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State Bank: Rs 4,8 milliards sécurisées in extremis
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State Bank: Rs 4,8 milliards sécurisées in extremis
La découverte d’un faux document dans le dossier bancaire de trois clients kenyans, qui ont été autorisés à des découverts de Rs 4,8 milliards, a semé la terreur, il y a trois mois, à la State Bank of Mauritius. Récit d’une incroyable histoire, où la SBM s’est fait peur par des erreurs de «Compliance» et de «Risk Evaluation»…
Les trois clients, Pabari Distributors, Kotecha, et Unifresh Exotics sont trois compagnies subsidiaires d’un même groupe : Pabari Investment. Les trois compagnies fournissent le gouvernement kenyan, le Ministry of Devolution plus précisément, en matériaux de construction, en denrées alimentaires ou encore en médicaments. De par la nature de ses interventions – le Ministry of Devolution est l’équivalent du ministère mauricien de l’Intégration sociale et porte des aides d’urgence aux populations nécessiteuses – ce ministère ne procède pas par appel d’offres. Ces trois compagnies font donc partie d’un groupe de «blanket providers» auxquelles le ministère kenyan a souvent recours.
À court de fonds de roulement (le décaissement par l’État kenyan est sanctionné de retards administratifs), ces trois compagnies approchentla State Bank of Mauritius (SBM), en janvier 2017, pour des «trade finances». Leur requête, qui est adressée au département International Banking dirigé par Vikram Dabee, consiste à demander régulièrement à la banque l’équivalent de ce que leur doit le gouvernement kenyan.
Selon la procédure établie, le Credit Committee de la SBM, présidé par Mahmadally Burkutoola, et celui des risques, qui a comme Chairman Rajakrishna Chellapermal, doivent se pencher sur la demande, selon les règles établies par le board (voir composition en hors-texte). Quoi qu’il en soit, la banque a, au final, accepté la requête des trois compagnies pour le principe de RegularTrade Finances avec comme condition : «Vous payez dès que le gouvernement kenyan vous paie.» Mais la SBM va commettre une série d’erreurs dans le traitement de ce dossier.
D’abord, elle n’informe pas le Ministry of Devolution que sa dette aux trois compagnies a été assignée dans ces facilités. La deuxième découle de la première : la SBM n’exige pas que le Ministry of Devolution rembourse sa dette envers Pabari, Kotecha et Unifresh dans un compte de la State Bank, se privant ainsi d’un contrôle total de la situation. De janvier 2017 à mai 2018, tout se passe bien. Du moins aux yeux de la SBM. Celle-ci avance du cash à Pabari et la compagnie procède à des remboursements réguliers de ces financements.
Mais en mai dernier, EY, l’auditeur de la SBM, va faire une découverte qui va semer la panique. Les comptes audités que Pabari Distributors a soumis à la banque lors de l’exercice de due diligence sont faux. Selon le document, ces comptes ont été audités par EY Kenya. Or, il s’avère que jamais EY Kenya n’a audité les comptes de Pabari Distributors et n’a encore moins signé le document retrouvé à la State Bank. La haute hiérarchie de la State Bank est informée de la situation et une enquête est immédiatement initiée.
Les emprunts à Pabari et ses related entities auprès de la SBM sont examinés. Le constat au 31 mai dernier s’établit comme suit : l’ardoise de Pabari Distributors s’élève à $ 5 millions (Rs 175 millions), celle de Kotecha à $ 75 millions (Rs 2,6 milliards), et $ 60 millions (Rs 2,1 milliards) pour Unifresh Exotics. Ce sont donc Rs 4,8 milliards qui se retrouvent «at risk». Ce n’est qu’à ce moment précis que le gouvernement kenyan est informé de toute l’affaire. Un des comptables de Pabari Investment à Nairobi est arrêté et les serveurs de la compagnie sont saisis par le Criminal Investigation Department kenyan.
Parallèlement, la SBM s’engage dans une intense négociation auprès du Ministry of Devolution kenyan. Elle découvre alors que les trois compagnies n’ont pas toujours respecté leur engagement de «payer dès que le gouvernement kenyan paierait». Même si au final elles passaient toujours à la caisse, Pabari Distributors, Kotecha et Unifresh se permettaient de réinvestir les paiements obtenus et d’attendre une autre tranche de paiement avant de rembourser les découverts.
L’enquête interne de la SBM révèle aussi une autre faille : ce ne sont pas toujours les compagnies débitrices qui procédaient au remboursement. Il arrivait même que ce soit Pabari Investment (la compagnie-mère) qui payait. «Cela consiste déjà en un red flag», observe une source bancaire.
