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Rajesh Ramdenee: «Je me considère comme un citoyen du monde»
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Rajesh Ramdenee: «Je me considère comme un citoyen du monde»
À 60 ans, Rajesh Ramdenee dispose toujours d’un levier de vitesse à portée de main. Il passe de la grande distribution alimentaire à pilote de rallye automobile en permanence. Alors qu’il allait mettre sa carrière de pilote au point mort, le voilà au volant d’une Skoda Fabia R5, un concentré de technologie. Rencontre avec ce citoyen du monde qui a su garder son humilité et son altruisme.
Présentez-nous votre Skoda !
La Skoda Fabia R5 est le dernier cri et la dernière évolution qu’il y a dans le sport automobile. A l’intérieur, il y a comme une boîte noire qui compile les données et l’ordinateur de bord informe le pilote de tous les détails de la voiture par rapport au rallye. Il peut, par exemple, dire si le freinage a été bien fait ou si le pourcentage d’accélération a été respecté. Il peut aussi alerter le pilote en cas de surrégime. La technologie n’est pas loin de la Formule 1 et c’est une voiture 1600cc turbo homologuée par la Fédération internationale d’automobile (FIA).
J’ai roulé la 306 Maxi et la Xsara Kit Car pendant à peu près 20 ans avec un moteur atmosphérique de 2 litres, mais ça ne veut pas dire que la Skoda est beaucoup plus rapide que la Kit Car. Il n’y pas que la Skoda en R5, il y a également Hyundai, Peugeot, Ford et Citroën. Leurs performances et leurs configurations sont presque égales.
«S’il n’y avait pas des organisateurs sérieux, le Motor Racing Club à Maurice, la Skoda ne serait pas venue.»
Comment a-t-elle atterri à Maurice ?
En fait, toutes ces années durant lesquelles j’ai participé au rallye, je m’étais dit que cette année, j’allais arrêter. C’est mon fils Shayan qui a été l’instigateur du projet et vu que la Xsara allait être vendue en France, il m’a proposé de rouler dans une voiture plus moderne et une quatre roues motrices. Quand on voit l’évolution de la technologie depuis les Kit Car d’il y a 20 ans, on peut dire que la Skoda est une voiture très confortable et qui a moins de problèmes. S’il n’y avait pas des organisateurs sérieux, le Motor Racing Club à Maurice, la Skoda ne serait pas venue.
Comment s’est passée la prise en main de la voiture ?
C’est vraiment un plaisir de rouler la Skoda. Avec la Kit Car et son moteur atmosphérique, c’est très physique tandis que la Skoda c’est nettement mieux. Il y avait beaucoup d’appréhension car c’est une nouvelle voiture de 1600cc turbo et une quatre roues motrices avec conduite à gauche. Il y avait beaucoup de pression pour être au départ et à l’arrivée. On a eu la voiture la veille du départ de rallye. La prise en main s’est faite en liaison. Les conditions météo n’ont pas aidé car il fallait rouler en nocturne, sous la pluie.
«Le pilote n’est pas juste quelqu’un qui est derrière un volant et qui roule vite. Un rallye se gère en fonction des spéciales et des adversaires.»
Qu’est-ce qui est le plus difficile quand on passe d’une deux roues à quatre roues motrices ?
La conduite est très différente. Je pense que cela va me prendre quelques rallyes encore pour comprendre comment rouler une quatre roues motrices. Pour le premier rallye, j’avais encore des réflexes de deux roues motrices. Mais la Skoda Fabia R5 est une voiture qui n’a été conçue que pour la course. C’est différent d’une voiture qui a été modifiée. Il faut être psychologiquement fort. Que ce soit volant à gauche ou à droite, il ne faut pas se poser trop de questions.
Le pilote n’est pas juste quelqu’un qui est derrière un volant et qui roule vite. Un rallye se gère en fonction des spéciales et des adversaires. On reste concentré sur toutes les spéciales. Dans certains cas, on ne prend pas de risques comme freiner au dernier moment.
Avec la multitude de technologie de la Skoda, cela devient plus aisé ?
Le pilote doit connaître les fonctions importantes. Dans ces types de voiture, le co-pilote a un grand rôle et agit un peu comme l’administrateur. Par exemple, avant de démarrer la voiture, il y a pas mal de choses à respecter et c’est le co-pilote qui démarre la voiture. En liaison il y a une fonction de routier et quand on arrive à la spéciale on passe à la fonction «stage» et le turbo s’enclenche.
Cela ne veut toutefois pas dire que quand je m’aligne dans une épreuve, la Skoda va dépasser tout le monde et je serai devant. Pour la Ronde Toyota, la 306 Maxi de Shayan et la voiture très performante de Rayhan Alladeen, n’étaient pas au départ. Si on applique les règlements de la FIA, ce sera difficile de faire du rallye à Maurice. Pour que la Skoda soit devant Alladeen, et d’autres jeunes prometteurs comme Shayan, Ugo Mahon, David Koenig, il faudra être compétitif.
À Maurice, il n’y a pas assez de routes pour faire des spéciales. Ce sont des tracés courts. Nous faisons du sprint. Le vrai rallye, c’est à côté de nous. La Réunion est un pays montagneux avec beaucoup de routes. Les spéciales varient entre 10 km et 30 km. Ici, on fait une montée de Nicolière en 3 km.
«J’ai une entreprise avec 300 employés. Il y a beaucoup de responsabilité. Quand vous allez faire un rallye, il faut se déconnecter de la vie professionnelle.»
