La Rodrigues Government Employees Association anime une conférencedébat le 12 mars, à l’occasion des 50 ans de l’Indépendance. Le thème choisi : «50 de lindependans Moris, 50 an dominasyion Rodrig ? Ki perspective ?» Le point avec le président de ce syndicat, Alain Tolbize.

Vous organisez un débat, le 12 mars, avec pour thème «50 de lindependans Moris, 50 an dominasyion Rodrig ? Ki perspective ?» Pourquoi aller à contre-courant ?

Le débat sur le statut de Rodrigues au sein de la République de Maurice a toute sa raison d’être. Le thème de notre conférence va plutôt dans le sens de l’histoire. Je dis cela tout simplement parce que Rodrigues n’a jamais eu son Indépendance et c’est l’île Maurice qui célèbre son Indépendance. En 1967, les Rodriguais ont eu l’occasion de voter pour la première fois et ils ont voté à 97 % contre l’annexion de notre île à Maurice. Les Rodriguais n’ont jamais eu l’occasion de choisir entre l’Indépendance et le colonialisme, mais plutôt entre rester une colonisation britannique et vivre sous l’occupation mauricienne.

Rodrigues a été annexée à Maurice contre la volonté de son peuple. L’idéal aurait dû être qu’en 1968, les deux peuples reçoivent chacun leur Indépendance des Britanniques. Nous serions en train de préparer ensemble la célébration de notre 50e anniversaire de l’Indépendance. Mais malheureusement, l’histoire a choisi autrement. C’est plutôt un jour triste parce que c’est le jour où on a perdu notre île. Nous observerons une minute de silence.

Vous pensez que la population rodriguaise, qui est également mauricienne, ne profite pas de l’Indépendance ?

Comment les Rodriguais peuvent-ils profiter de l’Indépendance si l’île n’est pas libre ? Ce n’est pas parce que c’est écrit sur ma carte d’identité que je suis Mauricien… Comme un Mauricien ne peut prétendre être Rodriguais. Le Rodriguais n’est pas Mauricien. Les Rodriguais vivent sur une île géographiquement isolée et séparée du monde par un océan. Une île qui a évolué en un peuple homogène avec son histoire, ses traditions, son héritage linguistique et culturel. Les Rodriguais constituent un peuple.

Vous pensez que sous les Anglais, cela aurait été mieux ?

Pourquoi cette question ? Est-ce-que Maurice aurait été mieux sous les Anglais ? Rodrigues est un peuple qui a vécu et vit sous la domination de trois maîtres, les Français, les Anglais et aujourd’hui les Mauriciens. Durant toute notre histoire, pas une seule génération de Rodriguais n’a connu la liberté politique.

Naître et mourir sans jamais avoir connu un vrai gouvernement… Et jamais on n’a eu la possibilité de décider d’une seule loi qui gouverne notre vie. Pendant toute notre existence, ce sont les autres qui ont décidé à notre place. Je ne fais pas de différence entre vivre sous la domination française, anglaise ou mauricienne.

Et seule Rodrigues aurait été mieux ?

C’est un peu la même question posée à l’époque, où Maurice revendiquait son Indépendance. Eski pa pou mor lafin ? Regardez Maurice à la veille de son 50e anniversaire d’Indépendance. Je dirais plutôt que Rodrigues a plus à perdre en restant sous la domination de Maurice. Elle risque de perdre son âme, son identité, sa culture, sa langue et peut-être son existence en tant que peuple si cette situation perdure.

Si Rodrigues accède à son Indépendance, on aura enfin la liberté de se mettre ensemble pour décider de la façon dont on pourra se nourrir et vivre une vie simple mais heureuse. Ses habitants auront enfin la possibilité de décider de l’avenir de leurs enfants.

Qu’est-ce que le gouvernement central pourra faire pour que les Rodriguais se sentent membres de la République de Maurice ?

Il faut que ce soit clair pour tout le monde. La revendication d’un Rodrigues libre n’a rien à voir avec une quelconque animosité envers le peuple mauricien, que je considère comme des frères et soeurs qui sont, eux aussi, en train de lutter pour vivre une vie décente. Notre revendication, c’est contre ce système politique qui a ratifié la politique coloniale des Anglais pour justifier l’accaparement ou, plus précisément, l’annexion de notre territoire contre la volonté de notre peuple.

L’Indépendance, c’est un droit humain. Et dans n’importe quelle circonstance, ce droit n’est pas négociable. Notre destin, c’est de pouvoir vivre dans une île Rodrigues libre, administrée par des Rodriguais pour des Rodriguais.