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Daniel, homosexuel: «J’ai vécu un calvaire durant mon enfance…»
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Daniel, homosexuel: «J’ai vécu un calvaire durant mon enfance…»
Il est aujourd’hui âgé de 27 ans, habite les faubourgs de la capitale et est homosexuel. Daniel n’a pas eu besoin de faire son coming-out, sa sexualité, sa féminité saute aux yeux et ce, depuis qu’il sait jouer à saute-mouton. Comme James Myles, petit Américain de 9 ans qui s’est suicidé durant la semaine écoulée, après avoir été harcelé à cause de son orientation sexuelle, il a lui aussi voulu en finir parfois, pour ne pas avoir à subir la haine et l’humiliation.
Il l’a su très tôt, tout comme ses proches. «Banla ti fini trouv sa dan mo bann mayer “fifi-fifi”.» Mais tous se voilaient la face, un peu par ignorance. Pour lui, l’homosexualité n’a pas été un choix, il balaie d’un revers de la main toutes les théories qui disent le contraire. Il a toujours été attiré, «sentimentalement», physiquement, par les garçons.
Les premières moqueries, fusent dès l’école primaire. Son premier souvenir d’insulte date de son entrée en primaire. «Famlet, pd, p****.» C’était son lot quotidien. Daniel a vécu le martyr. Surtout que le calvaire se poursuivait en dehors de l’enceinte de l’école, puisque ses «camarades» de classe habitaient la même région que lui. Le bizutage et les railleries étaient permanents…
«Les adultes, dont mes parents, n’y prêtaient guère attention car pour eux, c’était des querelles de gamins.» Il ne savait même pas comment leur expliquer ce qui se passait, ayant lui-même du mal à comprendre ce qu’il ressentait, se demandant pourquoi il n’était pas comme les autres, allant jusqu’à croire qu’il souffrait d’une maladie. «Mo mem pa ti koné kouma apel sa, sa lepok-la.»
«Bred sonz»
Du coup, pour fuir le regard et le jugement des autres, pour échapper à ses agresseurs, il feignait d’être malade, se plaignait des profs pour ne pas aller en classe ou alors faisait l’école buissonnière. C’est lorsque la direction a appelé ses parents au sujet de ses absences répétées que ces derniers ont découvert l’ampleur du problème. «Mé zot touzour pa ti pé konpran ki mo homosexiel…» Les responsables de l’école non plus n’ont pas pris l’affaire au sérieux, expliquant que les querelles entre enfants sont des choses tout à fait «normales».
Daniel change d’école, mais rien ne change. Le «Ti fam», comme l’appelaient les autres élèves, est toujours aussi malheureux. Il rumine dans son coin, a du mal à chasser les idées noires, essaie de se faire «pli zom».
Peu à peu, il a fini par accepter les choses. «Monn fors mwa, monn vinn koumma dir bred sonz, insilt gliss lor mwa alé…» À force, les autres se sont lassés. Il n’a pas franchi le pas mais a songé à mettre fin à ses jours. Et a toujours rêvé de partir ailleurs. «Vous savez, quand est petit, on imagine toujours que le monde est meilleur au-delà des frontières.»
Il a fallu attendre le collège pour que Daniel prenne les choses en main et qu’il commence à se défendre. Encore une fois, il était seul. «Mais j’en avais assez d’être harcelé.» Ses muscles se sont dessinés, son caractère et son moral se sont renforcés. «Faire face à ses agresseurs est le meilleur moyen de mettre un terme au problème. Cela demande du courage mais ils ne s’attendent pas à ce que quelqu’un qu’ils estiment être plus faibles puisse leur tenir tête, ça les déroute. Une fois que c’est fait, ils ne recommencent pas. Ou pas si souvent.»
Aujourd’hui, Daniel habite toujours la même région, mais son monde a bien changé. Ceux qui le harcelaient sont maintenant ses amis. «Il y en a même parmi eux qui ont découvert leur homosexualité par la suite !» À Maurice, il nous reste bien du chemin à faire avant que les mentalités n’évoluent, souligne Daniel. Mais on est sur la bonne voie, hormis quelques têtes brûlées et les hypocrites…
Un message à tous les enfants et ados «différents» qui ont du mal à vivre, à survivre : «Il faut s’accrocher et s’affirmer, ne pas avoir peu ou honte. Tout finit alors par s’arranger.»
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