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Rallye illégal : Fast and Furious de Goodlands à Poudre-D’or-Hamlet
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Rallye illégal : Fast and Furious de Goodlands à Poudre-D’or-Hamlet
C’est un véritable film d’action qui s’est joué dans le Nord au début de cette semaine. Tout commence par un rallye illégal. Et finit par 14 arrestations et des personnes traumatisées. Retour sur ces événements qui ont secoué toute la force policière.
La journée du dimanche 9 septembre a pourtant démarré tranquillement pour les policiers de Poudre-d’Or. Mais aux environs de 16 heures, les choses prennent une autre tournure. Les officiers reçoivent une information d’un membre du public selon laquelle des individus s’apprêtent à commencer un rallye illégal dans la région de Bain-de-Rosnay, à Goodlands.
Ce lieu de rencontre est souvent privilégié par les jeunes en quête de sensations fortes lors de ce genre de compétition. Les policiers se déplacent. Une fois sur le lieu, ils découvrent un attroupement. Au moins une soixantaine de personnes s’est massée. Les grosses cylindrées sont là. Les motards s’apprêtent à parcourir le Nord pour un rallye qui promet une bonne poussée d’adrénaline.
Les limiers de Poudre-d’Or sentent alors qu’ils auront besoin de renfort. L’Operation Room de Piton est alertée et elle sollicite l’intervention de l’Emergency Response Service (ERS). C’est ainsi que le caporal Choolun fait son entrée en scène. Il est accompagné du constable Toolsy et ils se rendent à Bainde-Rosnay.
Les jeunes tentent de prendre la fuite à moto, ce qui donne lieu au coup d’envoi du rallye. Une course-poursuite est engagée, le caporal Choolun et son collègue essaient de les rattraper.
Arrivés au bypass de Goodlands, les policiers parviennent à intercepter un des participants au rallye, ce qui aura le don d’agacer les autres participants. Coup de théâtre, le groupe décide de rebrousser chemin et de s’en prendre aux policiers. C’est le début de l’altercation entre les policiers et les motocyclistes.
Les jeunes se moquent des forces de l’ordre. Des insultes fusent. L’un d’eux, Adarsh Gokhul, osera même cracher au visage du caporal Choolun. Le policier sera aussi agressé. Sans savoir que le pire l’attend. La scène est filmée par un passant et diffusée sur les réseaux sociaux. Il ne faut que quelques minutes pour que les images provoquent un buzz médiatique. Pendant ce temps, sur le bypass de Goodlands, le groupe se disperse.
Le caporal Choolun se dirige alors vers le poste de police de Goodlands. Il y consigne une déposition. D’autres policiers viennent prêter main-forte à leurs collègues. Une opération est menée par l’inspecteur Gunga et la Criminal Investigation Division (CID) de Goodlands sous la supervision des surintendants de police Cally et Mussafeer ainsi que le Divisional Commander Northern Dawoonarain. L’opération débouche sur l’arrestation du présumé agresseur du caporal Choolun. Adarsh Gokhul, un habitant de Goodlands âgé de 23 ans, est arrêté dans sa localité le jour même.
La nouvelle de son arrestation se répand dans le village comme une traînée de poudre. Les amis d’Adarsh Gokhul ne comptent pas s’arrêter là. Alvin Munhurun, 21 ans, le cousin du présumé agresseur du caporal, contacte ses amis. À savoir Yeshav Toolsy, 19 ans, Buldovoo Ghansan, 20 ans, Yogesh Nathoo, 25 ans et Ashley Noyan, 22 ans, tous des habitants du Nord. La mission :«Bizin al kraz lakaz polisier la !»
Alvin Munhurun fait alors appel à un autre de ses camarades. Celui-ci sera le chauffeur de la troupe. Les jeunes se munissent de bois et de tuyaux en métal. Ils se rendent dans le village de Poudre-d’Or-Hamlet, au domicile du caporal Choolun.
