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Ouverture de la pêche à la senne: et les mulets sautent…
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Ouverture de la pêche à la senne: et les mulets sautent…
Les premiers rayons du soleil percent à peine le voile sombre de l’aube. Une agitation règne à la plage de Baie-du-Nord à Rodrigues. Les pêcheurs sont rongés par l’impatience devant leur pirogue pour prendre le large. D’autres préfèrent vérifier une dernière fois leurs filets. Le 1er mars est la traditionnelle fête du poisson, l’ouverture de la pêche à la senne après plusieurs mois de fermeture.
À peine la montre affiche-t-elle six heures que le départ est donné. Direction : les récifs coralliens. La traversée est difficile en raison de la marée basse. De temps en temps, les bateaux raclent le fond en dépit de l’éloignement de la côte. Une vieille péniche échouée sur un banc de sable se laisse impuissamment dévorer par le sel marin. Désormais, elle servira de repère aux pêcheurs.
Sous l’oeil inquisiteur des oiseaux marins qui volent en rase-mottes, venant probablement de l’île-aux- Cocos non loin de là, les pêcheurs jettent pour la première fois leurs filets. Des morceaux de savates en éponge utilisés en guise de flotteurs dessinent un fer à cheval dans le bleu de l’eau.
Leur stratégie est limpide. Une dizaine de pirogues, avec des rabatteurs à bord, alignés côte à côte, ferme le demi-cercle fait par les filets. Quelques pêcheurs frappent l’eau avec des perches tandis que d’autres jouent du «tam-tam» avec des morceaux de bois. Le bruit est impressionnant.
Quelques mulets pris de panique sautent hors de l’eau. Ils croient fuir les rabatteurs, mais ils tombent dans le piège qui se referme sur eux. Ce n’est pas la pêche miraculeuse, mais les pêcheurs ne se découragent pas.
Entre-temps, à plusieurs kilomètres de là, sur le rivage, la foule grossit à vue d’oeil. Le traditionnel bouillon blanc du 1er mars, concocté avec du mulet, fait déjà saliver quelques-uns. Il y a aussi ceux qui préfèrent un bon rougaille de poisson avec du «riz-maïs».
Bingo et musique traditionnelle
Quelques personnes jouent au bingo en écoutant de la musique traditionnelle pour passer le temps. Cependant, l’inquiétude se lit sur le visage de certains. En contact avec les pêcheurs, ils ont appris que la première partie de pêche n’a pas été bonne.
Les hommes de la mer en sont conscients. Ils auront plusieurs familles à nourrir ce soir. Il y a aussi leur honneur en jeu. Pas question de baisser les bras.
Toutes voiles dehors, le Pas ti croire, ou encore Dieu le Père ainsi que les autres pirogues naviguent un peu plus au nord dans l’espoir de dénicher un coin poissonneux. Et la même manoeuvre recommence avec les filets et le «tam-tam».
La marée montante et le changement dans la direction du courant semblent être favorables aux pêcheurs. Les flotteurs sont sous l’eau. Un signe qui ne se trompe pas. Les carangues ainsi que les mulets n’ont eu aucune chance. Le fameux saut des mulets comble le spectacle. Cette fois-ci, ils sont dans les filets.
Ruée des badauds
À 11 h 35, lorsque la première pirogue accoste, les badauds, encore plus nombreux, s’y ruent. La fatigue a creusé le visage de Savrinio Ravina, un des pêcheurs. Mais la nouvelle est réjouissante. «Oui, la pêche a été bonne, mais je dois y retourner», dit-il.
La barque est à moitié remplie. Les curieux et les touristes immortalisent la scène tandis que les amateurs du «bouillon blanc» convergent vers une vieille case en tôle pour être sûrs d’avoir du poisson.
«Je suis venu à 4 h 30 pour être sûr d’avoir du poisson. Il faut toujours manger du poisson un 1er mars»
Un sac à la main, cachant ses mulets, Nicolas Ravina affiche un large sourire. Il est la deuxième personne dans la queue. «Je suis venu à 4 h 30 pour être sûr d’avoir du poisson. Il faut toujours manger du poisson un 1er mars. Je ne voulais pas rater cette occasion», dit-il fièrement.
Le soleil de plomb ne décourage guère les Rodriguais. Ceux qui n’ont pas eu leur poisson sont prêts à attendre encore quelques heures pour avoir un mulet qui tombera dans leur marmite après un saut périlleux.
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