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Menacés d’expulsion de la Grande-Bretagne: le second exil des Chagossiens

26 avril 2018, 22:50

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Menacés d’expulsion de la Grande-Bretagne: le second exil des Chagossiens

Cinq mois et deux semaines. C’est le temps que Léonie Aglaë a passé en prison, en 2015, en Grande-Bretagne. Son crime ? Sa situation n’est pas régularisée dans ce pays.

Pourtant, la jeune femme, dont les grands-parents ont été expulsés des Chagos en 1969, a fait une demande pour des papiers en bonne et due forme en 2013. Alors que sa demande était encore en train d’être examinée par le Home Office britannique, elle se retrouve avec des menottes aux poignets en 2015. Son cousin a aussi été emprisonné avant d’être déporté à Maurice.

La famille de Léonie Aglaë n’est pas la seule à se trouver dans cette situation. Ils sont toute une génération de Chagossiens à ne pas avoir droit à la nationalité britannique, contrairement à leurs grands-parents et leurs parents. Selon Allen Vincatassin, président de Provisional Government of Diego Garcia and Chagos Islands, un bon nombre de Chagossiens sont concernés par cette situation, même s’il est difficile de les chiffrer.

Une situation que veut rectifier Henry Smith, parlementaire pour la région de Crawley, en Angleterre. Vendredi 27 avril, il présentera en deuxième lecture le Chagos Citizenship Bill (voir plus loin).

L’histoire se répète…

Ils ne sont pas forcés de monter à bord du Nordvaer, une valise à la main. Mais l’histoire de ces jeunes Chagossiens qui se battent pour pouvoir rester avec leur famille s’apparente à celle de leurs grands-parents qui avaient été expulsés de l’archipel en 1969. Lorsque leurs parents s’envolent pour le pays de sa Majesté, alors que Léonie Aglaë n’a qu’une dizaine d’années, cette dernière et ses deux sœurs sont laissées chez «enn madam» à Maurice. Cette dernière prendra soin des trois sœurs qui gardent espoir d’un avenir meilleur avec leurs parents.

Elles attendront sept ans. Faute de moyens. En 2010, à 17 ans, Léonie Aglaë retrouve enfin ses parents en Grande-Bretagne. Entre-temps, elle a arrêté l’école, encore une fois faute de moyens. Mais les ennuis ne s’arrêtent pas là. Les jeunes sœurs doivent faire des démarches pour régulariser leur situation. Cela coûte.

Après que ses sœurs ont reçu leurs papiers en 2013, Léonie Aglaë peut enfin faire une demande. «An 2015, zot avoy mwa let pou dir mwa mo bizin al sign dan enn sant tou lé sémenn», explique Léonie Aglaë. Ce qu’elle fait. Sauf que la deuxième fois qu’elle s’y présente, on lui passe les menottes aux poignets...

Peur au ventre

Après cinq mois et deux semaines, ses parents arrivent à la faire sortir de prison et l’affaire va en Cour. Depuis, aucun développement… Si les parents de Léonie Aglaë ont pu se payer un avocat pour se défendre, d’autres n’en ont pas cette chance faute de moyens. Le cousin de la jeune fille a, d’ailleurs, été déporté à Maurice l’an dernier.

Pour d’autres, la bataille a été longue. «J’ai passé deux semaines en prison. J’ai dépensé beaucoup d’argent. L’affaire est allée en Cour, j’ai fait appel. Finalement, j’ai réussi à obtenir mon passeport britannique», explique Kevin. Il a attendu sept ans pour être sûr de pouvoir rester avec sa famille.

Kevin, lui, n’a pu se rendre en Angleterre qu’à l’âge de 20 ans avec son frère. Pendant les procédures, les jeunes garçons ne pouvaient travailler. Ils passaient leur journée à la maison, la peur au ventre que les officiers du Home Office ne débarquent pour les expulser. Si Kevin a reçu ses papiers, son frère, lui a dû reprendre le chemin de Maurice.

«Je connais au moins sept personnes qui ont été ainsi déportées l’année dernière», explique Shirley Narainen, Chagossienne engagée dans la Chagos Support Group Association en Grande-Bretagne. Dans une vidéo dont nous avons fait part dans notre édition du mercredi 25 avril dans l’affaire Windrush, deux sœurs, Dieuma et Doris, expliquent qu’elles vivent dans la peur que les officiers du Home Office ne débarquent chez elles pour leur enlever leurs enfants.

Naissance en exil

Pourquoi ces jeunes Chagossiens se retrouvent-ils dans cette situation ? Seule une génération de Chagossiens, née en exil, a droit à la nationalité britannique. Les enfants de cette génération n’ont droit à la nationalité britannique que s’ils sont nés en Angleterre. Et même les enfants issus de la première génération en exil nés après janvier 1989 n’ont pas droit à la nationalité.

Ces derniers peuvent faire une demande de visa ou de nationalité britannique. Cependant, les conditions sont très strictes. «Par exemple, on nous demande de gagner un minimum de Rs 791 500 par an pour avoir la possibilité de rester en Angleterre. Selman bokou Sagosien isi travay laéropor kouma cleaner. Li difisil pou nou resté. E si nou éna zanfan, dimann nou éna enn salerr ki pli gro ki sa ankor. Nou bann ti travayer maniel la plipar», lance un Chagossien qui a obtenu sa nationalité il y a deux ans. «Je n’ai pas d’enfant. Si j’en avais eu, je n’aurais pas pu obtenir ma nationalité.»

Le Chagossian Citizenship Bill, c’est quoi ?

Le projet de loi propose que les descendants de Chagossiens puissent devenir des «British Overseas Territory Citizens» (BOTC), à condition qu’ils puissent prouver leur ascendance. Il sera présenté en deuxième lecture au parlement britannique ce vendredi 27 avril.

<p>Si le projet de loi passe, les procédures pour recevoir la nationalité britannique seront beaucoup moins coûteuses. Il est prévu que sous ce projet de loi, les frais d&rsquo;inscription en tant que BOTC s&rsquo;élèvent à &pound;866 (Rs 41 000) pour un adulte et &pound;779 (Rs 37 000) pour un enfant.</p>

<p>Ces BOTC ne peuvent pas vivre et travailler en Grande-Bretagne. Mais une fois inscrits en tant que BOTC, cela leur ouvre les portes pour obtenir la nationalité britannique, qui coûtera entre &pound; 973 et 1163 (Rs 46 000 &ndash; Rs 55 000). Alors qu&rsquo;en ce moment, les procédures de naturalisation coûtent au total &pound; 10 952 (Rs 518 000). Ce que beaucoup de jeunes Chagossiens ne peuvent se permettre&hellip;</p>

Campagne de l’UK Chagos Support Association

C’est dans le cadre de cette campagne que la vidéo de Dieuma et Doris a été publiée en ligne. L’association mène une campagne sans relâche pour rameuter les troupes derrière le «Chagos Citizenship Bill». Le groupe veut sensibiliser le public à la situation des Chagossiens en Grande-Bretagne, espérant que les Britanniques demanderont à leurs parlementaires de voter en faveur du projet de loi. Ils promeuvent aussi la pétition du Chaos Islanders Movement.