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Chagos: la force des déracinés

5 octobre 2018, 22:00

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Chagos: la force des déracinés

Les Chagossiens de Crawley ont effectué une manifestation à Trafalgar Square qui a démontré leur force de frappe. De son côté, David Snoxell revient sur la position du Chagos All Party Parliamentary Group.

Présidente du Chagos Islanders Movement (CIM), Isabelle Charlot a des preuves de la force que ce mouvement représente. Le 20 juillet, les membres ont organisé une manifestation qui a duré plusieurs jours à Trafalgar Square. Notons que c’est l’un des lieux les plus emblématiques et touristiques de Londres. Certes, il y a des manifestations là-bas, mais aucune n’a duré cinq jours sans s’arrêter. La police est venue voir les manifestants, mais ne leur a pas demandé de partir. «C’est que le gouvernement ne veut pas envenimer la situation. Il connaît notre force sur ce dossier», avance la présidente.

Cette manifestation a porté ses fruits. Elle avait pour but de clamer haut et fort toutes les revendications des Chagossiens en Grande-Bretagne. Mais la goutte d’eau a été la compensation de 40 millions de livres (Rs 1,78 milliard) que le gouvernement britannique a décidé d’octroyer aux Chagossiens, en novembre 2016, après un avis défavorable au retour du peuple dans l’archipel.

Le bureau du Lord Ahmad, Baron of Wimbledon, qui était responsable du dossier British Indian Ocean Territory, voulait donner la gestion de cette somme au Crawley Borough Council. Cet argent allait être utilisé pour réaliser des études sur la condition chagossienne, ce que José Jacques trouve totalement inutile. Il y a déjà le rapport que le gouvernement de David Cameron avait commandité à KPMG sur le relogement et qui avait non seulement parlé du retour et établi le plan, mais en avait aussi estimé les coûts.

De plus, les Chagossiens estiment que cet argent est loin d’être suffisant pour compenser tout le mal fait au peuple, bien que David Cameron ait affirmé que leurs demandes de pension et d’aide pour les funérailles sont incluses dans cette compensation. Après cinq jours de manifestation, les autorités sont revenues sur leur décision. La gestion de l’argent a été confiée au Foreign and Commonwealth Office, sauf que personne ne sait comment cette somme est réellement gérée.

Le CIM a demandé quel montant de cet argent est disponible et les détails des dépenses. La seule réponse a été qu’environ £ 270 000 (Rs 12 millions) ont été utilisées pour les visites aux Chagos. Le coût de quelques voyages datant d’avant le décaissement de la compensation a aussi été déduit des 40 millions de livres sterling. Mais cette réponse, loin d’être satisfaisante, a fait l’objet d’autres interrogations qui sont, pour l’heure, sans réponse. La question est d’autant plus importante que plusieurs groupes de représentants de Chagossiens, dont le CIM, avaient refusé cette compensation. Aujourd’hui, ils souhaitent savoir à quoi sert cet argent. «Toutes les demandes que nous faisons, comme la pension pour les natifs et l’aide pour les funérailles, sont rejetées. Donc, il faudrait savoir à quoi sert cet argent, d’autant plus que les visites n’intéressent pas grand monde», explique Isabelle Charlot.

Et le Brexit dans tout cela?

Est-ce que le Brexit aura un impact sur ce dossier ? Personne ne le sait pour l’heure. Cependant, Jean-Paul France tient à préciser que le sujet sert de prétexte aux Britanniques. «À chaque fois que nous faisons une demande, ils utilisent la couverture du Brexit. Avant, c’était le fait que Theresa May venait de prendre le pouvoir et qu’il fallait attendre un peu. À chaque fois, c’est une nouvelle histoire.»

Si personne ne s’imagine l’impact que la sortie du Royaume-Uni de l’Europe aura sur ce combat, ces Chagossiens estiment tout de même que l’échec de Theresa May pourrait jouer en leur faveur. Si elle n’arrive pas à rassembler la majorité autour de son plan de sortie, elle n’aura pas d’autre choix que d’organiser des élections anticipées. Et si les travaillistes reviennent au pouvoir, les discussions seront moins tendues. «Mais rien n’est gagné d’avance, même avec le Labour Party.»

