Publicité
Phantom Thread: un thriller particulièrement élégant
Par
Partager cet article
Phantom Thread: un thriller particulièrement élégant
Résumé, dans le Londres des années 50, juste après la guerre, le couturier de renom Reynolds Woodcock et sa soeur Cyril règnent sur le monde de la mode anglaise. Ils habillent aussi bien les familles royales que les stars de cinéma, les riches héritières ou le gratin de la haute société avec le style inimitable de la maison Woodcock. Les femmes vont et viennent dans la vie de ce célibataire aussi célèbre qu’endurci, lui servant à la fois de muses et de compagnes jusqu’au jour où la jeune et très déterminée Alma les supplante toutes pour y prendre une place centrale. Mais cet amour va bouleverser une routine jusquelà ordonnée et organisée au millimètre près…
La note : 9/10
Avant d’être une rupture, Phantom Thread est surtout marqué par des retrouvailles. Celles de Paul Thomas Anderson et de Daniel Day-Lewis, dix ans après There Will Be Blood. Le réalisateur retrouve en effet l’acteur multi-oscarisé pour lui offrir l’occasion de jouer ce qui pourrait être son dernier rôle, puisqu’il a récemment annoncé prendre sa retraite. Le rôle de ce couturier monomaniaque et obsédé par les codes de la haute bourgeoisie pourrait ainsi représenter son chant du cygne, tant il lui apporte, sans jamais amollir la rigidité qui le caractérise, une ambiguïté ahurissante qui s’avère être le véritable moteur de ce long-métrage.
Cette thématique de la noblesse britannique est cependant une véritable rupture dans la filmographie de Paul Thomas Anderson qui s’est jusque-là concentré sur les dérives du rêve américain, sous toutes ses formes. Le voir ainsi traverser l’Atlantique pour dépeindre la haute société londonienne n’est pourtant pas une parfaite dénégation de l’approche qu’il a toujours su donner aux États-Unis et à leurs idéologies autodestructrices. La peinture qu’il donne de ce microcosme, par le prisme d’une entreprise familiale de couture, est ici aussi alimentée par le poids des faux-semblants, et des névroses qu’ils dissimulent. C’est en l’occurrence l’élégance traditionnelle du personnage de Day-Lewis qui devient le pilier du film, à tel point que c’est à elle que la mise en scène va s’accorder.
Tout le travail formel du réalisateur repose donc sur cette volonté de s’approprier les codes du classicisme à l’anglaise. Au-delà de la direction artistique, qui reconstitue avec minutie cette Angleterre fortunée des années 50, les choix de cadrage et les effets de lumières font de ce long-métrage une véritable oeuvre picturale, en hommage à un cinéma romanesque british devenu trop rare. De cette imagerie, au premier abord surannée et clichée, il parvient à faire un spectacle fascinant et un élément indissociable de sa dramaturgie. Il la transforme en effet en un voile qui enrobe un récit bien plus profond et vénéneux que la simple bluette qui naît, en toute innocence, dans les premières minutes du film. Celle-ci n’est en fait que le prétexte à l’exploration de l’intimité de ce couturier qui semble irréprochable, pour découvrir un individu si trouble que, face à lui, sa maîtresse, qui paraissait à l’inverse un peu mièvre, devient le personnage auquel le spectateur va automatiquement s’identifier.
Dans sa capacité à faire face à Daniel Day-Lewis, tout en réussissant à apporter autant de profondeur et de crédibilité à son personnage que lui, Vicky Krieps s’avère être une véritable révélation. Encore peu connue à l’international, cette trentenaire luxembourgeoise trouve ici un rôle qui exploite tout son talent. Le couple qu’elle forme avec Reynolds Woodcock est en effet le noeud scénaristique qui transforme ce qui ressemble à un film romantique des plus classiques en thriller psychologique bien plus retors qu’il n’y paraît.
Bien qu’il prenne du temps à se mettre en place, le jeu de manipulation qui se révèle dans le dernier tiers du film est d’une parfaite cohérence avec l’image que Paul Thomas Anderson a l’habitude de donner aux interactions humaines. Au final, ce Phantom Thread est un vrai tour de force du réalisateur, un chef-d’oeuvre sans égal. À voir absolument.
Source : Internet
Fiche technique
Genre : Thriller
Durée : 2 h 10
De : Paul Thomas Anderson
Avec : Daniel Day-Lewis, Lesley Manville, Vicky Krieps, Sue Clark, Joan Brown
Salles : Star Caudan, La Croisette, Bagatelle
Publicité
Les plus récents