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Rakesh Gooljaury: business as usual pour l’homme caméléon

12 août 2018, 20:20

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Rakesh Gooljaury: business as usual pour l’homme caméléon

Son casier judiciaire est loin d’être vierge. Il a été condamné à effectuer 90 heures de travaux d’intérêt général après avoir été reconnu coupable d’«effecting public mischief», dans l’affaire Roches-Noires, en mai 2016. Rakesh Gooljaury, désormais ennemi juré de Navin Ramgoolam, est également témoin dans le procès intenté à l’ancien Premier ministre, dans cette même affaire de vol qui a mal tourné au campement de l’ex-chef du gouvernement, dans la nuit du 2 au 3 juillet 2011.

Le businessman est endetté jusqu’au cou auprès d’au moins trois banques, dont deux appartenant à l’État. L’ex-partenaire en affaires de Nandanee Soornack figure, en outre, sur la liste des mauvais payeurs du fisc. Or, rien, ni personne ne semble pourvoir stopper l’enfant chéri des quatre derniers gouvernements. Rakesh Gooljaury est constamment couvert de cadeaux de la part du pouvoir en place.

Un contrat publicitaire de 10 ans à l’aéroport

Même si Airway Coffee a dû rendre son tablier, de même que certaines de ses boutiques hors taxe, l’ombre de Gooljaury plane toujours sur l’aéroport SSR. Sous le présent gouvernement, il a eu droit à plusieurs contrats, dont un qui vaut de l’or. À tel point qu’à deux reprises, l’appel d’offres a été annulé.

En 2015, Airport Terminal Operations Ltd (ATOL) veut optimiser l’espace disponible à l’aéroport, à travers la publicité. La formule existe déjà à l’étranger : un opérateur installe des écrans partout dans les terminaux, contre des paiements annuels à ATOL. L’opérateur génère ses revenus auprès des annonceurs qui voudront passer leurs publicités sur ces écrans. Le contrat doit ainsi aller au plus offrant.

L’appel d’offres de 2015 est annulé même si trois compagnies avaient franchi une première étape de sélection. Idem pour celui de 2016. Celui de 2017 aboutit en 2018 et c’est TIMES OOH, en partenariat avec JNL Ltd, qui décroche le contrat. L’offre de cette compagnie indienne dépasse de justesse celle de la compagnie mauricienne Rent A Sign. TIMES OOH propose de payer Rs 594 millions sur 10 ans à ATOL alors que Rent A Sign propose Rs 530 millions.

Ce n’est que bien plus tard que le nom de Rakesh Gooljaury apparaît dans l’histoire. Une révélation de nos confrères du mauricien. Quelques semaines après l’allocation du contrat, TIMES OOH et sa filiale JNL Ltd écrivent aux agences publicitaires pour les inviter à une réunion explicative sur ce nouveau marché. Devinez l’adresse où a lieu la réunion ? 10 impasse des Ibis, Sodnac. La même que Fashion Style, Designer Labels, Pro Fashion… du temps où ces franchises appartenaient à Rakesh Gooljaury. Vous avez dit bizarre ?

Swarovski, Women’s Secret, Paul… tous les chemins mènent à lui

Officiellement, le nom de l’homme d’affaires originaire de Petit-Verger n’apparaît nulle part. Sauf que dans les boutiques hors taxe à l’aérogare, c’est un secret de Polichinelle. Derrière le représentant local de Swarovski, de Michael Kors, de Calvin Klein, de Chloé et de R. Cavalli, des marques commercialisées à Plaisance depuis octobre 2016, se cache un certain Rakesh Gooljaury. Une indication qui ne trompe pas. Ce sont des employés de l’ex-Fashion Style, qui y vendent ces produits.

Mieux, en fouillant dans les registres du Registrar of Companies, nous sommes tombés sur une révélation qui risque de faire beaucoup de bruit sur l’échiquier politique. Un des partenaires en affaires de Gooljaury a pour nom Hans Rikesh Ballah, très proche d’un haut fonctionnaire du bureau du Premier ministre, et par ricochet, de la famille Jugnauth.

L’ordre de saisie dont faisait l’objet la maison familiale de l’homme d’affaires, à Petit-Verger, a été levé.

Hans Ballah, le nouveau partenaire en affaires

En effet, Hans Ballah est l’unique actionnaire officiel de Luvoxy, même s’il a essayé de se cacher derrière une autre société – Rihaba Holdings Ltd (dont il est aussi l’unique actionnaire depuis le 22 février 2016).

À savoir, et toujours selon les données du Registrar, qu’avant Hans Ballah, Luvoxy avait comme actionnaire, un dénommé Kallee Chooramany Rai, dont l’adresse est… 10 impasse des Ibis, Sodnac. Soit, la même que l’ex-Fashion Style et autres sociétés de Rakesh Gooljaury.