Comment le mode de vie influe-t-il sur le pilotage ?
Cela dépend des cas. Dans la nature de mon business, il y a beaucoup de pression. J’ai une entreprise avec 300 employés. Il y a beaucoup de responsabilité. Quand vous allez faire un rallye, il faut se déconnecter de la vie professionnelle. Cela demande un autre type de concentration. La vie du co-pilote se retrouve dans la main du pilote. Il faut faire le vide.
Est-ce que l’adrénaline est toujours présente chaque année ?
La nature du sport fait qu’à chaque rallye, à chaque départ, j’éprouve toujours la même sensation qu’à mon premier rallye : les jambes qui tremblent et le trac d’avoir l’envie de bien faire à chaque spéciale. S’il n’y avait pas la Skoda, j’allais arrêter. Cette voiture me donne des plaisirs jusque-là inconnus pour moi. L’année dernière, quand j’avais dit que j’allais arrêter, j’ai été surpris par la réaction du giron du rallye auto. Ce que les gens disaient, c’est que le rallye était en deuil.
Comment faire pour retrouver cette adrénaline après votre carrière ?
(Long silence)… Très bonne question. Le sport automobile, c’est comme une drogue. C’est très difficile de se détacher. Certains pilotes ont arrêté et sont revenus. Il faut aimer la mécanique, il faut aimer la vitesse et le risque. Dans notre vie de tous les jours, on ne peut pas se permettre de rouler comme on veut. En rallye, il y a un certain sentiment de liberté. Tant que le plaisir est là et je suis physiquement apte, nous allons rouler.
«Ce n’est pas la puissance du moteur qui compte, mais la préparation de la voiture.»
Est-ce qu’il y a une transmission entre les anciens et les jeunes pilotes ?
Il y a une très bonne ambiance et une très bonne entente. Avec l’expérience acquise au fil des années, je suis là pour donner des conseils. Il y a une bonne relève actuellement avec Shayan, David Koenig, Ugo Mahon, Kjell Ekstrom, Jean-François Motet, Julien Marie et Gregory Toulet, entre autres.
Pour les jeunes qui débutent, je leur conseille de ne pas rouler dans une voiture trop puissante. Il ne faut pas brûler les étapes. Ce n’est pas la puissance du moteur qui compte, mais la préparation de la voiture. Il ne faut pas faire de compromis sur la sécurité. La matière des arceaux de sécurité doit être homologuée FIA.
Le rallye coûte beaucoup. Votre situation professionnelle a sûrement dû vous aider…
Tout à fait. Et cela s’applique à tous. À Maurice, la plupart des participants font le rallye grâce à leurs moyens personnels. Très, très peu sont sponsorisés, et s’ils le sont, ce n’est pas à 100 % des frais de la voiture. À travers ma compagnie, j’ai aussi aidé quelques pilotes.
Est-ce qu’à 60 ans, vous avez eu la vie dont vous rêviez ?
Pour tout vous dire, étonnamment, je n’avais aucun rêve. J’ai commencé ma vie au bas de l’échelle. À 17 ans, je travaillais dans le commerce de grossiste en alimentation de mon papa. J’ai débuté le rallye de régularité en 1979 dans une Fiat 127. Quand j’ai évolué dans ma vie professionnelle, j’ai évolué dans le rallye également. Il y a eu la Renault 12, la Simca Rallye 2 et 3, la Peugeot 309, la Peugeot 306 Evo 1, la Peugeot 306 Maxi, la Citroën Xsara et la Skoda.
En 1992, j’ai créé Tiremaster, puis j’ai repris le commerce d’alimentation en 1997 qui à l’époque était Tiremaster Food Division. Et en 2017, nous avons fait un rebranding et aujourd’hui la Tiremaster Food Division est devenue Agiliss Ltd, qui est basée à Phoenix dans un batiment de 8 000 mètres carrés et le PDG est ma fille Sharon. Mon épouse, Goree, est le Credit Controller. Il y a la Tiremaster Mechanical Division qui est gérée par mon fils Shayan, diplomé d’ingénierie mécanique. Mon autre fils, Sheen, fraîchement diplomé, travaille avec Yan Toinette à Tiremaster Ltd dans le département des pneumatiques.
En sus de l’importation de voitures d’occasion avec Clamshell Ltd, nous sommes partenaires avec Jean Collen dans la vente des lubrifiants de la marque Yacco et Eiffel. En fait, je n’ai jamais eu d’ambition. Aujourd’hui je me remets en question parce que vous me posez des questions. Je prends les choses comme elles viennent. Il y a eu du développement et du sérieux dans le travail. Nous avons pris des risques. Mais je ne me suis pas dit qu’un jour j’aurais voulu rouler dans une BMW ou une Mercedes ou avoir une grande compagnie. Je me considère comme un citoyen du monde. Il n’y a pas de couleurs ou de races. C’est l’humain, la simplicité et l’humilité qui compte.
Un rallye ce week-end
<p>Le «Motor Racing Club» organise le «Gerard Ah-Mouck, Marc et Robert Koenig Memorial Rally», deuxième épreuve du championnat national. Le rallye, qui sera sponsorisé par «Tiremaster», Falken et Yacco, se déroulera les 12 et 13 mai. Pas moins de 22 équipages se sont inscrits pour les huit spéciales, totalisant 53,2 km, à Bassin-Blanc et Fantaisie.</p>
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