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Sex toys: pourra-t-on faire joujou avec ?

15 juillet 2018, 22:30

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Sex toys: pourra-t-on faire joujou avec ?

Les jouets sexuels sont-ils vraiment interdits à Maurice ? Ou ces objets «indésirables» seront-ils autorisés à pénétrer le marché  bientôt ? Les questions se bousculent depuis que le Cabinet des ministres a décidé d’amender les Toys Safety Regulations pour permettre l’exemption d’analyses sur les jouets «à usage personnel». Est-ce à dire que godes, vibromasseurs et boules de geisha, notamment, pourront se glisser dans nos valises ?

Jusqu’à présent, chaque jouet – pour les enfants cela s’entend – devait être analysé par le Mauritius Standards Bureau. Depuis que les amendements ont été annoncés, les passions se sont déchaînées et la question des sex toys a été remise sur le tapis. Suttyhudeo Tengur, président de l’Association for the Protection of the Environment and Consumers, se demande si cela impliquera des jouets «pour grandes personnes». Les zones d’ombres persistent.

En attendant, si l’on se fie à la liste de la Mauritius Revenue Authority, il est interdit d’importer les sex toys. Cela équivaut à «dealing in obscene matter», stipule chastement notre Code pénal. Le contrevenant risque un an de prison et une amende ne dépassant pas Rs 100 000 si on en retrouve dans ses bagages.

C’est la raison pour laquelle ceux qui osent braver l’interdit ont des sueurs froides lorsqu’ils passent par la douane. «La dernière fois, j’avais des boules de geisha dans ma valise. J’avais la boule… Heureusement qu’on ne m’a pas arrêtée, sinon j’aurais dû dire que c’était un collier de perles», rigole une habitante du Nord.

D’autres n’ont pas eu la même chance. Un habitant des faubourgs de la capitale, lui, avait été fouillé et les douaniers avaient découvert des menottes en fourrure dans ses affaires. «Zot inn démann mwa ki été sa ek ki mo pou fer ar sa. Monn dir zot ki zot pansé mo pou fer…» Finalement, les douaniers ne lui ont pas passé les menottes et l’ont laissé partir avec son joujou. «J’avais un godemichet aussi, mais je pense qu’ils auraient été moins cléments s’ils l’avaient trouvé.»

Évoluer avec son temps

Un gode peut donc aussi facilement conduire en prison ? L’avocat Dick Ng Sui Wa a une autre lecture de la situation. Tout comme le mot obscene n’est pas défini dans les textes de loi, sex toys n’a pas de définition non plus. «Plusieurs autres objets, dont des légumes, peuvent être considérés comme tels», ironise-t-il. De plus, il faut bien faire la distinction entre «importation» et usage personnel. «Si la personne a un jouet qu’elle va utiliser pour elle, celle-ci ne peut être poursuivie pour trafic.» De toute façon, pour lui, il est temps de légiférer sur cette question afin d’éliminer les zones d’ombres.

Même son de cloche chez ses confrères. «La loi ne définit pas l’évolution d’obscène. Celle-ci évolue pourtant au fil du temps et des moeurs», avance Me Anoup Goodary. Me Neelkanth Dulloo affirme, en outre, qu’«il faut évoluer avec son temps. Une personne qui pense encore que les sex toys sont obscènes ne vit pas en 2018 et n’a pas Internet chez lui. Avant, les préservatifs étaient considérés comme obscènes, mais ce n’est plus le cas !»

En 2015, un pharmacien avait été accusé de «dealig with obscene matters» car il vendait des sex toys dans son officine. Il était représenté par Me Dick Ng Sui Wa et avait été disculpé. Le magistrat avait statué que les objets qu’il vendait ne pouvaient être considérés comme «obscènes» car ils ne peuvent «deprave and corrupt» les «ordinary decent minded people».

Selon le magistrat, dans une société qui évolue rapidement, avec l’accès à Internet et les chaînes câblées, en sus, l’opinion publique change. «In order to support this proposition, I shall observe that condoms could in the past have been considered as obscene since one may argue that they tend to deprave or corrupt, but they cannot be considered as such today since our society has evolved», avait-il statué dans le jugement. Mais ce jugement, précise-t-il, ne fait pas jurisprudence car il a été prononcé devant la cour intermédiaire.

En attendant d’y voir plus clair, évitons de faire joujou avec la loi.