Il est environ 01 heure, lundi 10 septembre lorsque les jeunes s’en prennent à la voiture et brisent les vitres de la maison du policier. La famille de ce dernier est réveillée par les bruits de vitres cassées. Une fois le jour levé, le policier se rendra, cette fois, à la police de Piton pour une déposition.
En apprenant la tournure des événements, la force policière se mobilise. Lundi matin, la CID de Goodlands est épaulée par celle de Piton, de la Special Supporting Unit (SSU), de l’Anti-Robbery Squad Northern, de l’Anti-Robbery Squad SSU, de l’ERS Special Squad, du Field Intelligence Office et des officiers de la Marine Commando de la National Coast Guard et du Groupe d’intervention de la police mauricienne. Cet important effectif ratisse le terrain à la suite de la déposition d’Adarsh Gokhul. Ils procèdent à l’arrestation d’une dizaine d’hommes. Tous âgés de moins de 30 ans.
Avisen Soobrayen, 20 ans; Yogesh Nathoo, 25 ans ; Buldovoo Ghansan, 20 ans ; Yeshay Toolsy, 19 ans ; Bhugun Bhoones, 18 ans ; Rehan Mooneea, 19 ans ; Akilesh Mooneea, 18 ans; Avishdave Mungur, 26 ans ; Farhaan Nobeebux, 19 ans; Alvin Munhurun, 21 ans; et un mineur qui habite Goodlands sont arrêtés dans la matinée du lundi 10 septembre. Dovic St-Martin, 18 ans, sera arrêté le jour suivant. Ashley Noyan, un autre jeune de 22 ans sera, lui, arrêté mercredi.
Les policiers se mobilisent pour soutenir le caporal Choolun
Plusieurs policiers à travers l’île sont venus en aide au caporal Choolun. Ils ont contribué à récolter une somme d’argent qu’ils comptent remettre au policier, le lundi le 17 septembre, à travers le président de la Police Officers Solidarity Union. Outre les policiers, un volontaire a proposé de réparer les fenêtres et les portes de la maison du caporal. «Sa voiture aussi a été endommagée. La somme remise lui servira à la réparer, car cela aurait pu arriver à l’un d’entre nous», explique l’inspecteur Jaylall Bhojawon, le président de ce syndicat.
Cet élan de solidarité a commencé à travers l’initiative des collègues du caporal Choolun, affecté à la Divisional Response Service du Nord, pour ensuite prendre de l’ampleur à travers toutes les unités de l’île. Ils sont nombreux à vouloir aider le caporal même s’ils ne l’ont jamais rencontré.
«Je ne le connais pas, mais cela aurait pu être moi. Dans la force policière, nous sommes tous liés, nous sommes une famille. C’est la première fois qu’un policier qui fait son travail comme il faut, subit des représailles», fait ressortir un policier affecté à Port-Louis. Un autre, qui travaille à Beau-Bassin a été l’un des premiers à lancer un appel sur Facebook, en écrivant «mo accepte coupe Rs 200 lor mo lapaye et remet sa a Caporal Choolun». «Les gens ne respectent plus le Law and Order. C’est mon devoir de l’aider», ajoute-t-il.
La phrase du commissaire de police qui décourage
«Un policier qui ne peut garder son sang-froid n’est plus un policier.» Le commissaire de police, Mario Nobin, a fait cette déclaration à la presse mercredi, lors du 44e anniversaire de la Police Helicopter Squadron. Il faisait allusion à l’incident de dimanche. Cette phrase a interpellé plus d’un au sein de la police.
Les proches du caporal Choolun, que nous avons interrogés à ce sujet, indiquent que le policier, de par ses 30 ans de service, a su garder son calme. «Il a su maîtriser la situation et il a pu garder son calme, malgré tout», fait valoir son entourage.
Toutefois quelques-uns de ses collègues sont d’accord avec Mario Nobin. «Dans la vidéo, on voit que le policier donne un coup à un malfrat en premier. Il aurait dû attendre que le jeune lui lance un coup avant, pour ensuite amiz li», soutient l’un d’eux.