La SBM poussera finalement un ouf de soulagement quand le 21 juin dernier, elle reçoit une lettre du Principal Secretary du Ministry of Devolution. Celui-ci, après avoir passé en revue le dossier complet (preuves de prêt, factures, notes de livraison), reconnaît la dette des trois compagnies comme étant la sienne.
Mais le soulagement n’est pas total. L’Hôtel du gouvernement, qui suit l’affaire de près – la Banque de Maurice a commandité un rapport d’enquête de EY, et SBM a aussi demandé à BDO d’enquêter – pourrait choisir de sanctionner les légèretés et les erreurs de ce dossier. Deux noms sont cités : celui de Vikram Dabee et de Raj Dussoye, le Chief Executive Officer (CEO). Il s’avère que Kaushik Pabari, le patron de Pabari Investment, était le client d’au moins un des deux lors de leur passage dans d’autres banques, avant qu’ils ne prennent de l’emploi à la State Bank of Mauritius. BDO et EY devraient soumettre leur rapport cette semaine.
Déjà, une source proche du conseil d’administration de la SBM reconnaît qu’il y a effectivement négligence des protagonistes impliqués dans le traitement du dossier Pabari. «Nous concédons qu’il y a eu des failles au niveau du système, plus particulièrement au niveau de l’exercice de ‘due diligence’. Comment les membres du comité de crédit n’ont-ils pas évalué correctement l’élément de risque de cette demande de prêt, en donnant aussi facilement son assentiment ?» Réponse d’un ex-haut cadre de la banque : «Aujourd’hui, la SBM subit trop de pressions et d’ingérences, sans compter les réseaux qui se sont formés à Maurice et ailleurs».
Le «board» de la SBM
Alors que le Risk Assessment Committee et l’exercice de Compliance sont montrés du doigt, c’est le «Board of Directors» de la banque qui établit les procédures devant être suivis pour les prêts. Voici ceux qui y siègent et leurs responsabilités au sein de la SBM (de g. à dr. Sur la photo) :
• Ishwar Anoopum Gaya. Président de l’Audit Committee.
• Raj Dussoye. CEO de la banque. Le numéro 1.
• Véronique Lim Hoye Yee. Directrice Exécutive.
• Rishikesh Hurdoyal. Président du Procurement Committee.
• Philip Ah Chuen. Businessman à succès, il est le directeur exécutif d’Allied Motors. À la SBM, il préside le Corporate Governance & Conduct Review Committee.
• Nayen Koomar Ballah. Secrétaire au Cabinet et chef de la Fonction publique. Membre non exécutif du «board». Il préside le «board» ainsi que le Comité «Nomination and Remuneration», et le «Strategy Committee».
• Rajakrishna Chellapermal. Président du Risk Management Committee.
• Michel Arnaud Moothoosamy. Président du Finance Committee.
• Mahmadally Burkutoola. Il préside le Board Credit Committee.
Ils sont sur la sellette
Raj Dussoye
Il est le CEO de la SBM Bank (Mauritius) Ltd depuis août 2016. Membre de l’Association of Chartered Bankers du Royaume-Uni, Raj Dussoye compte plus de 36 ans d’expérience dans le secteur financier. Il a démarré sa carrière en 1982, à la State Bank of Mauritius. En juillet 2003, il devient le CEO et Executive Vice-President de SBM, India. En août 2007, il se joint au groupe Ciel et est nommé CEO de Bank One en février 2008. Avec son adjoint de l’époque, Arigala Smiles, il démissionne de Bank One en octobre 2013. Le banquier passera, ensuite, trois années chez Axys, en tant que consultant, avant de signer son grand retour à la SBM, en août 2016, comme no1 de l’établissement.
En tant que CEO, il doit assumer la responsabilité de la bévue. Nous l’avons joint au téléphone en fin de semaine dernière. Il n’a pu nous parler, soutenant qu’il attendait un appel international. Après un rappel, en vain, le lendemain, c’est une chargée de communication de la banque qui est revenue vers nous, pour nous demander d’envoyer un courriel au département communication et marketing. Ce que nous avons fait, hier.
Vikram Dabee
Rabindranath Dabee, plus connu comme Vikram, est le responsable de l’International Banking de la SBM depuis septembre 2016. Il y a atterri un mois après Raj Dussoye, soit, celui qu’il a côtoyé à Bank One. Également Associate du Chartered Institute of Bankers du Royaume-Uni, Vikram Dabee compte 25 ans de carrière dans le Retail, Corporate and International Business. Après avoir démarré sa carrière à la State Bank of Mauritius, comme Portfolio Leader – Corporate Banking, il devient le Senior Relationship Manager du département International Banking de Bank One, en mai 2008. Il est promu responsable de l’International Banking du même établissement en janvier 2009, avant de démissionner de la banque en novembre 2013. Un mois plus tard, il devient le Head of Local Large Corporate de la banque AfrAsia. Il y reste jusqu’en août 2016. La demande de financement des trois compagnies de Pabari lui a d’abord été adressée. Joint au téléphone, il a déclaré «mo péna nanyé pou dir lor la».
