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Maryam, mariée à 15 ans

24 juin 2018, 18:00

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Maryam, mariée à 15 ans

Maryam (nom fictif), jeune mère de 19 ans, a l’air d’en avoir 10 ans de plus. Son visage rondouillet semble en déphasage avec sa taille de guêpe. À 8 h 30, lorsqu’on arrive chez elle, elle se prépare à aller au travail. Elle met les dernières touches à son maquillage. Rouge à lèvres, fard à paupières, fond de teint, ou encore mascara, elle n’hésite pas à en remettre des couches.

Cela fera bientôt deux ans depuis qu’elle travaille en tant que vendeuse dans un magasin de vêtements à Port-Louis. Soit un peu plus d’un an après la naissance de sa fille Aisha, désormais en maternelle. «Avant que je ne sois enceinte, je ne travaillais pas. Personne ne voulait me donner un travail car je n’avais pas encore seize ans. Zot ti per gagn problem si inspekter pasé.» Oui, lorsque Maryam est tombée enceinte, elle n’avait pas encore 16 ans. Car la jeune femme s’est mariée à 15 ans.

Ses parents n’étaient pas contre son union avec Reaz (nom fictive), son futur époux de sept ans son ainé. «J’étais jeune oui mais j’étais assez grande pour savoir ce que je faisais», affirme-t-elle. Maryam n’était pas non plus la première fille de sa famille à se marier aussi jeune. «Mo gran ser ti marier kan li ti pré pou gagn 15 an.» Et la loi dans tout ça ? «Oui nou koné la lwa dir bizin atan gagn 16 an. Mé nou pann maryé sivil. Nikah gagn drwa fer.» D’autant plus, ajoute-t-elle, que «plas enn tifi dan lakaz so mari, pa kot so paran».

«Monn konn mo misié kan mo ti dan form 3 dans kolez. Mo ti pé trouv li dan bis gramatin, li travay kontroler.» En l’espace de quelques jours, d’une amitié naissante, ça passe à l’amour fou. «Mo ti koné mo pou marié ek li. Mo pa ti pé kapav viv san li.» Avant les examens de juillet, soit trois mois seulement après avoir rencontré Reaz, elle arrête l’école. Elle n’avait jamais été intéressée par les études, dit-elle. «Mo pa ti kontan aprann. Tifi bizin maryé mem enn zour ki serti apran tousala ?»

Son mariage a été célébré en grande pompe dans le voisinage. «Ti fer mawlood, la vey, mehendi, lasal tou enba latant kot mwa», indique-t-elle. Son mariage, elle en a rêvé depuis qu’elle était toute petite. «Je voulais une robe blanche, avec un voile. Le jour de mon mariage j’ai mis une couronne, je me suis sentie comme une princesse.» Uniquement sa robe a coûté dans la bagatelle de Rs 20 000 à ses parents. «Paran bizin koné enn zour tifi pou maryé, zot bizin paré zot kass.»

Après la cérémonie du mariage, c’est dans un campement à Péreybère que les nouveaux-mariés ont passé la nuit de noce. «J’étais très nerveuse car c’était ma première fois. Mo ti gagn boukou dimal mé tou ti pass bien vit», raconte-t-elle. Les nuits subséquentes n’étaient pas de tout confort non plus. «Mé apré inn korek. Pa gagn douler.»

Après la lune de miel, les jeunes mariés rentrent à la maison, chez les parents de Reaz. «Nou ress ek mo belmer, boper. Nou éna nou lasam pou nou enn koté.» Dans la même maison habitent également les deux sœurs de son époux, à peine plus jeunes que Maryam. Les deux sont encore à l’école.

Au début, difficile pour la jeune fille de s’adapter à sa belle-famille. «Mo pa ti tro konn kwi, ti pé gagn zouré impé ek belmer. Mé apré inn korek. Aster mo kwi momem pou zot tou.» Elle a de la chance, dit-elle. «Gagn zouré enn dé fwa mé selma zamé monn gagn baté maltraité kouma lézot tifi ki pass mizer. Mo misié bien kontan mwa. Li less mwa travay, met linz ki mo lé. Mo frékent mo fami tou parey kouma avan

Quelques mois à peine après son mariage, Maryam est tombée enceinte de la petite Aisha. Celle-ci est née trois mois après les seize ans de sa mère. «Ma grossesse était difficile. Mo ti pé vomi bokou, gagn bokou douler. Enn zour mo ti komens saigner, mo ti croir monn perdi mo baba. Mé lopital bannla ti met pikir tou inn korek.» La naissance s’est fait par césarienne, car à 3,2 kg, le bébé était trop gros pour une naissance normale.

Tous les jours, Maryam se réveille vers cinq heures. Elle prépare le petit déjeuner pour son mari. Alors que lui mange, elle prépare son «tiffin» pour le midi. Après son départ de la maison vers 6 h 30, la jeune femme se met à nettoyer la maison. Bientôt, il est l’heure de réveiller la petite et la préparer pour l’école. C’est son beau-père qui l’y conduira.

Entre-temps, Maryam se prépare pour aller travailler. Elle prendra le bus, un trajet qui dure une vingtaine de minutes par jour, pour arriver au magasin. Elle y passe la journée, de 10 heures jusqu’à 17 heures, de lundi à samedi, pour moins que le salaire minimum. À son retour à la maison, elle devra cuisiner pour sa belle-famille. Bref, c’est une routine dont se contente Maryam.

N’a-t-elle jamais rêvé de devenir médecin, avocate, ingénieure ou encore hôtesse de l’air ? «Mo ti bien kontan enn zour fer sa bann travay la. Selma nou dimounn mizer. Mo kontan mo lavi.»