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Me Yousuf Mohamed: «Shakeel a piégé le Premier ministre»
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Me Yousuf Mohamed: «Shakeel a piégé le Premier ministre»
L’homme de loi explique pourquoi il s’est porté volontaire pour défendre Ameenah Gurib-Fakim. À noter que l’entretien a été réalisé jeudi, avant l’annonce par la présidence d’une commission d’enquête.
Vous qui êtes en contact avec la présidente, quel est son état d’esprit ?
Je l’ai rencontrée pour la première fois mercredi soir. Elle est très sereine et combative. Elle ne va pas se laisser faire. Je connais son père qui est quelqu’un de très religieux car nous fréquentons la même mosquée. Quant à la fille, j’ai entendu parler d’elle, de son intelligence et de sa personnalité. Je confirme qu’elle est une personne très intelligente, honnête et bien choisie par Ivan Collendavelloo. She is fit to be president.
Est-ce la présidente qui vous a approché ?
J’ai dit publiquement que je suis volontaire pour la défendre. Elle a dû entendre cela. Elle a approché quelqu’un qui est proche d’elle, qui m’a ensuite dit que la présidente veut me voir. Je suis allée à sa rencontre, mercredi.
Quand vous êtes-vous intéressé à la défendre ?
Quand j’ai vu son communiqué et sa détermination de ne pas démissionner. Elle doit avoir ses raisons que la raison connaît.
«Pravind Jugnauth, qui aurait dû enquêter avant d’aller voir la présidente, est entré dans le jeu.»
Des raisons que vous connaissez aussi…
Oui, que je connais et que je ne divulguerai pas, par pure stratégie.
Qu’est-ce qui peut vous faire changer d’avis sur elle ?
Le Premier ministre a dit connaître des choses très importantes sur la présidente. Qu’il vienne tout déballer à la population dès maintenant. S’il arrive vraiment avec des vérités convaincantes, j’aurai, à ce moment-là, une conversation avec Ameenah Gurib-Fakim pour voir si c’est vrai ou pas.
Si je trouve que la présidente doit s’en aller, je lui conseillerai de partir. Si ce qu’il dit se révèle faux, ce sera très grave. Il y aura une action en diffamation contre lui personnellement. Il ne faut pas oublier que le Premier ministre ne bénéficie pas de l’immunité, contrairement à la présidente.
Est-ce vos affinités avec le PTr qui vous ont poussé à vous porter volontaire pour défendre la présidente ?
Je ne suis ni député ni ministre. Je suis avocat et je défends tous ceux qui frappent à ma porte. Quand j’observe une injustice envers quelqu’un qui n’a pas de défense, je me porte volontaire, comme je l’ai fait pour Navin Ramgoolam.
Ensuite, n’oubliez pas que le PTr, de par mon fils Shakeel, a apporté une motion de no confidence in the President. Pravind Jugnauth est tombé dans ce piège.
Un piège calculé avec vous ?
Shakeel (NdlR, le chef de file du PTr au Parlement) est adulte, avocat et vacciné. C’est quelqu’un de très intelligent et moi-même je m’étonne de cet éclairage en lui. Il a le respect des adversaires et est apprécié de tous les politiciens, y compris par ce gouvernement. Je vous confie aujourd’hui qu’Anerood Jugnauth et Showkutally Soodhun voulaient que Shakeel adhère à leur parti. Il a refusé de cross de floor.
Donc, après tout ce qui s’est passé avec l’affaire Sobrinho et le fait que le gouvernement ne réagissait pas, malgré les questions parlementaires, c’était le bon prétexte, quand l’express a publié ces relevés bancaires, pour aller de l’avant avec une telle motion. Il fallait voir ce que le Premier ministre allait faire. Pravind Jugnauth, qui aurait dû enquêter d’abord avant d’aller voir la présidente, est entré dans le jeu.
Pour Navin Ramgoolam, vous vous êtes retiré peu de temps après…
Parce qu’il n’était pas content que je dise à la radio que je ne suis pas Jésus-Christ et que je ne fais pas de miracle. Comme tout avocat, il fallait attendre l’évolution des événements pour savoir s’il y avait matière à défendre ou pas. Comme il n’y avait pas de relation de confiance entre mon client et moi, je me suis retiré. N’empêche que Navin Ramgoolam et moi sommes de très bons amis. Il est un battant et j’aime voir des battants.
Quel est le mandat de ce panel légal ?
Nous entrons en jeu une fois le tribunal institué. Même si on ne fera pas appel à nous dans l’immédiat, nous préparons dès maintenant notre riposte. Any accused party must have his or her day in court. Il ne faut pas condamner une personne d’avance. Ma motivation, c’est la vérité. Même si elle est contre ma cliente, je serai à ses côtés. Je respecterai le verdict du tribunal.
Êtes-vous convaincu que ce tribunal sera institué ?
Tout dépend de la volonté du Premier ministre. À sa conférence de presse jeudi, il a dit que la décision sera prise après le Conseil des ministres. Il se pourrait qu’il y ait d’autres actions. Je ne crois pas que Pravind Jugnauth viendra avec une motion pour amender la Constitution parce qu’il n’aura pas les trois quarts de vote. Paul Bérenger, le PTr et Alan Ganoo ont déjà affirmé leur opposition. J’ai aussi l’impression que le Premier ministre ne voudra pas venir avec un tribunal pour lequel il devra définir les paramètres et le mandat.
