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«Je veux changer...» dit un ado filmé sous l'emprise de la drogue synthétique

2 février 2018, 00:00

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 «Je veux changer...» dit un ado filmé sous l'emprise de la drogue synthétique

C'est un adolescent de 17 ans qui sait qu’il n’est pas dans son état normal. Pour cause, il se drogue. Lui et un autre garçon ont même été filmés alors qu'ils étaient sous l'influence d'une drogue synthétique sous la véranda d’une boutique à Résidence Ste-Claire, Goodlands. Cette vidéo qui circule sur Internet a d'ailleurs choqué plus d’un depuis le mardi 30 janvier 2018.

Nous sommes allés à la rencontre de l'adolescent de 17 ans chez lui dans un village du Nord. «Je veux changer», nous lance-t-il. Véritable cri du coeur, cet appel est d'autant plus poignant que le garçon semble vivre avec des illusions. «Mais je n’ai besoin de l’aide de personne. Je le ferai seul…»

Le début du calvaire

D'ailleurs il refuse d’admettre avoir consommé de la drogue synthétique. «Ce n’est pas moi sur la vidéo. C’est quelqu’un d’autre», affirme le jeune garçon de 17 ans.

Pourtant, il soutient qu’il est un habitué de la région de Ste-Claire. «J’ai beaucoup d’amis dans ce coin. On se retrouve à la boutique, on boit une boisson gazeuse, on grille une cigarette et c’est tout.»

Comment en est-il arrivé là? Sa mère Sarika raconte la descente aux enfers de son fils, il y a un an.

«Des collègues l’ont incité à se droguer»

«Il était ouvrier dans une compagnie qui fait du savon. Des collègues l’ont incité à se droguer. Quand j’ai appris qu’il avait de mauvaises fréquentations là-bas, je lui ai demandé d’arrêter d’y aller», nous raconte Sarika, en larmes. 

Voler pour avoir sa dose

Un des anciens collègues de son fils a accusé le jeune homme de vol. «Cette personne-là avait rapporté aux autorités que mon fils avait volé un téléphone portable pour se procurer de la drogue», explique la mère de famille.

Suivant cet incident, elle a fait une demande pour que son fils soit placé au Correctional Youth Centre et Rehabilitation Youth Centre. «Il a fait un mois au sein de chaque institution.» 

Son fils, «un cobaye»

Quid de la vidéo montrant son fils sous l'effet de la drogue? «Bann trafikan inn servi mo garson kouma kobay pou sa nouvo ladrog-la», fustige-t-elle. Elle compte bien retracer les individus qui ont vendu de la drogue synthétique à son fils.

Cette habitante du Nord nous apprend que quand elle a visionné la vidéo, mardi après-midi, elle pensait qu’elle allait faire une crise cardiaque.«Je pensais qu’elle venait d’être réalisée, car mon fils ne se trouvait pas à la maison à l’heure où elle a été publiée sur les réseaux sociaux. Quand il est rentré, je l’ai questionné. Dans un premier temps, il n’a pipé mot. Puis, il a reconnu avoir acheté de la drogue synthétique.» Et d’ajouter que «si mo garson ti mor, mo sir zot pa ti pou van sa ladrog-la ankor.» 

Résidence Ste-Claire «gangrenée par la drogue»

Elle ne cache pas qu’elle était inquiète des allées et venues de son fils à Résidence Ste-Claire. Dans la rue, des habitants expliquent que le fléau de la drogue gangrène la localité. D’autres préfèrent faire l’autruche ou affirment que ce n’est que dans une petite partie de la région que la drogue circule. «J’ai un neveu qui est mort l’année dernière après avoir consommé de la drogue. On avait découvert des seringues et de la drogue synthétique près de son corps», nous confie un habitant. 

Sarika ne veut pas voir son fils finir de la même manière. Elle nous indique qu’elle a aussi deux autres enfants, dont un fils âgé de 14 ans. «Je ne veux pas qu’il suive les traces de son grand frère.» Elle espère que le gouvernement prendra les mesures qui s’imposent face au fléau de la drogue qui ne fait que s’accroître.