En revanche, d’autres ne partagent pas l’avis de Mario Nobin. «Je ne suis pas d’accord avec le commissaire de police. Avant d’être policiers, nous sommes tous des humains. C’est dégradant ce que le malfrat a fait en crachant sur le policier alors que lui ne faisait que son travail. Le malfrat a insulté l’uniforme de la police et c’est déjà un cas d’assault», souligne un policier.
Nombre d’agents sont démoralisés après cette déclaration de leur chef. Cet avis est aussi partagé par le l’inspecteur Jaylall Bhojawon. «Est-ce que le commissaire de police sait quelles sont les difficultés qu’un policier rencontre sur le terrain lors d’un tel incident ? C’est grâce à cette vidéo que le public a su ce qui se passe. De nos jours, plusieurs policiers sont agressés et le commissaire pense qu’ils doivent rester les bras croisés devant les bandits. C’est un mauvais signal qu’il lance aux bandits», lâche le syndicaliste.
Cette semaine a été des plus éprouvantes pour ces familles, qu’elles soient les voisins du caporal Choolun ou les proches des jeunes motards arrêtés. Du côté du policier, les voisins n’arrivent presque plus à fermer l’œil. Par contre, l’incompréhension la plus totale se ressent chez les familles des jeunes impliqués…
Un silence religieux règne aux alentours de la maison des Choolun à Poudre-d’Or-Hamlet. Les membres de la famille du caporal sont encore traumatisés. Mais depuis que des patrouilles régulières sont organisées devant leur maison, ils se sentent en sécurité. Ils ne craignent rien depuis l’arrestation de ces jeunes. Ils sont sûrs que les malfrats ont eu une leçon.
Hier, jour férié, les maisons semblaient désertes. À côté de celle du policier, nous rencontrons un jeune homme. Il raconte n’avoir rien entendu le jour où la maison du policier, qui se trouve être aussi un membre de sa famille, a été saccagée. «C’est mon plus grand regret. J’ai l’impression que je n’ai pas porté secours à mon oncle alors qu’il avait besoin de moi», confie le jeune, âgé d’une vingtaine d’années.
À une dizaine de mètres, une dame nous ouvre les portes de sa maison. Elle confie être encore choquée par les événements qui se sont déroulés aux petites heures, lundi. «Mo tann enn tapaz koumadir vit kasé ek dan somey mo’nn lévé», déclare la sexagénaire. Sur le coup, elle ne comprend pas ce qui s’est passé. «Jamais nous n’avons vécu ce genre d’expérience dans le quartier.»
Aux petites heures du matin, la vieille dame et les autres membres de sa famille se rendent compte que des vitres ont volé en éclats chez leur voisin et que la voiture de ce dernier a aussi été vandalisée. «On entendait sa famille, son épouse et ses enfants qui criaient.»
La sexagénaire poursuit son récit. «Maintenant, tous les jours, il y a des policiers qui font le va-et-vient dans le quartier.» Mais tous ces événements l’ont tellement perturbée qu’elle ne trouve plus le sommeil. «Je repasse sans cesse ce film dans la tête. Je tremble encore rien que d’y penser.»
Par contre, l’histoire est toute différente à Goodlands. Certaines familles préfèrent nous fuir dès que l’on leur pose les premières questions. La grand-mère de l’un des jeunes éclate en sanglots rien qu’à l’évocation du nom de son petit-fils.
«Boukou dimal mo pé gagné.» Mais elle ne dira pas plus. Les parents du jeune n’étant pas chez eux, elle ne veut pas parler à leur place. Toutefois, elle confiera qu’elle n’aurait jamais pensé que son petit-fils aurait été capable d’un tel acte de violence.
Nous rencontrerons la famille de celui qui se trouve être le deuxième suspect plus âgé du groupe. Si le père semblait vouloir en parler, ce n’est pas le cas de sa fille. Cette dernière a peur des représailles. «Déjà que cela fait plusieurs jours que nous essayons de rencontrer mon frère, mais personne ne nous donne l’occasion de le faire. On ne nous donne pas le droit de le voir. Mais nous faisons tout notre possible pour réunir une somme pour le faire libérer», lâche la sœur.
Les suspects
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