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Affaire Platinum Card: dix arguments pour une commission d’enquête
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Affaire Platinum Card: dix arguments pour une commission d’enquête
Des avis qui divergent
Le leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, en a parlé lors de sa conférence de presse vendredi : Álvaro Sobrinho a approché le Board of Investment (BoI et qui fait désormais partie de l’Economic Development Board) en juin 2014. Sa demande pour investir et acheter des biens immobiliers a toutefois été rejetée par l’instance, après un exercice de due diligence (ensemble de vérifications nécessaires).
Le BoI adoptera cette même posture. Lorsque l’homme d’affaires cherche à acheter plusieurs villas dans le complexe Royal Park, il est informé qu’il pourra en faire l’acquisition uniquement s’il arrive à remplir des conditions strictes imposées par le BoI en 2017. À ce jour, Álvaro Sobrinho n’a pu honorer les critères du BoI.
Dans les milieux de la haute finance, l’on précise que le BoI a maintenu une posture constante, surtout après avoir effectué des exercices poussés de due diligence. Mais pendant ce temps, la Financial Services Commission (FSC) a, elle, octroyé plusieurs licences d’investissement à l’homme d’affaires controversé. «Comment le BoI peut-il refuser de laisser investir Sobrinho à Maurice, alors que la FSC n’a, elle, rien eu à redire ? Comment peut-on avoir deux avis si différents ?» se demande-t-on. Et d’ajouter que seule une commission d’enquête peut apporter une réponse à cette question.
Les lois «oubliées» par la FSC
18 août 2015. C’est la date à laquelle Álvaro Sobrinho prend un premier contact avec la FSC dans le but de faire trois demandes pour opérer des Global Companies dans le secteur mauricien des services financiers. Fait notable, lors d’un exercice de due diligence mené par la FSC, les antécédents de l’Angolais font surface. La FSC demande plus d’informations et accorde finalement les licences le 28 août 2015.
En 10 jours seulement, la FSC a donc procédé à deux exercices de due diligence. Ont-ils été faits comme il se doit en si peu de temps ? Car la Financial Services Act évoque dans une clause que l’instance devrait être s’assurer que «the applicant is fit and proper». Lors d’une Private Notice Question (PNQ) en avril 2017, le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, a questionné le délai dans lequel les licences ont été octroyées.
Dans un communiqué long de trois pages datant du 2 mars 2017, l’instance régulatrice a rejeté tout blâme dans la gestion des demandes d’Álvaro Sobrinho mais suspend quand même ses licences. Contacté par l’express ce dimanche 18 mars, Roshi Bhadain maintient à nouveau que même s’il était ministre à l’époque, il ne pouvait s’ingérer dans la décision de la FSC d’octroyer ou de refuser d’octroyer un permis à Álvaro Sobrinho. «Sur quelle base la FSC aurait refusé d’octroyer un permis à Álvaro Sobrinho ? Il n’y a eu aucune condamnation.»
Le mystérieux déjeuner à la State House
Que s’est-il passé lors de ce fameux repas à la State House ? Plusieurs sources précisent que l’évènement aurait été organisé par la présidente de la République elle-même, avec pour but, de présenter l’homme d’affaires controversé à au moins deux personnes hautement placées à l’hôtel du gouvernement. Il aurait été question alors de discuter sur les moyens permettant de faciliter les dossiers d’Álvaro Sobrinho et faire de sorte que ses permis lui soient donnés sans anicroches. Quelles pressions ont été exercées ? A-t-on tenté d’influencer les procédures ? Le flou persiste.
Le Finance Bill 2016 permet l’octroi d’une nouvelle licence à Sobrinho
29 juillet 2016. Le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, présente le Budget. Parmi les mesures phares annoncées dans le secteur financier: l’introduction d’une Investment Banking and Corporate Licence. Cette mesure n’est toutefois aucunement liée au secteur bancaire.
Le 31 août, le Finance Bill est voté. Parmi les lois amendées figure la FSC Act, permettant l’octroi de l’Investment Banking and Corporate Advisory Licence. Si le 7 septembre 2016, le Finance Bill est gazetted, Álvaro Sobrinho est parmi les premiers à postuler pour obtenir ce nouveau permis.
Il l’obtient le 25 novembre. Bien que dans les milieux proches du dossier, l’on affirme que l’introduction de cette mesure n’a rien à voir avec l’Angolais, le timing fait sourciller. S’agit-il d’une coïncidence si Sobrinho a été le tout premier à en bénéficier ? Une autre question qui pourrait rester sans réponse, à moins qu’une commission d’enquête ne fasse la lumière dessus.
