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Jacques d’Unienville: «Le Budget doit valoriser certains produits de la canne»
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Jacques d’Unienville: «Le Budget doit valoriser certains produits de la canne»
Face à un endettement massif, Omnicane se donne deux années pour sortir la tête hors de l’eau. Son CEO, Jacques d’Unienville, mise sur la vente de ses terres pour réduire le niveau de la dette du groupe.
Qu’attendez-vous du Budget pour sauver le secteur sucre ?
Il y a eu des mesures qui ont été proposées, d’autres sont en discussion. Il faut valoriser certains produits de la canne, comme la bagasse, ce qui a priori, va aider les planteurs à continuer à exploiter leurs champs. Il faut aussi, comme font d’autres pays, protéger notre marché local. Le challenge est de négocier de nouveaux accès pour notre sucre dans d’autres marchés, comme la Comesa et la SADC. Maurice fait partie des deux groupes économiques régionaux importants, où nos produits peuvent être exportés sans restriction tarifaire. Il y a aussi l’Inde et la Chine, qui ont un marché domestique très rémunérateur.
Pour revenir à Omnicane, on évoque avec insistance un endettement de Rs 13 milliards pour le groupe. Comment en est-on arrivé à cette situation ? Est-ce en raison de mauvaises décisions stratégiques en termes d’investissements ?
Omnicane s’est engagé dans la voie de la modernisation, qui s’est faite en plusieurs étapes, dont la centralisation de son industrie sucrière, entraînant des coûts sociaux qui ont dépassé Rs 1 milliard pour le groupe. Mais il y a aussi le fait que le groupe a investi lourdement dans la modernisation des outils de production. Cela, afin d’accroître la capacité de production de l’usine pour développer son pôle raffinerie ou encore sa centrale thermique. Sans compter son unité de production d’éthanol et de traitement de cendres (Carbon Burn Out) qui ont attiré de gros investissements. En tout et pour tout, on parle ici d’un total de Rs 2 milliards.
De plus, le groupe a mobilisé d’autres investissements dans de nouveaux secteurs, dont l’hôtellerie et la cinématographie ainsi que dans des projets au Kenya, au Rwanda et en Angleterre. Ce qui m’amène à dire que tous ces développements suivent la logique d’une entreprise qui bouge, qui innove et qui avance. Et que c’est tout à fait normal qu’on investisse pour dégager de la croissance. Aujourd’hui, on est confronté à une situation difficile dans l’industrie sucrière. Il y a des mesures qui sont prises pour assurer sa viabilité à plus long terme.
On a l’impression que vous voulez tout mettre sur le compte de l’industrie sucrière alors qu’il y a eu, peut-être, de mauvaises décisions stratégiques prises par le groupe, comme l’investissement dans un hôtel à l’aéroport ?
Absolument pas. L’hôtellerie fait partie de la stratégie de valorisation de nos terres. C’est un pôle porteur de croissance actuellement. D’ailleurs, on s’attend à des résultats cette année. À l’issue du trimestre se terminant au 31 mars dernier, le segment hôtelier a réalisé des profits opérationnels de Rs 4,6 millions.
Nous avons l’ambition de créer une Smart City dans l’enceinte aéroportuaire et nous travaillons à donner vie à ce méga projet. Du coup, il est clair que les premiers investissements engagés ont été un loss leader. Je crois que le fait d’avoir fait ses investissements a amené plus de valeur autour du complexe hôtelier, qui a nécessité Rs 900 millions.
Il faut dire que le Holiday Inn est un concept nouveau. Aujourd’hui, on voit la nécessité d’avoir cet hôtel comme un service provider.
À la différence que notre aéroport n’est pas un hub dans la région, comme Johannesburg où il existe un flot incessant de passagers en transit, cherchant des chambres d’hôtels en attendant leurs prochains vols.
