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Marché de l’emploi: Les chiffres du chômage suscitent des interrogations
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Marché de l’emploi: Les chiffres du chômage suscitent des interrogations
Le taux de chômage a chuté à 6,9 % cette année. Malgré cette embellie, des questions se posent comme celles ayant trait au chômage volontaire.
Qu’est-ce qui explique ce repli du taux de chômage depuis la dernière décennie ? La question se pose au vu des dernières projections de Statistics Mauritius sur l’emploi et le chômage. Celui-ci devrait s’établir à 6,9 % cette année, une première depuis l’an 2000. Si la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice (MCCI) semble se réjouir de cette baisse, d’autres observateurs se montrent plus critiques.
Pour la MCCI, cette amélioration a un lien direct avec l’amélioration de la situation économique ainsi que la «continuité des politiques publiques de soutien à l’emploi et à la formation». Les projections de Statistics Mauritius avoisinent d’ailleurs celles de la MCCI, qui prévoyait un taux de chô- mage à 6,8 % cette année dans ses perspectives économiques pour 2018, publiées en novembre dernier. «La période creuse commencée en 2009 s’est traduite par une montée continue du chômage à Maurice, allant jusqu’à un taux de 8 % en 2013. Une partie de cette hausse résulte d’une variation du taux de chômage conjoncturel lié à l’insuffisance de la croissance économique et une autre du chômage structurel», analyse la MCCI dans ses perspectives économiques pour 2018.
En fait, depuis les 18 dernières années, le taux de chômage n’est pas descendu en dessous de la barre des 7 %. Si, en l’an 2000, il se situait à 8 %, il a par la suite pris l’ascenseur pour atteindre les 10,2 % en 2003, avant de descendre à 9,5 % en 2005, puis à 8,5% en 2007. La tendance baissière s’est par la suite graduellement maintenue jusqu’à 2011 (7,8 %) avant de grimper à 8 % entre 2012 et 2013.
Ce taux n’a cessé de baisser ces quatre dernières années. D’ailleurs, rien qu’en 2018, le nombre de Mauriciens en situation d’emploi devrait grimper de 7 000.
Croissance économique
Pour que le taux de chômage baisse, explique la MCCI, il faut «une solide croissance économique qui dépasse l’augmentation de la population active et la productivité au travail». Or, depuis 2016, la MCCI dit avoir constaté une «inflexion sensible du taux de chômage», survenue en même temps qu’une reprise économique et une stabilisation de la population active. Au vu de la conjoncture actuelle, la MCCI soutient que le pays approche du «taux naturel de chômage», soit 5 %, vers lequel tend l’économie sur le long terme.
En revanche, Jameel Khadaroo, économiste et Senior Advisor de la firme Deloitte, s’interroge sur les chiffres du chômage avancés par Statistics Mauritius. Dans une analyse économique publiée dans le supplément Économie de l’express du 6 juin, en marge du Budget, il fait ressortir que le taux de chômage a diminué de 2 % durant la dernière décennie malgré une «décélération du taux de croissance», qui stagne autour de 3 % depuis 2011.
«Cela (le taux de chômage) reflète-t-il, du moins partiellement, une hausse du chômage volontaire ?» Question pertinente puisque seul le nombre de personnes en âge de travailler et qui sont à la recherche d’un emploi sont comptabilisées. Celles qui sont en âge de travailler mais qui choisissent de ne pas chercher d’emploi ne sont pas considérées comme chômeurs.
Une opinion que soutient l’économiste et ancien directeur de la défunte Mauritius Employers’ Federation Azad Jeetun. «C’est effectivement un facteur dont il faut tenir compte car certaines personnes choisissent délibérément de quitter le marché du travail faute d’avoir trouvé ce qu’elles cherchent. Parmi elles, il y en a qui se mettent même à leur propre compte. Celles-là ne sont pas incluses comme chômeurs dans les statistiques.»
Programmes de formation
S’agissant du taux de chômage à 6,9 %, il n’y a pas de quoi jubiler, tempère Azad Jeetun. «Il reste marginal. Un taux significatif tournerait entre 4 % et 5 %», observe-t-il. Tout comme la MCCI, il est d’avis qu’il y a une reprise de l’activité économique, et cela, malgré un taux de croissance quasi stagnant, ce qui expliquerait une hausse au niveau de l’emploi.
Il faut ajouter à cela la multitude de programmes de formation et de placement mis sur pied par le gouvernement comme le Youth Employment Programme. Le Budget a également prévu d’autres formations qui devraient davantage impacter le taux de chômage, explique Azad Jeetun
L’économiste Eric Ng se montre, pour sa part, très sceptique quant aux estimations de Statistics Mauritius. «Il est très paradoxal que le taux de chômage soit en baisse alors que les indicateurs macro- économiques ont chuté. Le taux de croissance pour cette année a été revu à la baisse à 3,8 % pour 2018. L’emploi dans le secteur de l’exportation tend à chuter, le taux de croissance sectorielle pour le tourisme ou encore le Global Business est inférieur à l’année dernière…» analyse-t-il.
Qui plus est, les petites et moyennes entreprises ont du mal à recruter en raison de l’application du salaire minimum. Certaines ont même été contraintes de licencier, fait ressortir l’économiste. D’ajouter que l’une des explications du repli du taux de chômage serait les nombreux programmes développés par le gouvernement.
«Il faut analyser les chiffres en détail. Par exemple, le taux d’activité a reculé», indique Eric Ng. Il souligne qu’il y a aussi le problème de vieillissement de la population.
Cette tendance à la baisse du chômage va-t-elle perdurer ? Difficile de le dire pour l’heure, avance l’économiste.
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