David Snoxell, coordinateur du Chagos All Party Parliamentary Group: «Nous allons aider à négocier un retour sur l’archipel»

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="357" src="/sites/lexpress/files/images/david_snoxell_2_kp.jpg" width="238" />
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<p style="text-align: justify;"><strong>Comment un ancien haut-commissaire britannique devient le porte-voix du Chagos All Party Parliamentary Group (CAPPG) ? </strong></p>

<p style="text-align: justify;">Lorsque j&rsquo;étais en poste, le gouvernement mauricien et les Chagossiens savaient que j&rsquo;étais acquis à leur cause. J&rsquo;avais même conseillé au gouvernement britannique d&rsquo;alors de ne pas s&rsquo;aventurer sur certaines zones de ce débat.</p>

<p style="text-align: justify;">Deux ans après ma retraite, on m&rsquo;a demandé de former un groupe parlementaire sur les Chagos. J&rsquo;estime que ce laps de temps était suffisant pour s&rsquo;engager à soutenir un autre point de vue. Lorsque le groupe a été constitué, le Times a publié une lettre ouverte que j&rsquo;avais rédigée pour dire qu&rsquo;il fallait que le Royaume-Uni aille à la table des négociations.</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Le CAPPG soutient-il la position de Maurice ou du Chagos Islanders Movement ?</strong></p>

<p style="text-align: justify;">Le CAPPG est composé de 50 parlementaires allant de l&rsquo;extrême gauche à l&rsquo;extrême droite. Les sept partis au Parlement sont représentés. C&rsquo;est le seul groupe parlementaire qui a une telle composition. Il y a consensus. Certes, il y a des débats, mais tous sont d&rsquo;accord sur un point : les Chagossiens doivent rentrer chez eux. Si une entente est possible entre des parlementaires avec des points de vue si différents, je suis sûr qu&rsquo;il doit y avoir un terrain d&rsquo;entente entre les groupes de Chagossiens d&rsquo;ici et de Maurice.</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Avant que l&rsquo;affaire ne soit portée devant la Cour internationale de justice (CIJ), Maurice a été victime de menaces de la part du gouvernement britannique. Qu&rsquo;en pensez-vous ? </strong></p>

<p style="text-align: justify;">C&rsquo;était des menaces vides. J&rsquo;ai tout de suite mis ça de côté. Boris Johnson avait parlé de menaces, mais il n&rsquo;a pas précisé. C&rsquo;est une attitude contraire à la volonté de négocier.</p>

<p style="text-align: justify;">Devant la CIJ, on a vu comment sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR) avait subi des pressions. Cinquante ans après, c&rsquo;est la même situation qui se répète. Je reste persuadé qu&rsquo;il n&rsquo;y aura rien.</p>

<p style="text-align: justify;">Permettez-moi d&rsquo;ajouter qu&rsquo;avec le recul, je pense que si SSR avait dit non aux Anglais, le seul résultat aurait été un léger retard dans l&rsquo;Indépendance. Mais personne n&rsquo;avait le recul pour le savoir à l&rsquo;époque.</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Parlons du plaidoyer britannique devant la CIJ&hellip; </strong></p>

<p style="text-align: justify;">Deux points sont erronés. Le premier a été lorsque les avocats ont annoncé que le peuple mauricien a accepté l&rsquo;excision. Il y avait à peine 5 % de Mauriciens qui savaient où était situé l&rsquo;archipel. L&rsquo;Indépendance a été axée sur des questions économiques et pas territoriales. Donc cela ne tient pas.</p>

<p style="text-align: justify;">Puis, le fait que les Chagos ne figuraient pas dans la Constitution mauricienne a aussi été souligné. De ce que je sais, la première ébauche de 1965 faisait mention de l&rsquo;archipel. Dans la version finale de 1968, cette mention avait disparu et ce sont les Britanniques qui ont fait voter cette Constitution à travers un Order in Council, qui est une manière notoire pour passer outre la démocratie.</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Si l&rsquo;avis est favorable pour Maurice, que fera le CAPPG ? </strong></p>

<p style="text-align: justify;">Nous allons aider à négocier un retour sur l&rsquo;archipel. La souveraineté et le retour sont les deux faces de la même pièce. Maurice voudra aller vite, et comme nous l&rsquo;avons toujours fait, nous allons pousser les choses.</p>