J’insiste que ces nouvelles infrastructures, comme l’hôtel de l’aéroport, sont nécessaires pour favoriser la croissance. Nous avons cette ambition. Et l’État aussi, en investissant massivement au niveau des infrastructures aéroportuaires et portuaires. Cela va de pair. Il faut s’appuyer sur ces investissements pour dégager des structures de support en vue de favoriser la croissance autour de ces deux pôles d’activités.
Pour revenir au Holiday Inn, vous vous attendez prochainement à un décollage de ses activités ?
Je pense que très prochainement l’hôtel connaîtra sa vitesse de croisière, ce qui viendra donner un nouvel essor à cette région. Je crois personnellement en le développement de cette partie de l’île. D’ailleurs, nos bureaux vont déménager dans l’enceinte aéroportuaire en septembre, dans un nouvel immeuble. Nous projetons également de construire un autre bâtiment dans le Business Centre, sans compter la zone du port franc qui est en cours de développement ou encore une zone d’affaires à côté de l’hôtel. Parallèlement, il y a une phase résidentielle de la Smart City en cours, en plus du studio cinématographique. Tous ces projets font partie d’un Master Plan, qui est cohérent. On est satisfait de son échelonnement.
À combien chiffrez-vous les investissements dans ces nouveaux projets ?
Disons que par rapport à ces nouveaux projets, nos investissements sont sous forme de terrains et de bâtiments existants. C’est le cas pour le projet cinématographique. Cela fait partie de notre equity dans ces différents projets. Pour le reste, il y a des morcellements et des villas qu’on va commercialiser et dont les revenus engrangés vont être utilisés pour financer ces pro- jets. Donc, il y a des investissements directs. Sauf dans les Smart Cities. Nous prévoyons une somme de Rs 500 millions pour développer les infrastructures autour.
Vous insistez que ce sont les mauvais résultats du pôle sucre qui ont affecté financièrement le groupe ?
Pour cette année, oui. En même temps, il faut savoir qu’on aura deux années difficiles à venir. C’est pourquoi, d’ailleurs, tous les stakeholders sont en discussion pour décider des mesures à prendre afin de rendre le secteur sucre profitable à l’avenir.
À Maurice, comme dans beaucoup d’autres pays d’ailleurs, l’agriculture est protégée. Or, aujourd’hui, elle est en difficulté, face à une nouvelle transformation, elle a besoin d’être soutenue. D’autant plus qu’elle a irrigué, de par ses différentes activités, d’autres secteurs économiques. C’est un peu la nouvelle posture que nous voulons pour ce secteur, en prenant des mesures appropriées pour assurer sa pérennité. C’est primordial de le faire car il y va aussi de la sécurité énergétique et alimentaire du pays.
Faut-il rappeler que nous avons aujourd’hui 50 000 hectares de terre sous culture de la canne et disposons des structures pour les gérer, avec le support des machines agricoles et des systèmes d’irrigation.
Or, le jour où le pays sera confronté à une pénurie d’un produit alimentaire quelconque, on pourrait facilement avoir recours à ces hectares de terre pour planter ce qu’il faut et ainsi assurer la sécurité alimentaire de la population. Au cas contraire, la situation sera catastrophique. D’où la nécessité de conserver stratégiquement le secteur sucre.
Il y a aussi la sécurité énergétique…
Tout à fait. Aujourd’hui, le groupe produit 16 % d’électricité à partir de la bagasse et 24 millions de litres d’éthanol qui sont exportés, majoritairement vers l’Afrique du Sud.
Si, demain, on décide de remplacer le sucre par la production d’alcool, on sera en mesure de produire jusqu’à 90 litres d’éthanol par tonne de canne. Avec 3,7 millions de cannes, ce sera presque 300 millions de litres d’éthanol. Ce qui sera largement suffisant pour assurer notre sécurité énergétique au niveau de notre flotte de véhicules.
Ce qui m’amène à répéter que le sucre demeure un secteur stratégique qui a un effet multiplicateur sur d’autres activités industrielles. Il représente une grosse partie de devises nettes et est le fer de lance du secteur industriel.
Qu’a fait concrètement le groupe Omnicane pour aider son cluster sucre à faire face à la conjoncture internationale ?