Que cache le Planet Earth Institute ?
Seuls deux projets ont été réalisés depuis l’implantation du Planet Earth Institute (PEI), dont Álvaro Sobrino est le fondateur, à Maurice en novembre 2015. Il s’agit du Dr Ameenah Gurib-Fakim PhD Scholarship Program, un programme de doctorat pour les étudiants africains, et Step Up, un programme pour encourager les Science, Technology, Engineering and Mathematics (STEM) subjects à Maurice.
Huit des neuf boursiers n’ont finalement pas eu l’opportunité de réaliser leurs études de doctorat à l’étranger, comme promis. Quant au projet Step Up, seulement des élèves d’écoles privées y ont eu accès. Pourtant, le budget du PEI en Afrique s’élevait à $ 6 milliards, dont $ 5 milliards que la Bill and Melinda Gates Foundation s'est engagée à investir. Que se passe-t-il pour cet argent ?
L’autre projet du PEI: un incubateur d’entreprise. Ce projet avait été annoncé par le PEI dans un communiqué à la presse le 26 novembre 2016. Pourtant, sollicité par l’express en mars 2017, un porte-parole du PEI avait affirmé que le projet d’incubateur d’entreprise est un projet de l’Alvaro Sobrinho Africa (ASA) Ltd et pas du PEI.
Le rôle de la présidente de la République en tant que Vice-Chairperson du PEI a aussi fait l’objet de controverses. La Constitution du pays précise que la présidente ne peut pas «hold any other office of emoluments» ou «exercise any profession or calling or engage in any trade or business».
Les berlines de Sobrinho
Dans son édito datant du 1er mars 2017, le Directeur des publications de La Sentinelle Ltée, Nad Sivaramen, a révélé que le multimilliardaire Álvaro Sobrinho a acheté sept voitures de luxe, soit quatre Range Rover et trois Jaguar au coût de Rs 40 millions. Nad Sivaramen s’interroge sur les politiciens, époux de politiciens et hauts fonctionnaires qui ont bénéficié de ces berlines. Les plaques d’immatriculation de ces sept véhicules avaient été dévoilées dans l’édition de l’express du 5 mars 2017.
Selon le leader du Mouvement militant mauricien, Paul Bérenger face à la presse le 4 mars 2017, des Very Very Important Persons ont rendu leurs «cadeaux» après que l’affaire Sobrinho a éclaté au grand jour. Toutefois, lors d’une conférence de presse interdite à une bonne partie de la presse le 9 mars 2017, Álvaro Sobrinho a démenti avoir offert les berlines en question à des politiciens.
Les membres de l’opposition dont Navin Ramgoolam et Xavier-Luc Duval s’accordent à dire que la lumière doit être faite pour savoir qui a officiellement reçu les voitures de luxe offertes.
Le rôle de Dass Appadu laisse perplexe
Dass Appadu était, jusqu’à novembre 2016, secrétaire à la présidence. À cette période, il est transféré à la Fonction publique pour y occuper le poste de Permanent Secretary. En février 2017, le haut fonctionnaire prend un congé sans solde d’un an pour travailler pour la compagnie Vango Properties Ltd, fondée par Álvaro Sobrinho.
Sa proximité avec Álvaro Sobrinho débute, pourtant, lorsqu’il travaillait encore pour la State House. En effet, Dass Appadu a bénéficié de deux voyages aux frais du PEI. Aurait-il aussi obtenu une berline enregistrée au nom d’Álvaro Sobrinho ?
Autre fait qu’il reste à confirmer : Dass Appadu a-t-il appelé huit fois au département Licensing de la FSC dans le cadre des demandes de permis pour les sociétés d’Álvaro Sobrinho, comme l’a demandé Roshi Bhadain au Parlement ? Pravind Jugnauth avait répondu qu’il allait s’enquérir mais jusqu’ici, pas de réponse.
Démission de la FSC et le rapport Kroll
Le 6 juin 2017, Xavier-Luc Duval remet un document à la presse. Il s’agit d’un rapport de la firme américaine Kroll qui fait état de la «très mauvaise réputation» d’Álvaro Sobrinho dans le monde des affaires. Le leader de l’opposition avait notamment déploré le fait que l’interdiction d’opérer pesant sur les entreprises liées à Sobrinho ait été levée.
