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Commission d’enquête: qui de Pravind Jugnauth ou Ameenah Gurib-Fakim dit vrai ?
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Commission d’enquête: qui de Pravind Jugnauth ou Ameenah Gurib-Fakim dit vrai ?
La prézidante inn dir mwa ki li pu démisioné dé so fonksyon é nu finn tom dakor lor enn dat», annonçait Pravind Jugnauth durant un point de presse spéciale le 9 mars. Pourtant, lors de son audition mardi 21 août devant la commission d’enquête Caunhye, Ameenah Gurib-Fakim affirme n’avoir jamais tenu de tels propos. Mais ce ne sont pas les seuls éléments qui ne corroborent pas avec les déclarations de Pravind Jugnauth ce jour-là. «Pravind Jugnauth a menti…» C’est, en substance, ce qu’a laissé entendre Ameenah Gurib-Fakim, hier.
Le Premier ministre avance avoir rencontré Ameenah Gurib-Fakim à la State House à la demande de l’ex-présidente. Ameenah Gurib-Fakim, elle, ne mentionne pas cette rencontre. «I said I have done nothing wrong and I am not prepared to give any date because my priority is to clear my name first», a poursuivi Ameenah Gurib-Fakim devant la commission d’enquête Caunhye. Elle a été appelée à faire part de la chronologie des évènements depuis l’éclatement de l’affaire Platinum Card, dans l’express, à sa démission.
Ameenah Gurib-Fakim soutient que lors d’une réunion avec le Premier ministre le 9 mars, elle a refusé de lui donner une date pour son départ même sous pression de sa part. Pravind Jugnauth a même suggéré la date du 15 mars. D’ailleurs, devant la presse, le même jour, il a soutenu que cette dernière lui a annoncé sa démission mais qu’il n’en divulguera pas la date. Une déclaration qu’Ameenah Gurib-Fakim ne niera pas, à ce moment. Sa seule réaction a été deux tweets sur le réseau social. Le premier : «It is being reported that I am resigning… I am still in post» et le second : «Have not resigned yet…».
Rencontre avec SAJ
D’autres éléments ne corroborent pas. Lors de sa conférence de presse, Pravind Jugnauth a indiqué avoir rencontré Ameenah Gurib-Fakim à sa demande le 8 mars. Cette dernière a expliqué, elle, que ce jour-là, Pravind Jugnauth ne s’est pas présenté à la réunion hebdomadaire entre le bureau du Premier ministre et la présidence. «The Prime minister did not come without informing or explaining why…», souligne-t-elle.
Par contre, dans l’après-midi du 8 mars, c’est sir Anerood Jugnauth, dit l’ex-présidente, qui se serait présenté à la State House. La raison ? Selon elle, il lui a expliqué que le Cabinet avait unanimement voté pour qu’elle soit destituée et qu’il lui a conseillé de démissionner d’elle-même. Le même ministre mentor qui, une semaine auparavant, avait affirmé devant la presse qu’Ameenah Gurib-Fakim avait remboursé les fonds au PEI et n’avait rien à se reprocher.
Lors de son audition, Ameenah Gurib-Fakim a aussi fait ressortir qu’elle a fourni toutes les preuves au gouvernement du remboursement de la somme utilisée sur la Platinum Card. Elle soutient qu’Ivan Collendavelloo, Premier ministre, adjoint lui a demandé, le 5 mars, de fournir les relevés bancaires prouvant qu’elle a bel et bien remboursé le PEI.
Ce qu’elle a fait le 6 mars. Mais les preuves n’ont pas convaincu le gouvernement qui a maintenu qu’Ameenah Gurib-Fakim devait démissionner.
