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Gérald Alcindor: «J’ai tout perdu pour avoir sauvé l’île Maurice de la honte»
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Gérald Alcindor: «J’ai tout perdu pour avoir sauvé l’île Maurice de la honte»
2017, Maurice accueille les Championnats du monde de Beach Handball des -17 ans à Flic-en-Flac. Gérald Alcindor, gérant d’un hôtel de ce littoral, obtient le contrat de l’accommodation. Alors que les acomptes ne venaient pas comme convenu, il laisse parler le côté humain et patriotique et héberge près de 400 personnes. Car, l’image de Maurice était engagée. Aujourd’hui, il est sur la paille.
Gérald Alcindor, êtes-vous toujours habité de la même fibre patriotique qu’auparavant ?
Des doutes l’ont hélas pollué. Je suis une personne qui a travaillé durant plus de 14 ans sur les bateaux de croisière. Pendant tout ce temps, je me considérais comme un ambassadeur de l’île Maurice. Je vantais, auprès de chaque personne que je rencontrais, les nombreuses richesses, la beauté de notre pays, l’affabilité de ses habitants. Aujourd’hui, paradoxe ; mon amour pour l’île Maurice et ce sens de l’accueil que je chéri tant m’ont conduit vers les abysses.
Cela veut dire quoi concrètement ?
Je suis ruiné. J’ai perdu mon hôtel et tout ce que j’y avais investi. J’ai dû vendre ma voiture ainsi que d’autres actifs pour rembourser des dettes. Mais, ça n’a pas été suffisant car je dois encore de l’argent à des personnes. À la MRA (NdlR : Mauritius Revenue Authority). Et, je parle là de beaucoup d’argent. Depuis le mois de janvier, je ne travaille pas. Il m’est impossible de respecter mes engagements et de subvenir aux besoins de mes enfants. J’ai honte de devoir m’appuyer sur mes parents pensionnaires et ma sœur pour vivre. Vous vous rendez compte, toute cette galère pour avoir sauvé l’image de mon pays.
Comment ça «pour avoir sauvé l’image de mon pays» ?
Laissez-moi vous faire une synthèse de la chronologie des événements. On m’avait attribué le contrat de l’accommodation. Je précise bien que je ne suis pas aller le chercher. Ce sont les organisateurs qui sont venus vers moi. J’avais la charge d’héberger et de nourrir les quelques 400 athlètes et entraîneurs venus pour les Championnats du monde de Beach Handball des -17 ans. J’ai tout entrepris en ce sens, prenant la peine de réserver le nombre d’appartements nécessaires, puisque seul mon hôtel (NdlR : Palm Beach) ne pouvait contenir tout ce monde, et de faire en sorte qu’ils soient aux normes que recherchait l’IHF (NdlR : International Handball Federation), comme un de ses officiers me l’avait d’ailleurs demandé lors d’une réunion. À un moment donné, l’argent n’arrivait pas comme convenu. Survenaient en même temps divers problèmes sur le plan financier et organisationnel, au point où l’annulation de l’événement fut même un moment évoqué. À mon niveau, un gros budget avait déjà été engagé. Finalement, à quelques jours des Championnats, après un deal entre le MJS et le comité organisateur, lequel voulait que Daniel Gérard se retire de l’organisation, Ludovic Carré est venu me voir. Il m’a dit que tout allait désormais s’arranger. Je l’ai fais confiance et j’ai assuré l’hébergement. Si je ne l’avais pas fait, ce sont 400 athlètes et entraîneurs qui, débarquant à Maurice après de longues heures de voyage, se seraient retrouvés à la rue. Vous imaginez ce que cela aurait fait à l’image et la réputation de Maurice. Il aurait même pu y avoir des incidents diplomatiques. C’est moi, Gérald Alcindor, qui a évité tout cela. Aujourd’hui, j’attends de récupérer la totalité de mon dû.
À combien s’élève-t-il ?
Le montant total de mon contrat était de Rs 12 544 000. Cette somme représentait uniquement l’accommodation des joueurs et entraîneurs. Maintenant, il y a des frais additionnels pour des extra days, extra lunch, extra stays, etc… On avait aussi un agreement pour que je prenne à ma charge les billets d’avion des officiels de l’IHF. Tout cela représente un surplus d’environ Rs 4M. Ce qui fait un total de Rs 16.5M. De cette somme, je n’ai reçu qu’environ Rs 7M.
On vous doit donc Rs 9M…
Dont une grande partie est due aux créditeurs. De nombreuses factures n’ont pas encore été payées. Par exemple, celle de l’agence de voyage où les billets d’avion des officiels ont été réservés. Des suppliers. Mes employés. Aussi les factures de l’hôtel où Monsieur Ludovic Carré, accompagné s’il vous plaît, et ses invités venus de l’île de la Réunion ont séjourné.
Accompagné de qui ?
Allez le lui demander… Il semble oublier tout ça. Aujourd’hui, il n’a même pas le courage de prendre mes appels. Alors que moi, je fais face à une pression constante à chaque coup de fil des créditeurs… Et, je comprends ces derniers. Ils ont respecté leurs engagements et c’est logique qu’ils soient payés. Tout comme c’est logique que je le sois.
Et, c’est cette pression qui vous a poussé à faire une tentative de suicide «en live» sur un bâtiment en face du Citadelle Mall ?