Danny Philippe: «La drogue synthétique inonde toujours le marché»

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="330" src="/sites/lexpress/files/images/danny_philippe_president_de_long_collectif_urgence_toxida.jpg" width="620" />
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<p>Danny Philippe, le président de l&rsquo;ONG Collectif Urgence Toxida, revient sur la vidéo montrant deux gar<font face="Liberation Serif, serif">ç</font>ons dans un état second apr<font face="Liberation Serif, serif">è</font>s avoir consommé&nbsp;de la drogue de synth<font face="Liberation Serif, serif">è</font>se.</p>

<p><strong>Est-ce une certitude que les jeunes sur la vidéo avaient consommé du flakka?&nbsp;</strong></p>

<p>C&rsquo;est difficile de dire s&rsquo;il s&rsquo;agit de flakka, la drogue zombie. Le&nbsp;<em>Forensic Science Laboratory</em>&nbsp;(FSC) a recensé jusqu&rsquo;à 25 à 30 molécules, mais jusqu&rsquo;ici cette nouvelle drogue ne se trouve pas sur cette liste.</p>

<p><strong>L&rsquo;état d&rsquo;agitation extrême de ce jeune a bouleversé tout le pays...&nbsp;</strong></p>

<p>Oui, mais ce sont des scènes que nous, les travailleurs sociaux, avons déjà vues. Des personnes hallucinent, d&rsquo;autres veulent se déshabiller. Chaque personne réagit différemment. Il faut, selon moi, appeler le SAMU tout de suite.</p>

<p><strong>Malgré la répression des autorités, les jeunes se procurent facilement de la drogue synthétique ?</strong>&nbsp;</p>

<p>Oui. Et malgré cela, il y a de nouvelles drogues de syn- thèse qui entrent sur le territoire. On peut toujours acheter de la drogue synthétique à Rs 100. Des jeunes me disent qu&rsquo;ils aiment l&rsquo;effet que cela leur procure malgré sa dangerosité. Il s&rsquo;agit de filles et de garçons de toutes les couches sociales.</p>

<p><strong>C&rsquo;est fabriqué à Maurice ?</strong>&nbsp;</p>

<p>Impossible que ces produits soient fabriqués chez nous. Les trafiquants rajoutent probablement d&rsquo;autres substances. C&rsquo;est ce que le FSL nous a déclaré en tout cas. Il ne faut pas faire croire aux Mauriciens qu&rsquo;il y a des dizaines de laboratoires sophistiqués ici à Maurice. Et puisque ça change tellement rapidement, le travail des médecins devient plus compliqué.</p>

<p><strong>La stratégie des autorités est en train d&rsquo;échouer ?&nbsp;</strong></p>

<p>Oui, les saisies ne sont pas la solution. Éliminer la drogue est une utopie. Nous attendons les recommandations de la commission d&rsquo;enquête sur la drogue, mais déjà, le gouvernement doit venir de l&rsquo;avant un&nbsp;<em>National Drug Master Plan</em>. Mais un&nbsp;<em>prevention mechanism</em>est une urgence. La prévention devrait permettre d&rsquo;inverser la tendance.</p>

Drogue synthétique: c’est quoi ?

Insecticide, phosphore rouge ou encore du dissolvant à vernis à ongles… autant de substances qui vont dans la préparation des drogues synthétiques. Celles-ci peuvent avoir des effets très néfastes sur le corps, allant de maux de tête à des palpitations ou hallucinations… Dans les drogues synthétiques fabriquées à Maurice, on retrouve souvent une panoplie de produits domestiques et à usage habituel. «Les plus nuisibles sont ceux que les jeunes fabriquent en vaporisant des insecticides sur des herbes de cuisson», explique un ex-trafiquant.

Mais il confie que la drogue synthétique «de marque» est préparée à partir de phosphore rouge. Ce cocktail est aussi vaporisé sur des feuilles de manguiers. Certains ingrédients peuvent, cependant, être hors du commun. D’ailleurs, plusieurs sources parlent d’un spray particulier qui est importé pour la préparation. Mais le contenu de ce spray n’est pas connu. 

Une fois inhalées, que font ces substances dans le corps humain ? «Si elles sont assez petites, elles peuvent traverser la membrane du cerveau humain», explique le Dr Maxwell Monvoisin, Principal Police Medical Officer. C’est ainsi que ces substances arrivent à affecter le système nerveux. «Souvent, elles s’attaquent aux cellules inhibitrices. Nous avons, alors, des comportements qui ne seraient pas autrement acceptables», souligne-t-il. En d’autres mots, l’individu ne peut contrôler ses actions. Provocations et des gestes déplacés deviennent alors chose commune. 

Au Dr Satish Boolell d’ajouter que beaucoup de ces drogues peuvent aussi augmenter la dose d’énergie d’un individu ou même avoir un effet contraire. «Elle affecte aussi le système nerveux d’une telle façon que la personne peut avoir des tendances suicidaires», poursuit-il. Le Dr Maxwell Monvoisin note qu’il est difficile de tester les drogues synthétiques pour en connaître les effets particuliers.