L’ex-présidente cible Ivan Collendavelloo
«C’est Ivan Collendavelloo qui m’a dit de demander au journal (NdlR, l’express) d’authentifier les documents», relate Ameenah Gurib-Fakim. Le 2 mars dernier, l’ex-présidente avait lancé un ultimatum à l’express. Elle nous demande d’authentifier les relevés bancaires publiés le 28 février, qui démontrent que cette dernière a effectué des dépenses personnelles avec la carte du Planet Earth Institute (PEI). Un ultimatum que l’express refuse. «The onus is on you, Mrs President», lui réplique Nad Sivaramen. Lors de son audition d’hier, Ameenah Gurib-Fakim renvoie la balle au Premier ministre adjoint, Ivan Collendavelloo. Pour rappel, l’ex-présidente avait elle-même authentifié les documents, le samedi 3 mars, dans une déclaration à la presse, après la cérémonie des Defi Media Awards.
Le timing du remboursement demeure flou
Pourquoi Ameenah Gurib-Fakim a-t-elle remboursé l’argent du Planet Earth Institute (PEI) en mars 2017 ? C’est la question que lui a posée le Puisne Judge Asraf Caunhye, hier. L’ancienne présidente répond que c’est parce qu’elle devait démissionner de l’instance, à cette date. En effet, elle était la Vice-Chairperson du PEI quand est survenue l’affaire Sobrinho. Elle avait auparavant expliqué qu’elle avait utilisé la carte du PEI à son nom, «par mégarde», puisqu’elle détient une carte identique. Pourquoi avoir attendu l’éclatement de l’affaire Sobrinho, en février 2017, pour rembourser les fonds ? Ou, encore, pourquoi explique-t-elle avoir remboursé les fonds à ce moment-là ? Et pourquoi pas avant ? Des questions qui restent pour le moment sans réponses.
Le PMO campe sur sa position
Sa déclaration a été brève : «les li dir». Pravind Jugnauth (photo) réagissait, hier, face aux journalistes, aux propos tenus par l’ex-présidente de la République devant la commission d’enquête Caunhye. C’était lors de l’inauguration de la route de contournement à St-Julien. Dans son entourage,
l’on confirme que les choses se sont bel et bien passées comme le Premier ministre l’a dit durant sa conférence de presse du 9 mars. «Qu’est-ce que le Premier ministre aurait à gagner à raconter une histoire et venir ensuite faire un point de presse ? Si elle (NdlR, l’ex-présidente) n’avait pas accepté, Pravind Jugnauth n’aurait simplement pas rencontré la presse», lâchet- on au niveau du PMO.
Des achats à Dubaï, Abu Dhabi, Budapest
C’était une exclusivité de l’express. Le 28 février 2018, les Mauriciens entendent parler pour la première fois des dépenses effectuées sur la Platinum Card par Ameenah Gurim-Fakim. Cette carte de crédit a un plafond de Rs 1 million et vise à «promote the HE Ameenah Gurib-Fakim, PEI – Bill and Melinda Gates Foundation PhD Programme». De septembre à décembre 2016, des dépenses ont été effectuées pour les besoins personnels de la présidente de la République d’alors. On note un achat chez l’Apple Store de Washington D. C. pour Rs 43 811,11. Le 12 octobre, Rs 5 895,56 sont dépensées en vêtements à Dubaï et Rs 8 001,17 sont déboursées au Shoe Plaza LLC d’Abu Dhabi. Le 15 octobre, trois articles achetés au Duty Free de Dubaï coûtent Rs 510 056,80. Le 28 octobre, la carte de crédit est utilisée chez Shiv Jewels Impex pour Rs 280 000. Le 3 novembre, dans le même magasin, deux débits de Rs 100 000 chacun sont effectués. En novembre, les dépenses se font à Lucknow et à Budapest. À Dubaï, le 2 décembre : des dépenses de Rs 207 951,87. Chez le couturier Roberto Naldi des achats coûtent Rs 90 000. Le 26 décembre, un débit est fait en faveur de BS Travel Management pour presque Rs 93 000. La nouvelle est reprise par la presse locale et internationale.
