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Warren Robertson: «Sans le kickboxing, je serais peut-être mort»

30 septembre 2018, 22:00

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Warren Robertson: «Sans le kickboxing, je serais peut-être mort»

C’est l’histoire d’un ado trompe-la-mort devenu un champion serein. Celle de « Wawa», comme l’appellent ses amis du quartier, à Stanley. L’histoire d’un surdoué du kickboxing, 18 ans, devenu la semaine dernière à Venise, la tête de gondole de son sport. Interview pieds et poings déliés.

Qu’est-ce qui a changé depuis votre titre de champion du monde ?
Mon poids (rires). J’ai pris deux kilos cette semaine, j’ai bien mangé, je me suis un peu laissé aller. Je peux me le permettre parce qu’il n’y a plus de compétition cette année. Des gens que je ne connais pas me félicitent en me croisant dans la rue, ça fait drôle. J’ai plein de sourires autour de moi.

Comment répondez-vous ?
Avec un sourire, un merci… Je n’arrive pas encore à réaliser, je n’ai pas totalement atterri, mais je sais que je suis heureux. Être champion du monde, c’était mon but, mon rêve. Depuis mes 13 ans, j’avais ça dans la tête : devenir comme Fabrice Bauluck (double champion du monde de la discipline, NdlR). C’était loin d’être gagné d’avance car j’étais un petit gros : soixante kilos pour moins d’un mètre cinquante. C’est pour cette raison que j’ai commencé le kickboxing, pour perdre du poids. Après quelques entraînements, on m’a dit que j’avais du potentiel. Puis on m’a proposé de participer à des compétitions et, de fil en aiguille, tout s’est bien enchaîné.

Vous n’avez que cinq ans de kickboxing ?
J’ai mis les gants pour la première fois à 8 ans. Mais après cinq mois, la salle a fermé. J’ai essayé le foot, l’athlétisme, ça ne m’a pas plu. Cinq ans plus tard, une salle a ouvert à Roches-Brunes, près de chez moi. L’histoire a commencé comme ça.

C’est cette histoire que vous avez tatoué derrière l’oreille ?
Le gant de boxe ? Oui, je l’ai fait jeudi, avec celui-là (il soulève son T-shirt pour laisser apparaître un imposant tatouage sur le ventre). C’est une promesse que je m’étais faite enfant : si je deviens champion du monde, mo pik mo meday lor mwa.

Quelles valeurs ce sport vous a transmis ?
(Il réfléchit) Le travail, la discipline, une hygiène de vie. L’acceptation de la souffrance, aussi. Être boxeur de haut niveau, c’est dur. Les gens ne s’imaginent pas combien il faut souffrir à l’entraînement.

Comment se composent vos semaines ?
J’ai deux entraînements par jour, à 9 heures et à 17 heures. Chaque séance est thématisée et alterne boxe (technique, sac de frappe, sparring) et préparation physique (musculation, course à pied, stretching). Je fais ça tous les jours, sauf le samedi. Ça me fait des semaines de trente-cinq heures. Mais bon, j’aime ça.

Comment décririez-vous votre sport ?
Pour faire simple, c’est de la boxe avec les jambes en plus, ou de la boxe thaïe sans coups de coudes ni de genoux. Si on a certaines qualités physiques comme le punch ou, pour moi, la rapidité, c’est un plus, mais il n’en faut pas forcément pour s’y mettre. Par contre, il faut être très fort dans sa tête. Si t’as pas un gros mental, tu peux pas y arriver. On vit avec la douleur quand on fait du kick et c’est le mental qui permet de la supporter.

Ce sport a-t-il laissé des traces sur votre corps ?
Sur le haut du nez, une bosse ne part plus. C’est depuis que je m’entraîne avec Fabrice Bauluck : il m’a cassé le nez plusieurs fois.

Que ressent-on avant de monter sur un ring ?
On est dans les vestiaires, leker batfol, on se dit «kifer mo la ? Kifer mo pann swazir enn lot sport ?» C’est une sensation difficile à expliquer, un mélange de stress, d’adrénaline, de peur. Si tu ne contrôles pas cette peur, t’es mort. Ça t’apprend à gérer tes émotions. Une fois sur le ring, on est dans le combat, dans le dur, mais il y a du respect entre les adversaires. Moi, ça m’a apporté du calme et des joies incroyables. Quand c’est terminé, j’ai hâte de re-boxer ! J’ai toujours été un compétiteur, depuis tout petit.

Petit, justement, quel écolier étiez-vous ?
Mo ti kontan lager ! (rire)

Une terreur des cours de récré ?
Naan, juste un peu bagarreur. L’école n’était pas mon truc, j’ai arrêté en Form IV. J’aurais pu mal tourner, comme beaucoup de mes amis. Ce qui nous plaisait, c’était la vitesse, les courses illégales à mobylette ou à moto. On prenait les paris… et surtout de gros risques. Certains ont eu de graves accidents, d’autres sont morts ou sont tombés dans la drogue, bann zafer simik, tousala. Sans le kick, je serais peut-être au cimetière aujourd’hui. Si tu regardes bien, y’a pas grandchose à faire quand t’es jeune à Maurice. Moi, j’ai eu de la chance, j’ai trouvé ma voie. Aujourd’hui, j’ai des envies, des buts à atteindre : gagner chez les seniors, passer professionnel, vivre de mon sport.

Prochain objectif ? Avoir mon permis de conduire !
Je l’ai déjà raté une fois…

Et côté ring ?
Dans six mois, la coupe du monde en Turquie. Je serai passé senior, ce sera plus dur. Il va falloir bien me préparer parce que j’aurais peut-être des adversaires cinq ou dix ans de plus que moi.

Combattre votre mentor, vous y pensez ?
Pourquoi pas… mais le plus tard possible de préférence. Fabrice me connaît trop bien…

Et si vous n’arriviez pas à vivre du kickboxing ?
J’ouvrirais mon atelier de peinture automobile… et je serais très heureux comme ça (sourire).