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Sir Victor Glover: «La Constitution est claire, aucune rémunération autre que l’État»

10 mars 2018, 16:07

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Sir Victor Glover: «La Constitution est claire, aucune rémunération autre que l’État»

Si sir Victor Glover explique qu’il est important d’avoir toutes les informations devant soi avant de condamner une personne, il est catégorique sur un point : un président ne peut avoir d’autres emplois, qu’il ne peut toucher de salaire d’une source autre que l’État.

Ému ou scandalisé par la présidente à la veille des 50 ans de l’Indépendance ?

Ni l’un ni l’autre. J’ai été pendant longtemps juge à la Cour suprême et j’ai appris qu’il ne faut jamais faire de jugement sans avoir tous les faits. J’ai lu les journalistes. J’ai aussi lu ce qu’a répondu la présidente, mais cela ne suffit pas pour que je porte un jugement.

Les relevés de la carte de crédit publiés par l’express ne suffisent-ils pas ?

Ces documents peuvent dire beaucoup de choses, comme rien en même temps. Il faut connaître les circonstances et savoir s’ils disent toute

Pour vous, la présidente n’a commis aucun écart et ne doit pas démissionner ?

Je ne dis pas qu’elle n’a commis aucun écart. Si j’ai à porter un jugement dessus, j’aurais appelé tout le monde pour avoir toutes les données avant de me prononcer.

Quelle autre preuve autre que ces relevés bancaires authentiques faut-il pour la condamner ?

Le document d’une banque est authentique, je ne dis pas le contraire. Mais est-ce qu’il donne tous les renseignements dont on a besoin pour porter un jugement ? (...)

Est-ce que la présidente a fauté moralement en acceptant cette carte remise par une partie autre que l’État à des fins personnelles ?

Encore une fois, il faut savoir s’il y avait des conditions attachées pour l’utilisation de cette carte. Il se trouve que c’est une présidente de la République qui a toujours eu d’autres fonctions qui n’ont rien à voir avec l’État. Elle est une scientifique honorée, honorable et experte en beaucoup de choses. Il y a mille et une occasions de se trouver dans des situations où elle penserait ne rien faire de mal en achetant un bijou ou une robe.

Elle (NdlR, la présidente) n’a pas été voler cet argent. C’est un argent qu’on lui a remis.

Pour vous, un président de la République peut accepter ce genre d’argent…

(Il coupe) Un président de la République qui a d’autres attaches, d’autres fonctions, d’autres spécialités ou d’autres habitudes… Je ne vois rien qui lui en empêche, à condition que ce ne soit pas un salaire ou une compensation pour un travail autre que sa fonction officielle. J’ai déjà été président intérimaire. J’ai été gouverneur général intérimaire plusieurs fois et je n’ai pas changé mon mode de vie à cause de cela.

Que dit la Constitution sur les fonctions extra-étatiques que peut occuper un président ?

Ce qu’elle dit, c’est qu’il ne peut avoir d’autres emplois, qu’il ne peut pas toucher de salaires, de rémunération d’une autre source que l’État. C’est tout ce que dit la Constitution.

La condition figurant dans la résolution est que cet argent est destiné à la promotion d’un programme de doctorat…

Je n’ai aucun doute là-dessus. Est-ce une situation où la présidente a utilisé cette carte parce qu’elle n’avait pas la sienne et a, par la suite, remboursé ?

Elle a utilisé cette carte Platinum en au moins 20 occasions…

C’est vous qui me l’apprenez. Si j’avais su avant, j’aurai eu le temps de formuler un jugement. Là, c’est vous qui me le dites.

Parlons de cette immunité absolue de notre chef de l’État. Qu’est-ce que cela veut dire ?