Si le tribunal n’est pas institué et si le Premier ministre ne peut pas aller de l’avant avec l’amendement de l’article 30 de la Constitution, de quelle autre option dispose-t-il ?
Je n’en vois aucune, hormis une motion de censure qui peut déboucher sur un vote contre la présidente et qui, moralement, a son importance et doit être obéie. Même si elle ne peut la forcer de partir.
Sur Radio Plus, mercredi, vous avez déclaré, je cite «mo sir prézidan pa sel dimounn ki finn bénéfisié ek Álvaro Sobrinho ». En d’autres mots, vous affirmez qu’elle a bel et bien obtenu un quelconque bénéfice de l’ex-banquier…
La présidente a sa carte de crédit. Elle a participé à des conférences et le gouvernement savait très bien pourquoi elle partait. Sa carte a servi à payer ses hôtels, ses repas et ses voyages. Si elle a dépensé pour acheter des bijoux, elle l’a fait savoir et a obtenu l’autorisation du Planet Earth Institute (PEI). On produira des documents attestant cela au bon moment, devant un tribunal.
Qui sont les autres bénéficiaires, si la présidente n’est pas la seule à en avoir tiré profit ?
Nous avons lu dans la presse, qui est le quatrième pouvoir et à qui j’ai toujours fait confiance, que certaines personnes ont bénéficié de voiture. Il faut les démasquer.
En avez-vous discuté avec la présidente ?
Je ne vous dirai rien à ce sujet.
Pourquoi la présidente a-t-elle choisi mars 2017, juste après l’éclatement de l’affaire Sobrinho, pour rembourser ses dettes ?
Peu importe. Aussi longtemps qu’elle a eu l’autorisation du PEI pour dépenser cet argent comme elle l’entend, il n’y a aucun délit, aucun détournement. Elle a tout remboursé, bien avant que l’express ait publié ses documents bancaires.
Pour avoir rappelé que Pravind Jugnauth était ministre des Finances lorsque la loi a été amendée pour qu’Álvaro Sobrinho puisse obtenir ses licences ? Êtes-vous en train d’incriminer le Premier ministre ?
Je n’incrimine personne. Je ne suis pas de ceux qui vont diffamer qui que ce soit, sans connaître toute la vérité. Au sein du tribunal, beaucoup de vérités vont sortir par l’exercice de contre-interrogatoire. Comme pourquoi retirer cette prérogative de la Banque de Maurice (BoM) pour la remettre à la Financial Services Commission (FSC) ? Les mauvaises langues pourraient dire : pour faciliter Álvaro Sobrinho à faire ce qu’il veut faire chez nous. La présidente, elle, n’a pas le droit d’intervenir auprès de la BoM ou de la FSC.
Pourtant, elle a bien déjeuné avec l’ancien gouverneur de la Banque centrale Ramesh Basant Roi et Álvaro Sobrinho. Et elle s’est aussi mêlée de l’octroi des licences aux sociétés de l’Angolais en adressant un courriel au vice-président de la FSC de l’époque, Akilesh Deerpalsing.
Elle l’a fait de bonne foi pour dire d’accélérer les choses.
Ne savait-elle pas qu’elle avait affaire à un ex-banquier controversé ?
Pour elle, c’était des investissements pour le pays. Elle a cru en la bonne foi de cette organisation et de Sobrinho. Elle ne connaissait rien de lui, hormis le fait qu’il est un investisseur. Il est venu et a investi avec les bénédictions du gouvernement. La FSC avait le devoir d’enquêter sur cette personne. Toute banque, tout avocat, toute institution comme la FSC surtout, le ministère des Finances, celui de la Bonne gouvernance, doivent faire l’exercice KnowYour Client.
Pas la présidence ?
Elle n’a pas ce pouvoir, ni les facilités. La présidente a ses secrétaires. Elle ne fait pas d’enquête. Elle peut demander aux autres, comme la FSC, d’enquêter. A-t-elle demandé une enquête ? Savait-elle que Sobrinho avait une mauvaise réputation ? Toutes ces questions viendront sur le tapis, le moment voulu.
Ameenah Gurib-Fakim a-t-elle menti sur son départ de la présidence ?
Je ne juge pas ma cliente. Je la défends. Je laisse le tribunal la juger. La version du Premier ministre, c’est une seule version. Mere statement without argument, without evidence, mere ipse dixit, comme on l’appelle, ça ne suffit pas. J’ai des messages échangés entre la présidente et Ivan Collendavelloo, le 6 mars, où elle dit qu’il n’est pas question qu’elle démissionne et où le ministre répond «Noted, we’ll talk».
Hormis ce qu’elle a tweeté le 9 mars, «Am still in office», pourquoi la présidente a-t-elle mis tout ce temps à réagir ?
Pravind Jugnauth est un avocat et il est entouré d’autres avocats au gouvernement. La présidente a gardé le silence, à juste titre, car il n’est pas dans son intérêt de venir de l’avant pour s’expliquer. À force d’être persécutée, elle a dit ce qu’elle a dit.
Shakeel Mohamed : «échec et mat»
<p>«En effet, quand je suis venu avec la motion, c’était pour mettre le Premier ministre dans une situation où il se retrouverait avec des choix limités. Soit voter la motion avec moi, soit venir avec la motion de destitution sous l’article 30. Du moment où j’ai déposé la motion, c’était échec et mat.» Déclaration de Shakeel Mohamed, sollicité par <em>«l’express»</em> hier soir.</p>
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