En sus d’être le représentant de Swarovski à Maurice, Luvoxy, enregistrée le 4 septembre 2015, est également derrière la boutique de lingerie et de maillots de bains, Women’s Secret, présente au Phoenix Mall et à l’aéroport. Dans ces mêmes colonnes, on révélait le 9 juillet 2017, que c’est Farhana Farouk Hossen, la compagne de Rakesh Gooljaury, qui s’est personnellement chargée de passer le mot pour l’ouverture de Women’s Secret. Dans un sms signé «Hanna», envoyé le 4 juillet de la même année, elle dit être «enchantée de partager avec [vous], l’ouverture de notre nouvelle boutique…»

Ce n’est pas tout. Après enquête, nous avons également appris que Paul Bakery, plus connue comme Paul, qui s’est installée à Bagatelle et à l’aéroport, est également liée à Swarovski et Women’s Secret, Luvoxy Co Ltd, Goldmond Co Ltd et Diamoda Foods Co Ltd. En fait, ces compagnies ont toutes le même Marketing Manager… Celui-là même qui a travaillé pour Fashion Heights, représentant des franchises Celio, Mango, Esprit, Jennyfer, Etam ou encore Zara tout comme pour Fashion Style, depuis 2011. Des sociétés, encore une fois, avec, au coeur de leurs activités, nul autre que Rakesh Gooljaury.

Goldmond Co Ltd et Diamoda Foods, toutes deux fondées en 2016, sont, comme vous l’avez sûrement deviné, domiciliées à… 10 impasse des Ibis, Sodnac. Le centre névralgique de quasiment toutes les activités de Gooljaury.

Goldmond et Diamoda ont pour actionnaires, l’ancien banquier Manogaren Poulay Sawmynaden et Aksund Gooptah Sohun. Ce dernier n’est autre que l’oncle de Rakesh Gooljaury.

Alors que Diamoda Foods a comme seul actionnaire Aksund Gooptah Sohun. Les activités des deux sociétés tournent autour de la restauration à Bagatelle et à l’aéroport, les vêtements de marque à Bagatelle et une boulangerie à Bon Air, Moka.

Bénédiction des banques de l’État et du fisc

Le 25 février 2016, avant que l’ordre de saisie de ses biens ne soit émis par la cour, Rakesh Gooljaury obtient la bénédiction en écrit de la MauBank, de la State Bank of Mauritius (SBM) et de la Mauritius Revenue Authority (MRA), pour vendre deux terrains d’une superficie de 651,91 mètres carrés et de 650,30 mètres carrés respectivement, à Chantenay, St-Pierre. L’heureux propriétaire est Don Bryan Foo Kune, fils aîné de Paul Foo Kune, patron de Play on Line et aussi l’acquéreur des franchises détenues auparavant par l’ex-Fashion Style de Gooljaury. Le deal est conclu à Rs 6,5 millions.

Pourtant, ces deux terrains figurent parmi les garanties données par Gooljaury pour des emprunts auprès de la MauBank et de la SBM. Pareil pour la MRA, qui dans une correspondance en date du 15 février 2016, adressée au notaire Me André Le Blanc, écrit que les actions nécessaires ont été prises pour «erase the inscription taken on all his (Rakesh Gooljaury) immoveable properties». Sachant qu’au 18 décembre 2015, l’homme d’affaires devait Rs 2,7 millions au fisc…

L’énigme des dettes

Rs 800 millions. L’ardoise de Gooljaury auprès de la MauBank et d’AfrAsia, comme le mentionne l’affidavit juré par l’avoué des deux institutions financières, le 20 mai 2016, devant la cour commerciale, donne le tournis.

De cette somme, il devait Rs 565,2 millions à la MauBank (ex-Mauritius Post and Cooperative Bank), au 22 septembre 2016. C’est ce dont témoigne une liste en notre possession et dressée, à cette date-là, par le Credit Account Forum de la MauBank.

Cependant, la semaine dernière, le mauricien et l’express ont fait état des impayés de Rs 187,2 millions à la MauBank, au 9 juin dernier. Par la même occasion, on apprenait que la saisie pesant sur la maison familiale de l’homme d’affaires, à Petit-Verger, a été levée, après qu’il a remboursé Rs 9 millions de ce qu’il devait à la MauBank.

Terrains de l’État : l’exception qui confirme la règle

Le 6 février 2017, le vice-Premier ministre et ministre du Logement et des terres d’alors, Showkutally Soodhun, a agréé une demande de Rakesh Gooljaury. Celle de sous-louer une partie, soit, le rez-de-chaussée et le premier étage, de son bâtiment érigé sur les terrains de l’État, en bordure de la route principale, à Belle-Mare. Pourtant, le 31 mars 2015, Showkutally Soodhun a affirmé, au Parlement, qu’en dépit de plusieurs notifications, Rakesh Gooljaury, qui depuis 2009 est détenteur d’un bail industriel sur ces deux sites, n’avait pas réglé la location de ces deux terrains de l’État, depuis juillet 2012.

Avant cela, lors du changement de gouvernement en décembre 2014, Rakesh Gooljaury comptait parmi les rare few dont le terrain à bail à Belle-Mare n’a pas été repris par le ministère du Logement et des terres. On l’a même autorisé à démarrer la construction d’un projet résidentiel en face de la plage publique de Belle-Mare, même s’il avait maintes fois fait fi du délai autorisé.