C’est ce qu’on appelle Un leftover from colonial days. Il y a ce fameux dicton : The King or the Queen can do no wrong. Quand les colonies britanniques sont devenues indépendantes, cette immunité a été transférée aux chefs d’États des anciennes colonies qui veut dire que ni pendant leur règne ni même après ils ne peuvent être traduits devant un tribunal pour une offense commise dans l’exercice de leurs fonctions. Mais quand la personne redevient un simple citoyen, ça c’est autre chose.

Comment est-ce qu’un gouvernement peut démettre un président de ses fonctions qui n’est plus sur la même longueur d’onde que lui ?

Il a des moyens de le faire. Un président est nommé par l’Assemblée qui peut aussi le démettre en passant une motion.

50 ans après l’Indépendance, n’est-il pas temps pour que le garant de notre Constitution soit enfin redevable ?

On parle de temps à autre d’amender la Constitution. Mon expérience de droit constitutionnel qui n’est pas des moindres est telle que je serai tenté de dire autant que possible : Ne touchez pas à une Constitution. Oui, si vous avez besoin de l’amender pour des choses qui ne sont pas contestables. Non, pour toucher au pouvoir ou prérogatives de l’un ou de l’autre. C’est trop dangereux.

Récemment, on a évoqué la possibilité d’un changement pour revoir les pouvoirs du Directeur des poursuites publiques. Sous cap, je l’ai combattu et je ne regrette pas de l’avoir fait parce que quand vous commencez à toucher à ce genre de chose, vous savez où ça commence mais ne savez pas où ça finit. Comme dit l’Anglais, leave good alone.

Qui voyez-vous comme successeuse/ successeur valable de Madame Gurib-Fakim ?

Il y en a plusieurs qui seraient aptes à occuper ces fonctions et qui feraient aussi bien qu’elle ou sinon mieux. Je ne donnerai certainement pas de nom.

Et si on vous propose ce poste ?

À 85 ans, non. Si on me l’avait proposé 10 ans de cela, j’aurai dit oui avec plaisir.

On a pourtant un ministre mentor qui fêtera ses 88 ans dans 19 jours.

Oui, s’il se réveille tous les matins et sent le courage, la force et la volonté de faire ces choses-là, comme dirait l’Anglais, good for him. Moi, quand je me réveille tous les matins, je n’ai pas envie d’être président de la République.

Tout à fait autre chose. Le 12 mars 1968, vous étiez un employé du bureau de l’Attorney General. Que retenez-vous de l’accession du pays à l’Indépendance ?

Ce n’était pas quelque chose d’extraordinaire, un vire anbalao, au point où il a fallu agiter les drapeaux. Avec l’évolution naturelle, le wind of change, c’était le cours normal des choses. Tout comme le changement climatique aujourd’hui. On bougeait de l’esclavage pour accéder à l’Indépendance. C’est bien que ça soit arrivé car il ne fallait pas continuer avec un système où un pays au fin fond de l’Europe envoie quelques Anglais ici pour diriger le pays. Les Mauriciens étaient suffisamment instruits et éduqués pour manier nos propres affaires.

Vous étiez au Champ-de-Mars ce jour-là ?

Non.

Chez vous, devant votre télé ?

Non. Je n’avais pas de télé. Plutôt, je ne pouvais avoir une télé à la maison pendant que mes fils faisaient la bourse d’Angleterre. Gavin, mon fils aîné, prenait sa bicyclette les dimanches pour aller chez son grand-père pour regarder des films de cow-boy.

Votre souhait pour les 50 prochaines années ?

Aujourd’hui, le pays, la femme, l’enfant, le vieux se portent mieux. Le seul point noir au tableau, c’est qu’une partie de la population ne dépasse pas le seuil de la pauvreté. En même temps, il ne faut pas simplement s’asseoir, pleurer et dire qu’il y a des pauvres. Il y a aussi des paresseux. Pour les 50 prochaines années, je souhaite que l’économie se porte encore mieux et qu’on cesse d’avoir à pleurer parce que le taux de croissance est de 4,3 au lieu de 4,5.