Omnicane a, au fil des années, procédé à la mise en place de différentes composantes de notre écosystème agro-industriel cannier, avec de gros investissements consentis pour la modernisation de l’usine, l’augmentation de la capacité de broyage (+1 200 000 tonnes de cannes) et la mise en place des centrales thermiques de production énergétique. Des investissements importants ont été injectés dans une raffinerie afin de capter les opportunités du marché international et la mise en place de notre distillerie de bioéthanol qui, elle-même, fournit de la vinasse pour la production de fertilisant bio et de gaz carbonique domestique. La mise en opération de notre unité de Carbon Burn Out est venue récemment s’ajouter à notre écosystème agro-industriel durable.
Ces investissements ontils ajouté de la valeur à votre pôle immobilier ?
Certainement. Aussi, il faut se rappeler pourquoi on l’a fait. Car il faut savoir que le développement immobilier fait partie de la stratégie visant à financer le pôle sucre.
Nous avons investi massivement dans le secteur sucre et, aujourd’hui, la mise en valeur de certaines de ces terres va nous permettre, effectivement, de réduire notre niveau d’endettement et rembourser nos dettes.
Estimez-vous qu’il y a nécessité de réduire notre dépendance sur le marché européen pour l’exportation de notre sucre ?
Évidemment. Plus particulière- ment pour le sucre blanc, où on fait face à des difficultés. En Europe, il y a encore des marchés porteurs pour les sucres spéciaux alors que dans la région il existe un manque de sucre blanc. Toutefois, dans des pays de la région, il y a des barrières tarifaires qui rendent difficile l’accès à ces marchés qu’il faudra régler.
Le problème qu’on rencontre à Maurice est qu’on exporte plus de 90 % de notre production sucrière, un marché sur lequel nous n’avons pas de contrôle. Or, nous n’avons pas de filet de protection car notre marché domestique est tellement petit qu’on ne peut y dépendre pour sa survie. Ce qui n’est pas le cas pour les gros producteurs sucriers, qui ont de gros marchés domestiques.
Selon vous, il y a un marché potentiel dans la région ?
Il y a certainement un marché potentiel qui peut être attractif pour l’industrie locale, représentant jusqu’à une prime de USD 100 par tonne de sucre.
Qu’avez-vous à dire aux petits planteurs qui envisagent d’abandonner leurs plantations ?
La rémunération de la bagasse, telle qu’elle est préconisée dans le rapport du comité conjoint sur le sucre, peut être un encouragement pour aider les planteurs à continuer cette activité.
Par ailleurs, nous avons mis en place un Planters Advisory Department, qui se charge de fournir un service de gestion complète de la canne provenant des champs des petits planteurs. Ces services incluent ainsi la préparation des sols, l’entretien des champs, la coupe, la récolte et l’acheminement de la canne aux usines. De 25 planteurs en 2016, Omnicane gère aujourd’hui les champs de 80 planteurs, un nombre qui devrait s’accroître cette année encore.
Compte tenu des difficultés financières auxquelles le groupe est confronté, envisagez-vous de revoir le «Business Model» ?
Nous avons une feuille de route et avons investi dans la modernisation, la réforme, voire la compétitivité du secteur sucre. La baisse de prix est beaucoup plus importante qu’on ne l’avait anticipée. Mais nous nous en tenons à notre feuille de route et à notre Business Model.
Comptez-vous avoir recours à des produits financiers pour réduire votre endettement ?
On a une stratégie très claire par rapport à notre désendettement. On l’a partagée avec nos stakeholders, nos actionnaires et on en est satisfait. On tient à cette stratégie.
Ce qui prendra certainement du temps.
Nous avons pris dix ans pour investir et assurer une diversification du groupe Omnicane. Aujourd’hui, nous avons des dettes étalées sur 15 et 20 ans. Comme cité plus haut, nous avons un plan pour le réduire.
Vous y croyez ?
On est dans un cycle. On est au creux de la vague. D’ici deux ans, la situation va s’améliorer.
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