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Judicial and Legal Provisions Bill: la toute-puissance de l’Attorney General inquiète
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Judicial and Legal Provisions Bill: la toute-puissance de l’Attorney General inquiète
Ce projet de loi intervient deux ans après le très contesté Prosecution Commission Bill. Et force est de constater que le Judicial and Legal Provisions (No. 2) Bill ne fait pas l’unanimité. Celui-ci, présenté hier, mardi 23 octobre, en première lecture au Parlement, donne à l’Attorney General des pouvoirs accrus.
Ce n’est pas tout. Le Code pénal sera aussi amendé afin que le conseiller juridique du gouvernement puisse se rendre à l’étranger pour recueillir des preuves et témoignages de ceux impliqués dans une affaire en suspens devant la justice mauricienne. De nouvelles prérogatives, concernant les affaires commerciales et civiles, qui font tiquer. Plusieurs membres du barreau s’inquiètent de possibles cas de conflits d’intérêts. Et d’une atteinte à la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire.
Dans le milieu du judiciaire, l’on dit ne pas comprendre les amendements au Criminal Code. Surtout que la loi prévoit déjà la marche à suivre quand un témoin ne peut se déplacer à Maurice. Le secrétaire du Bar Council, Yahia Nazroo, affirme ne pas comprendre le pourquoi ni le comment de cette décision et appelle le gouvernement à éclairer la profession légale.
Le Senior Lecturer Rajen Narsinghen de renchérir que la question de conflit d’intérêts se pose, surtout s’il s’agit d’un procès intenté par ou contre l’État. Il explique que la loi prévoit qu’une commission rogatoire, menée par un représentant du Master and Registrar, se rende dans le pays en question pour le témoignage dans des affaires criminelles.
«Si le gouvernement veut étendre cette disposition pour les affaires au civil et commerciales, pourquoi l’Attorney General doit-il s’arroger ce droit ?» se demande-t-il.
Contrairement à l’Attorney General qui est membre de l’exécutif, le Master and Registrar a toujours disposé de compétences requises dans ces missions délicates. Le Master and Registrar a été, jusqu’à présent, au-dessus des soupçons de manipulation. Au dire de Rajen Narsinghen, il faudrait une autorité indépendante.
Du côté du gouvernement, le bureau de l’Attorney General est peu loquace sur les raisons de ces amendements. Et c’est précisément ce manque d’information qui inquiète Me Yousuf Mohamed. «Cherche-t-on à avoir la peau de Dawood Rawat ?» s’interroge le Senior Counsel. Son client, l’ancien Chairman Emeritus du groupe BAI, se trouve en France depuis 2015.
Se disant choqué devant ces nouvelles dérogations, Me Yousuf Mohamed estime que cette décision sera difficile à traduire dans la réalité. Il évoque le risque que les éléments recueillis par l’Attorney General ne se résument qu’à du «hear-say evidence» en cour. Ce qui poserait un sérieux problème quant à l’admissibilité des preuves.
«La défense doit pouvoir contre-interroger le témoin en question, insiste Me Mohamed. «The Cross-examination is the principal means by which the reliability of a witness and the truth of his testimony are tested.» À l’exemple du procès Boskalis, où les protagonistes de la firme néerlandaise ont pu témoigner et être interrogés par vidéoconférence.
«Dans les milieux concernés, l’on évoque une atteinte à la démocratie.»
Certaines sources expriment aussi des craintes sur l’étendue de ces nouveaux pouvoirs. «Est-ce que ces amendements donneront aussi le pouvoir à l’Attorney General de fouiller dans les comptes des personnes concernées ?» D’autant que plusieurs hommes politiques et personnalités détiennent des comptes à l’étranger.
Dans les milieux concernés, l’on évoque une atteinte à la démocratie. L’Attorney General a, en effet, carte blanche pour révoquer les membres de la Law Reform Commission (LRC). Mais pas seulement. Sont aussi concernés les représentants de la Mauritius Bar Association, du Bar Council, de la Chambre des notaires, de la Law Society, de l’université de Maurice et deux membres de la Civil Society siégeant sur la LRC. Et cela, même s’il n’a pas été prouvé que ces derniers ont commis une faute (NdlR, mauvaise conduite, par exemple), ont été déclarés en état de faillite, ont négligé leur devoir, ou sont physiquement ou mentalement inaptes à travailler.
Ce «pouvoir absolu» inquiète Yatin Varma, ancien Attorney General. Il fait valoir qu’avec la nouvelle législation, le gouvernement pourra réduire le mandat des membres de la LRC de cinq à deux ans, avec effet rétroactif. Ce qui risque d’affecter le travail.
De son côté, le président du Bar Council regrette que le gouvernement, à travers le Judicial and Legal Provisions Bill, ait fait des changements cosmétiques et «piecemeal». Me Hervé Duval rappelle qu’il y avait consensus pour revoir toute la régulation de la profession légale. C’est dommage, selon lui. «Le gouvernement donne l’impression que sa priorité est de retirer l’Attorney General du Bar Council.» Et d’ajouter qu’«on devrait aussi aller vers plus d’indépendance et moins d’ingérence dans la structure du judiciaire.»
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