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Wavel Ramkalawan: «Que l’affaire MedPoint n’entache pas l’image des Seychelles»

9 octobre 2018, 01:30

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Wavel Ramkalawan: «Que l’affaire MedPoint n’entache pas l’image des Seychelles»

Wavel Ramkalawan a récemment posé une PNQ au Parlement seychellois sur la vente de l’ex-hôtel «Reef». Interrogé, il revient, entre autres, sur la politique mauricienne.

Vous venez de poser une «Private Notice Question» (PNQ) au Parlement seychellois sur le rachat de l’ex-hôtel «Reef» par le Dr Krishan Malhotra. Qu’avez-vous obtenu comme réponse ?
Cette affaire est louche. Nous avions nous-même été alertés sur le rachat à travers la presse mauricienne que très récemment. Nous sommes d’autant plus intrigués car le gouvernement n’a reçu aucune demande de vente jusqu’à présent. Sans cette sanction de l’État, cette transaction ne peut être effective. C’est du moins la réponse que nous avons reçue. Le gouvernement dit être en attente.

Pourtant, cette vente a été confirmée au niveau de Beachcomber, qui a même affirmé à «l’express» que tout a été fait selon les règles…
Voilà pourquoi je dis que les spéculations autour de cette vente sont enn ti pé manboulouk manboulouk (NdlR, louches). Aux Seychelles, les autorités disent n’avoir rien reçu en ce sens alors que, selon la lettre de dénonciation qui circule parmi les autorités mauriciennes et seychelloises, il semble que tout a été réglé dans le dos des autorités et des actionnaires.

Qu’est-ce qui vous dérange dans cette affaire ?
Les Seychellois ne sont pas d’accord que l’ex-hôtel Reef soit racheté par ce Mauricien. Le Dr Krishan Malhotra étant le gendre de sir Anerood Jugnauth et le beau-frère du Premier ministre mauricien et étant au centre même du scandale MedPoint. Dans ma PNQ, j’ai dit au gouvernement de prendre en considération tout l’aspect en relation avec l’affaire MedPoint qui n’a pas encore été tranchée. À Maurice, je crois comprendre qu’on at- tend que l’affaire, avec en toile de fond une histoire de corruption, soit jugée par le Privy Council. Nous ne voulons pas que la réputation des Seychelles soit entachée.

C’est seulement à cause de l’affaire MedPoint que vous vous opposez à cet éventuel rachat ?
Oui, le procès n’est pas terminé encore. Nous demandons au gouvernement seychellois d’attendre que les choses s’éclaircissent avant de prendre une décision. Mais ce n’est pas

tout. Nous soupçonnons qu’à l’origine, la vente de l’ex-hôtel Reef pour moins de $2 millions à l’époque était entachée de maldonnes. D’ailleurs, KOSBROH, une compagnie parapublique seychelloise, est sous le coup d’une public enquiry.

Beachcomber est donc également dans le viseur ?
Oui, la vente au groupe Beachcomber pourrait ne pas s’être déroulée selon les normes. Et dans le passé, le groupe n’a pas respecté ses engagements. Au départ, leur plan derrière le rachat de l’ex-hôtel Reef était de créer une école hôtelière. Mais, par la suite, l’établissement a été utilisé comme dortoir pour les employés et maintenant le groupe est entré dans un accord avec le Club Med. Et Beachcomber a une propriété à Praslin et avait annoncé un projet hôtelier. Or, jusqu’à présent, nous n’avons rien vu.

Il semble que vous suivez la situation politique mauricienne de près…
Je suis de temps en temps ce qui se passe. J’étais d’ailleurs à Maurice et à Rodrigues le mois dernier. Sur le plan politique, comme d’habitude, there’s never a dull day in politics in Mauritius. Je trouve les développements politiques forts intéressants. Comme tout le monde, je me demande quelles sont les coalitions qui vont se dessiner pour les prochaines élections (rires)…

Nous comprenons que l’avenir de Pravind Jugnauth est suspendu à la décision au Privy Council. De son côté, le MMM

semble avoir été affaibli ces derniers temps avec des dé- missions, même si je pense que Paul Bérenger demeure quelqu’un ayant beaucoup d’expérience. Quant au Parti travailliste, malgré l’entrée d’Arvin Boolell au Parlement, je me demande si ce parti ne traîne pas un boulet en raison des affaires de Navin Ramgoolam.

Chez vous, aux Seychelles, à deux ans de l’élection présidentielle, l’opposition réclame déjà la démission du président, Danny Faure. N’est-ce pas prématuré ?
Notre parti, Linyon Demokratik Seselwa, a démarré une série d’initiatives avec une grande manifestation en novembre. Nous avons présenté une motion au Parlement cette semaine pour exprimer notre déception vis-à-vis du fonctionnement de l’exécutif. Le président doit faire la chose la plus honorable, soit démissionner et organiser les élections présidentielles. Nous notons une détérioration dans le pays. On reproche au président son manque de leadership et ses difficultés à prendre des décisions courageuses.

Quand il n’y a pas de décision, il y a un laxisme latent dans la fonction publique. Les ministres manquent de vision et, à chaque question parlementaire, ils sont à court de réponses. La police ne fonctionne pas non plus comme il le faut. Le résultat: les fléaux tels que la drogue gagnent du terrain. L’opposition détient déjà une majorité à l’Assemblée nationale. Nous espérons ainsi que pour la première fois depuis l’Indépendance, nous aurons l’alternance car le Parti Lepep a toujours été au pouvoir.

D’autre part, l’accord entre l’Inde et les Seychelles sur une éventuelle base militaire sur l’île d’Assomption a fuité. Ce projet est-il déjà abandonné ?
Aux Seychelles, on a déjà fait comprendre qu’on ne souhaite pas l’installation d’une base étrangère sur l’île d’Assomption. Nous sommes cependant en faveur que le pays mette en place des facilités militaires pour notre garde-côte national. Mais nous ne souhaitons aucune facilite étrangère sur notre territoire. Même si l’accord a été signé, la procédure veut que celui-ci soit ratifié par l’Assemblée nationale. Nous avons déjà dit que nous ne voterons pas. Comme l’opposition détient une majorité, cela ne passera pas.

Entre-temps, beaucoup de Mauriciens se demandent ce qui se trame à Agalega…
Je ne veux pas commenter les affaires internes de Maurice, mais j’ai suivi les protestations. Une situation comparable à celle aux Seychelles avant que les détails de l’accord ne soient rendus publics. Mais dès que l’accord a fuité, les réactions ont été encore plus vives. Personne ne sait ce que contient l’accord entre l’Inde et Maurice concernant Agalega. Donc, il faudra attendre.

L’intérêt de l’Inde et des autres puissances pour la région est compréhensible. Le choix des Indiens pour l’île d’Assomption

est déterminé par le fait qu’elle se trouve proche du canal de Mozambique. La position d’Agalega est également à ce titre fort intéressant. Cependant, nous devons nous assurer que notre souveraineté soit scrupuleusement respectée et que l’intérêt national passe avant l’intérêt militaire et personnel des pays étrangers.