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Centrale à gaz à cycle combiné: Un investissement risqué de Rs 8,2 milliards
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Centrale à gaz à cycle combiné: Un investissement risqué de Rs 8,2 milliards
La Combined Cycle Gas Turbine coûtera Rs 8,2 milliards à l’État. Le contrat devrait être alloué à l’opérateur bientôt. Contrat qui pourrait s’élever à Rs 2,4 milliards en 2019. Pourtant, le gaz naturel liquéfié, auquel roulent les turbines, fait débat, son utilisation n’étant pas considérée financièrement viable, selon des experts. Aussi, une étude estime que l’aménagement du port pour l’importation de ce gaz nécessitera un investissement de Rs 20 milliards…
Le gaz naturel liquéfié, c’est quoi ?
Le GNL est du gaz naturel qui est liquéfié. À Maurice, l’on n’utilise pas de GNL «car cela nécessite une masse critique en demande et un investissement lourd sur le long terme», explique Khalil Elahee, ingénieur énergéticien et chargé de cours à l’université de Maurice. Par contre, à Maurice, l’on utilise le gaz de pétrole liquéfié ou communément appelé gaz ménager.
Études sur la viabilité: Rs 20 milliards pour le port…
En 2013, une étude de préfaisabilité avait été menée par Worley and Parsons. Le rapport, commandé à l’époque par le Dr Rashid Beebeejaun, ministre de l’Énergie, affirmait que rien que dans le port, l’investissement pour traiter le GNL s’élèverait à Rs 20 milliards, incluant les facilités de regazéification. L’étude avait dû aussi être étendue au système de transport, pour pouvoir atteindre la masse critique pour l’utilisation de GNL. La toute dernière étude en date est celle de Poten and Partners. La firme de consultants a mené une étude sur la viabilité de l’utilisation du GNL à Maurice. Le consultant a soumis une ébauche de son rapport le mois dernier, mais le contenu n’a pas été rendu public. Au Parlement, le 3 août, Ivan Collendavelloo a affirmé qu’un comité ministériel, présidé par lui-même, a été mis sur pied pour se pencher sur les résultats de l’étude. Avec l’appel d’offres déjà lancé, l’optique d’une nonviabilité du GNL inquiète. «Si le GNL n’est plus une option, le CEB devra utiliser le light diesel pour faire marcher la CCGT – un modèle onéreux comparé aux options de heavy fuel oil», explique aussi le professeur Swaley Kasenally, ancien ministre de l’Énergie. Il se demande pourquoi cette précipitation dans l’attribution des contrats.
Construction en deux phases
La construction de cette centrale devra se faire en deux phases. La phase initiale consiste en l’installation des deux turbines à gaz. Celles-ci tourneront dans un premier temps au gasoil. Ces turbines seront seulement utilisées en période de pointe. La deuxième phase consistera en l’installation de générateurs à vapeur et d’une turbine à vapeur. Quand la deuxième phase sera complétée, la centrale devrait servir à la fourniture d’électricité continuelle (base load). L’appel d’offres pour la construction et l’opération a déjà été lancé. Le gouvernement estime qu’environ Rs 2,27 milliards seront dépensées sur ce projet, en 2019. Neuf soumissionnaires ont fait parvenir leurs propositions variant entre Rs 598 645 800 et Rs 2,4 milliards. Le promoteur signera un contrat selon la formule du Build Own Operate and Transfer. Il opérera donc la centrale pendant dix ans, avant que le gouvernement ne prenne le relais.
Qu’est-ce que la combined cycle gas turbine ?
La Combined Cycle Gas Turbine (CCGT), ou centrale à gaz à cycle combiné, marchera avec du gaz et de la vapeur. Deux turbines, pour lesquelles les appels d’offres ont été lancés, tourneront avec du gaz naturel liquéfié (GNL). Elles auront une capacité de 35 à 40 MW. Dans un deuxième temps, la chaleur émise par le fonctionnement de ces deux turbines sera utilisée pour transformer l’eau en vapeur. Vapeur qui servira à faire tourner une troisième turbine de 35 MW à 40 MW celle-là. La capacité de la centrale, à terme, sera de 105 à 120 MW.