Chronologie des évènements par Ameenah Gurib-Fakim
<p>De la publication par <em>l’express</em> des relevés de la carte de crédit du Planet Earth Institute (PEI) à sa démission, Ameenah Gurib-Fakim est revenue sur la chronologie des évènements.</p>
<p><strong>27 février 2018 : </strong>Ameenah Gurib-Fakim reçoit une série de mails sur le compte email de la présidence et sur son adresse personnelle. L’express lui pose trois questions sur les relevés bancaires que nous nous apprêtons à publier. «I couldn’t answer because there is a proper process we need to go through.»</p>
<p><strong>28 février 2018 : </strong>«I was very surprised to see the bank statements stretched out in the press.» Publication des relevés de la carte de crédit Platinum offerte par le PEI à la présidente de la République. Ameenah Gurib-Fakim demande conseil à l’Attorney General mais Maneesh Gobin ne sera pas d’une très grande aide.</p>
<p><strong>1er mars 2018 :</strong> Rencontre hebdomadaire avec le Premier ministre Pravind Jugnauth. Ameenah Gurib-Fakim lui explique qu’elle a remboursé le PEI pour les fonds utilisés. Après la réception en l’honneur des lauréats, l’ex-présidente sollicite l’aide d’Ivan Collendavelloo en tant qu’homme de loi. Ce dernier lui suggère l’idée de questionner l’authenticité des documents de l’express.</p>
<p><strong>2 mars :</strong> Ameenah Gurib-Fakim lance un ultimatum à l’express sur les ondes d’une radio privée. Elle nous donne 24 heures pour authentifier les documents publiés (voir hors-texte sur l’autre page).</p>
<p><strong>3 mars :</strong> L’ex-présidente de la République se rend aux Defi Media Awards. Elle est assise aux côtés de sir Anerood Jugnauth qui lui demande des explications. L’ancienne locataire de la State House réplique qu’elle avait tout remboursé sans lui donner des détails. Le ministre mentor fait une déclaration à la presse «authentifiant» les documents et relayant les explications d’Ameenah Gurib-Fakim.</p>
<p><strong>5 mars :</strong> Ivan Collendavelloo lui demande de fournir une copie des relevés bancaires qui prouvent qu’elle a remboursé le PEI. Ce qu’elle fait.</p>
<p><strong>6 mars :</strong> Ivan Collendavelloo demande une rencontre avec Ameenah Gurib-Fakim en présence de Pravind Jugnauth. Il explique que le Premier ministre lui demandera de soumettre sa démission. Elle refuse. «Dear Ivan, just know that I will never resign… please proceed with the tribunal… Thanks. A», écrit-elle dans un texto au n°2 du gouvernement. Pendant la rencontre, le Premier ministre lui demande de donner une date où elle démissionnera. Elle refuse et la rencontre prend fin.</p>
<p><strong>7 mars : </strong>Pravind Jugnauth ne se présente pas à la rencontre hebdomadaire, sans donner d’explication. L’ex-présidente de la République s’adresse au public lors du lancement d’un livre à la State House. Ivan Collendavelloo est le seul représentant du gouvernement.</p>
<p><strong>8 mars : </strong>Sir Anerood Jugnauth se rend à la State House et informe Ameenah Gurib-Fakim que le Cabinet a voté unanimement en faveur de sa destitution. Elle ne compte toujours pas démissionner. «I advise you not to go down the road of tribunal», lui dit SAJ.</p>
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<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" src="/sites/lexpress/files/images/saj_6.jpg" />
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<p><strong>9 mars:</strong> L’Associate Professor Roubina Juwaheer, une amie, lui conseille de solliciter les conseils de l’avoué Gilbert Noël. Ce jour-là, Gilbert Noël se présente et lui conseille d’envoyer une mise en demeure à la banque. Le même jour, le Premier ministre se présente à la State House exigeant une date de départ, il lui suggère même le 15 mars. Mais, une nouvelle fois, elle refuse. Ce soir-là, il annonce à la presse qu’Ameenah Gurib-Fakim quittera son poste le 15 mars, soit après les évènements marquant le 50e anniversaire de l’Indépendance. La presse internationale en parle aussi. Elle réagit sur sa page Twitter : « I have not resigned yet.»</p>
