilement. Je suis conscient que tout ce que je dis peut sembler sortir tout droit d’un film. Mais demain, si on me retrouve assassiné quelque part, on comprendra peut-être que je n’ai rien inventé.