A-t-on besoin d’une telle centrale ?
A-t-on vraiment besoin d’une CCGT ? C’est la question que se pose plus d’un. Néanmoins, deux raisons sont avancées par l’État. Dans une correspondance adressée aux fournisseurs potentiels de gaz, le Central Electricity Board (CEB) explique que l’État veut se tourner vers des sources d’énergie «cleaner and environmental friendly». Le gaz qui sera utilisé pour faire tourner les turbines est plus «propre» que les sources d’énergie les plus utilisées par le CEB aujourd’hui. «Increase the electricity generation capacity with the installation of a Combined Cycle Gas Turbine», soutient-on dans le Three-Year Strategic Plan de l’État.
Les turbines de Nicolay
Autre contentieux, les turbines à gaz de Nicolay. Ces turbines, selon le Dr Khalil Elahee, sont rarement utilisées puisque le coût de l’utilisation est élevé. Toutefois, deux d’entre elles seront mises hors d’usage bientôt. Pour le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval «…it is to create an artificial need for this gas turbine (NdlR: la CCGT)». Ivan Collendavelloo, lui, soutient que ces turbines ont 30 ans d’âge et c’est plutôt pour cela qu’elles sont mises hors service. «Elles ont 30 ans mais elles n’ont servi qu’environ 23 000 heures chacune. Ce qui est l’équivalent de seulement deux années et demie d’utilisation continuelle. Why should they be scrapped to make room for the new open cycle gas turbines?», se demande, pour sa part, Swaley Kasenally.
Combien cela va-t-il coûter ?
Dans le Three-Year Strategic Plan de l’État, l’on soutient que le projet coûtera Rs 8,2 milliards. Pendant la première année, soit de 2018 à 2019, cela coûtera Rs 2,27 milliards. Sur les années suivantes, il coûtera Rs 800 millions et Rs 2 milliards, entre autres.
Le GNL sera utilisé pour la CCGT. Est-ce viable ?
Lors de sa conférence de presse tenue le 11 août, Paul Bérenger, leader du Mouvement militant mauricien, tirait la sonnette d’alarme quant au GNL. «Est-ce que l’utilisation du GNL à Maurice, uniquement pour la production d’électricité, est faisable ? Est-ce financièrement viable ?», se demandait-il. Le leader des Mauves déplore l’appel à candidatures qui a déjà été lancé avant même que la viabilité de l’utilisation du GNL ne soit examinée. Un avis que partage aussi Khalil Elahee. «Pour une île comme Maurice, où la demande maximale aux heures de pointe ne dépasse pas les 500 MW, cela n’est pas viable. Même en gonflant la demande, ce qui est contraire aux exigences du développement durable et du combat contre le changement climatique, notre électricité à elle seule ne pourra justifier le recours au GNL», soutient-il. Quelle solution alors ? Devenir un centre de bunkering et utiliser aussi le GNL pour le transport routier local, pour créer la masse critique. D’ailleurs, pendant son discours lors des débats sur l’Appropriation Bill, Ivan Collendavelloo, Premier ministre adjoint et ministre de l’Énergie, conçoit que le GNL ne pourra être seulement utilisé que pour le CEB. Cette option, cependant, n’est pas envisageable pour le moment. «La conversion du gaz en liquide, le stockage et la reconversion, tout cela a besoin d’un investissement lourd mais aussi d’un savoir-faire. Pourquoi nous lancer dans cette direction alors que nous avons les ressources naturelles et renouvelables comme le soleil, le vent, la mer, la canne et les déchets ?», se demande Khalil Elahee. En plus, pour lui, l’utilisation du GNL pour notre parc automobile n’est pas réconciliable avec des véhicules roulant avec des produits pétroliers ou encore… avec le Metro Express. Contacté, un officier du ministère de l’Énergie a affirmé qu’il reviendra vers nous ultérieurement.
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