<p><strong>10 mars:</strong> Déjeuner chez l’Associate Professor Roubina Juwaheer dont l’époux siège au sein du board de la Barclays. Gilbert Noël est aussi présent. L’affaire n’est pas abordée à cause de l’époux de Roubina Juwaheer. Mais en privé, Gilbert Noël lui conseille d’instituer une commission d’enquête. Ameenah Gurib-Fakim ne réagit pas tout de suite.</p>
<p><strong>11 mars :</strong> La personne qui est chargée de préparer les communiqués de presse est en vacances. La présidente de la République se tourne vers un ami ghanéen pour rédiger un communiqué expliquant sa version des faits quant aux dépenses sur la carte de crédit du PEI.</p>
<p><strong>12 mars : </strong>Le déjeuner avec le président indien à la State House a lieu. Mais changement de protocole, Pravind Jugnauth demande à ce qu’il ne soit pas assis aux côtés d’Ameenah Gurib-Fakim.</p>
<p><strong>13 mars : </strong>La Garden Party habituelle pour les célébrations de l’Indépendance. Aucun membre du Cabinet n’est présent. Seul Maya Hanoomanjee se rend à la State House mais elle ne rencontre pas Ameenah Gurib-Fakim. Toutes les communications avec le gouvernement sont coupées.</p>
<p><strong>14 mars :</strong> Ameenah Gurib-Fakim émet un communiqué de presse expliquant le remboursement des fonds au PEI. Elle lit au même moment dans un article de presse que Me Yousuf Mohamed voudrait l’assister. Un ami de son assistante, Rachna Seenauth, propose de les mettre en contact. Ce soir même Me Yousuf Mohamed se présente à la State House. Il suggère qu’elle jure un affidavit. Ameenah Gurib-Fakim ne réagit pas mais elle lui demande ce qu’il pensait d’une commission d’enquête. Il ne lui donne aucun avis sur le moment.</p>
<p><strong>15 mars :</strong> Le Premier ministre ne se présente pas à la rencontre hebdomadaire. Dans l’après-midi, l’ex-présidente se tourne vers son ami Irfan Rahman. Ce dernier lui conseille de démissionner. Sa secrétaire personnelle, Sadna Seechurn et son assistante, Rachna Seenauth lui présentent Me Dick Ng Sui Wa qui lui rend visite à la State House. Il lui conseille également de démissionner.</p>
<p><strong>16 mars : </strong>Me Gilbert Noël et Me Nadeem Hyderkhan, junior de Me Yousuf Mohamed se présentent à la State House pour drafter les Terms of Reference de la commission. Gilbert Noël propose sir Hamid Moollan pour présider la commission. Ce dernier accepte au téléphone. Ameenah Gurib-Fakim contacte aussi Me Hervé Duval. Ce dernier s’entretient en privé avec Me Gilbert Noël. En fin de journée, après s’être entretenu avec sir Hamid Moollan, Yousuf Mohamed dit à Ameenah Gurib-Fakim au sujet de la mise sur pied d’une commission d’enquête: «No you can’t but tactically you can». Elle émet le communiqué pour annoncer sa mise sur pied.</p>
<p><strong>16 mars :</strong> Elle reçoit une lettre du Premier ministre. «He said that acts and doings amounted to serious breach of section 64 of constitution and they were legally invalid and had no effect.» Elle reçoit aussi un texto de Me Hervé Duval qui lui explique qu’il est regrettable qu’elle ait ignoré son conseil de ne pas mettre sur pied une commission d’enquête. «I did not know that Hervé Duval had advised against the Commission of Enquiry. In fact, he sent an sms to Gilbert Noël fully explaining why he was against the Commission.» Ce n’est que le 10 avril que l’ex-présidente prendra connaissance de cette correspondance.</p>
<p><strong>17 mars :</strong> Me Yousuf Mohamed et Me Gilbert Noël se présentent à la State House et conseillent à Ameenah Gurib-Fakim de démissionner. Son époux l’avise de contacter le Premier ministre mais ce dernier ne répondra pas. Ses assistantes contacteront Me Gavin Glover et ce dernier lui conseillera de démissionner. C’est finalement Me Yousuf Mohamed qui l’aidera à drafter sa lettre de démission qui a pris effet le 23 mars.</p>
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