Une photo qui viendrait relancer la polémique ?
Si, pour l’heure, l’histoire retient que tout est bien qui finit bien, une photo de certains banquiers proches du dossier Pabari participant à un événement familial des Pabari, à Dubaï, pourrait bien relancer la polémique. Cette photo, dont l’existence même reste à être confirmée, aurait été publiée par une employée d’une autre banque mauricienne, qui participait elle aussi à l’événement, et montrerait des proximités «hors du cadre professionnel» entre les banquiers et leur client.
Kee Chong Li Kwong Wing : «…spéculation malveillante dirigée par ceux voulant nuire au groupe SBM
Nous avons interrogé Kee Chong Li Kwong Wing sur cette affaire. Voilà ce que le président de la SBM Holdings Ltd a répondu. «De par la loi bancaire, je n’ai pas le droit d’avoir accès aux informations des clients de la banque. Par contre, je suis au courant d’une enquête interne en ce moment et aussi d’une inspection de la Banque centrale sur toute la question. Attendons leurs conclusions et la banque fera certainement savoir où se situe la responsabilité s’il y a eu maldonne. Autant que je sache, il y a eu un avis public disant que toutes les procédures ont été respectées. Par ailleurs, il faut que je rétablisse une fois pour toutes que la Holding que je préside n’a rien à voir avec l’octroi des prêts par la banque. Je souhaite faire taire toute spéculation malveillante dirigée par ceux voulant nuire au groupe SBM.»
Pabari Investment Ltd : l’ascension d’une entreprise familiale
Tout a commencé en 1950, à Ruaraka, Nairobi. La famille Pabari fonde la société Pabari Distributors. Il s’agit alors d’une petite boutique, qui se spécialise dans la distribution de produits alimentaires. Vingt ans plus tard, cette petite société grandira et le groupe Pabari Investment Ltd prendra naissance. À sa tête, deux directeurs : Rajesh Pabari et Kaushik Pabari.
Petit à petit, le groupe diversifiera ses activités. L’automobile, l’aviation, le secteur médical et pharmaceutique, l’horticulture, l’éducation ou encore la production cannière, pour n’en citer que quelques-unes. Le conglomérat se trouvera des associés stratégiques pour chacun de ses domaines d’activités. Un de ses partenaires d’affaires est Harshil Kotecha. Il est le directeur des projets dans une société dont le nom ne vous dit peut-être rien : Kwale International Sugar Company Ltd (KISCOL). Cette société est pourtant en partenariat avec un des groupes les plus connus du secteur sucrier mauricien. Le groupe Omnicane.
En effet, c’est en 2007 que cette société kenyane est fondée. En 2012, elle s’est associée à Omnicane pour faire décoller sa production de sucre. Le groupe mauricien y investit 20 millions de dollars (Rs 700 millions). À l’époque, Omnicane détient 25 % des actions. Les 75 % restants vont aux investisseurs kenyans. Le projet en question consiste à mettre 5 000 hectares sous culture de cannes à sucre et de construire un moulin capable d’en écraser 3 000 tonnes par jour, en plus d’une centrale à bagasse de 18 mégawatts. Un projet à 200 millions de dollars. Entre-temps, Harshil Kotecha (et sa compagnie Kotecha) rejoint le groupe Pabari Investment, où il siège comme directeur.
Quatre ans plus tard, alors que le groupe Omnicane signifie son intention de doubler ses parts dans la société KISCOL, la presse kenyane, le Business Daily, annonce que la société mauricienne s’est finalement rétractée, optant pour un investissement au Mozambique et au Ghana. Il était question que le groupe mauricien et le groupe Pabari se partagent l’actionnariat moitié-moitié. Par la même occasion, le journal en ligne annonce que les investisseurs mauriciens se désintéressent aussi des projets dérivés de la culture cannière telles que la création d’une distillerie ou encore d’une fabrique à levure. Malgré nos nombreux appels et messages, le CEO d’Omnicane, Jacques d’Unienville, est resté injoignable.
En 2009, le groupe Pabari fonde Unifresh Exotics Ltd, une filiale chargée d’importer des denrées telles que le riz, les grains et d’autres céréales. Aujourd’hui, le groupe Pabari Investments emploie plus de 2 000 personnes dans toutes ses filiales. Dans la presse étrangère, elle a signifié son intention d’investir davantage dans l’enseignement supérieur.
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