C’est insoutenable. J’ai fait une dépression. Ma maman a fait une dépression. Je vis un véritable cauchemar.
Tenter de vous suicider en face du Citadelle Mall, c’était pour attirer l’attention du ministre Toussaint sur vos tribulations ?
Monsieur Stephan Toussaint, qui est supposé être un représentant du peuple et le garant du bien-être du sport mauricien, s’est montré totalement insensible à mon égard. Son comportement lorsque je l’ai rencontré, une fois, à Curepipe, dépasse même l’insensibilité. Il a carrément fait preuve d’arrogance en me disant que je pouvais aller voir qui je voulais pour récupérer mon argent mais que lui ne pouvait et surtout n’allait rien faire. Pourtant, il est clair son ministère a une grosse part de responsabilité dans tout cela.
Pourquoi dîtes-vous cela ? Il s’avère effectivement que le MJS avait spécifié, bien au départ, qu’il n’allait pas s’engager comme partenaire de ces Championnats ?
Si le MJS était contre l’organisation de l’événement comme on le fait croire, alors comment expliquer la présence de ses officiers dans les réunions du comité d’organisation. Burak Tezcan et Giampero Massi, deux officiers de l’IHF ont bien rencontré le ministre. Si le MJS était véritablement contre, dans ce cas pourquoi avoir permis à l’AMH d’aller de l’avant, sachant fort bien que celle-ci avait des difficultés et que l’image de Maurice était engagée ? Est-ce moi qui divague ou il y a là une incohérence ?
Vous avez parlé plus haut d’un contrat, il est en bonne et due forme ?
Bien sûr…
Dans ce cas, pourquoi ne saisissez-vous pas la justice ?
Je vais le faire. Les procédures seront sous peu enclenchées en ce sens. Je tiens d’ailleurs à remercier ceux qui ont accepté de prendre l’affaire gratuitement. Mais, la justice prendra son temps alors que moi, j’ai besoin de mon argent maintenant.
Lorsque questionné sur cette affaire, Ludovic Carré a parlé de conflit d’intérêts…
Ludovic Carré est venu pleurer avec moi pour que je l’aide. J’ai parlé avec en sa faveur avec un équipementier afin que ses joueurs aient la tenue convenable durant le tournoi. Demandez-lui qui a fourni les shuttle buses avant que le MJS n’en pourvoie quelques-uns. Qui a accueilli les délégations à l’aéroport. Ludovic Carré, lorsqu’il avait besoin de moi, était à Palm Beach tous les jours. À tel point que mes proches croyaient qu’il y travaillait. Aujourd’hui, son langage a changé. Il a enlevé son masque pour laisser apparaître ce qu’il est réellement. Un opportuniste. Une personne sans scrupule. Je le défie de venir me dire face à face que je mens. Pour répondre à votre question, il n’y a pas le moindre conflit d’intérêt. Je n’ai rien à cacher. Pourquoi ne pas mettre en place un Fact Finding Committee pour savoir où est passé l’argent versé par l’IHF et qui était supposé être destiné à l’accommodation…
Vous paraissez le savoir… Dites-le nous alors ?
Je laisse ce soin au trésorier de l’ex-comité directeur de l’AMH (NdlR : Association mauricienne de handball), monsieur Burty Caramsing et au directeur du projet des Championnats du monde de Beach Handball des -17 ans, monsieur Jimmy Anthony.
Ne pensez-vous pas avoir fait preuve de naïveté M. Alcindor ? Ne voyant pas arriver les acomptes, vous auriez pu laisser tomber…
Je l’aurais pu. Vous savez, le jour du début de la compétition, j’ai reçu un 2e paiement de l’IHF. Une somme d’environ Rs 3.5M. À ce moment, mes proches et mon comptable m’ont dit de tout arrêter. D’expulser tout le monde, de fermer le catering center. Je serai perdant mais j’aurais limité la casse. Je ne me serai pas retrouvé dans la situation dans laquelle je suis actuellement. Mais, j’ai refusé. Vous vous rendez compte de la catastrophe que cela aurait représenté ; 400 personnes, dont la majorité des mineurs, à la rue. Ç’aurait été inhumain d’agir ainsi. Ce genre de comportement n’est pas dans ma nature. Je pose la question à Monsieur Toussaint et au Premier ministre, qu’est-ce qu’ils auraient fait à ma place ? Considérer que l’argent et mettre 400 étrangers à la rue ou auraient-ils privilégié, comme moi, le côté humain ? Est-ce de la naïveté d’avoir choisi la deuxième option ?
Vous nourrissez des regrets ?
Oui. D’avoir cru en Ludovic Carré. Oui, parce que ce cauchemar touche mes proches aussi. C’est ça qui est le plus dur. Mais, d’un autre côté, je me dis que j’ai pris une décision patriotique. En épargnant la honte à notre pays. Il est malheureux qu’on ne le reconnaisse pas.
Dans quel état psychologique êtes-vous ?
Je suis dépressif. Je n’arrive plus à fermer l’œil. Des tonnes de pensées se bousculent dans ma tête.
Pensez-vous pouvoir rebondir ?
J’ai besoin d’aide. Je fais un appel au gouvernement, au premier ministre et le les demande de considérer ce que j’ai fait pour mon pays.
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