Fait notable, les démissions de Dhiren Dabee et de trois autres membres du conseil d’administration de la FSC coïncident avec la période durant laquelle le rapport Kroll sur Álvaro Sobrinho a été rendu public par Xavier-Luc Duval, soit début juin. Toutefois, le principal concerné a fait comprendre qu’il avait démissionné par la faute d’un «emploi du temps trop surchargé comme Solicitor General et dans les autres organismes» au sein desquels il représente l’État.
Yandraduth Googoolye, alors First Deputy Governor de la Banque de Maurice, a succédé à Dhiren Dabee comme vice-président de la FSC. L’une des premières décisions approuvées par ce proche du clan Jugnauth, est justement d’avoir enlevé les interdictions pesant sur les entreprises de Sobrinho. Ce lors d’une réunion un samedi. Sur quels critères a-t-il pris cette décision? Le saura-t-on un jour?
Royal Park : ces villas controversées
En 2014, les demandes d’investissements d’Álvaro Sobrinho dans l’immobilier lui sont refusées. Pourtant, dans son édition du 7 novembre 2017, l’express expose les pressions exercées sur le BoI pour que l’Angolais obtienne la permission de s’approprier 12 villas du Royal Park Balaclava.
Deux Senior Counsels s’opposent farouchement à l’octroi de cette permission. La raison ? Les «reputational risks». N’empêche, un des avocats accepte de donner un avis favorable si des conditions strictes sont rattachées à cette permission. Au sein du conseil d’administration du BoI, c’est la cassure. Trois membres du conseil s’opposent à tout aval mais les pressions externes seront trop fortes.
René Leclézio démissionne et il explique, d’ailleurs, clairement dans sa lettre qu’il ne voulait pas s’associer à cette décision. Aujourd’hui, Álvaro Sobrinho ne peut prétendre à ses 12 villas parce qu’il n’arrive pas à remplir les conditions imposées par le BoI. L’institution a refusé une demande d’extension de la date butoir et de modification des conditions.
D’où viennent les pressions ? Dans sa PNQ du 4 avril 2017, Xavier-Luc Duval explique qu’un Senior Minister a accompagné Álvaro Sobrinho lors de ses visites au Royal Park. Les regards se seraient tout de suite tournés vers Ivan Collendavelloo. Ce dernier, qui avait avoué «avoir regardé dans les yeux d’Álvaro Sobrinho» et avoir compris que son argent était «clean», est l’avocat de Bernard Maigrot (promoteur de Royal Park) dans l’affaire Vanessa Lagesse.
Mais Ivan Collendavelloo ne serait pas le seul lien qui relierait Bernard Maigrot au gouvernement. Un membre proéminent du MSM qui avait, d’ailleurs, très mal réagi aux commentaires de Xavier Luc-Duval à la suite de la PNQ, serait aussi très proche du promoteur.
Pourquoi les compagnies de Sobrinho opèrent-elles toujours ?
Depuis avril 2016, deux associés de l’homme d’affaires angolais, Mauricio Fernandes et José Pinto, font l’objet d’une enquête à Maurice car on les soupçonne d’avoir menti lors de leurs demandes pour obtenir des licences dans le Global Business auprès de la FSC. En effet, lors de cet exercice, ils avaient listé Goolam Mohamed bhai et Iqbal Rajahbalee comme conseillers juridiques et financiers. Chose que les deux professionnels ont niée.
«Si vous me donnez des éléments qui justifient qu’il faut mettre sur pied une commission d’enquête, nous verrons après», a dit Pravind Jugnauth samedi à la presse. À «l’express», nous pensons qu’une commission d’enquête est essentielle pour tirer le vrai du faux. Cette liste n’est pas exhaustive. Malgré le fait que l’en- quête continue, la FSC n’a pas jugé bon de suspendre les licences concernées. En outre, Alvaro Sobrinho fait lui-même l’objet de plusieurs enquêtes en Suisse et au Portugal. Ce, car il est soupçonné d’avoir fait tomber la Banco Espirito Santo Angola, dont il était le directeur général. On soupçonne qu’il en aurait détourné $ 600 millions. Par conséquent, en ce moment, 160 millions de francs suisses sont gelés et une enquête du gouvernement suisse sur la provenance de cet argent est en cours.
Au Portugal, ses avoirs ont été gelés trois fois puis relâchés. Mais en ce mo- ment, on soupçonne l’Angolais d’avoir, par le biais de son avocat, payé l’ex-juge Rui Rangel pour faire lever le gel sur ses affaires.
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