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Law and Order: une police parallèle aux Casernes

25 octobre 2018, 22:25

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Law and Order: une police parallèle aux Casernes

Elle s’appelle l’Anti-Robbery Squad (ARS) et commence à usurper les attributions d’autres unités de la police. En effet, aux Casernes centrales, la frustration est grandissante. Car comme son nom l’indique, cette équipe gérée par les inspecteurs Rajcoomar Seewoo et Manav Jeean surtout, est devenue une force supérieure.

Contrairement à ce qu’indique son nom, l’ARS ne traite pas uniquement des cas de vol. Rien que samedi dernier, sur ordre du Premier ministre, l’unité a procédé à l’arrestation de trente Bangladais en situation irrégulière dans le pays. Évinçant ainsi les officiers du Passport and Immigration Office (PIO), qui n’ont été mis au parfum que le lendemain. Qui sont les limiers qui composent l’ARS et quelles sont leurs attributions réelles ?

Dans les milieux concernés, l’on avance qu’il s’agit d’une unité de police qui opère island wide, son champ d’action étant «illimité», et qu’elle dispose de toutes les ressources nécessaires pour mener à bien les missions qui lui sont confiées. L’ARS est également liée à la Special Supporting Unit (SSU) qui est, elle, attachée à l’Operation Room des Casernes centrales et est composée d’une quarantaine de membres. Bien qu’elle soit placée, en théorie, sous le commandement du commissaire de police (CP), Mario Nobin, nos renseignements indiquent que les policiers, triés sur le volet, répondraient plutôt directement au Deputy Commissioner of Police (DCP), Krishna Jhugroo.

Au sein des Casernes centrales, les pouvoirs accordés à l’ARS sous la houlette de Krishna Jhugroo, qui bénéficie des faveurs de Pravind Jugnauth, ont contribué à créer un malaise entre les différents départements de la police. «C’est un véritable cafouillage. L’on se demande qui donne des ordres ici», confie un haut gradé.

Cette situation interpelle aussi au sein du gouvernement, où l’on s’interroge sur le rôle de cette unité spéciale. Il incombe également à l’ARS de récolter des éléments d’informations et de faire de la «Criminal Intelligence» pour assurer la sécurité intérieure. Elle vient ainsi concurrencer le National Security Service qui est également frustré de la création de cette unité.

Si le commissaire de police doit être avisé de toutes les opérations en cours et c’est lui qui devait transmettre les informations recueillies au bureau du Premier ministre, ce procédé ne serait pas souvent respecté. Krishna Jhugroo, qui a l’oreille attentive du Premier ministre, discuterait directement avec Pravind Jugnauth. «Ce qui pourrait poser un problème de transparence et d’accountability dans la force policière», soutient un assistant commissaire de police.

Isolé

Ce qui ne plairait pas à Mario Nobin qui se retrouve ainsi mis à l’écart. Il se serait retrouvé davantage isolé à son retour des États- Unis début octobre. Pendant son absence, c’est le DCP Krishna Jhugroo qui a assumé la suppléance aux fonctions de commissaire de police.

Entre-temps, l’ARS continue sur sa lancée. Interrogés, des officiers, qui y sont affectés, confirment la montée en puissance de l’unité. «Nou ti pe gagn bann patrol, renforci lekip, mais aster nou rol inn changé», explique l’un d’eux.

Et d’ajouter qu’ils ont aussi pour mission de glaner un maximum d’informations pour les retransmettre aux Headquarters. «Nous devons nous fondre dans la masse et agir en mode incognito. Nous sommes aussi le NSS», ajoute un autre officier.


Arrestations par l’Anti-Robbery Squad

Janvier 2018 : Les limiers de l’Anti-Robbery Squad (ARS) Northern procèdent à la saisie des armes non autorisées à Maurice. Une centaine de tasers sont retrouvés. Dans le sillage de cette affaire, trois personnes sont arrêtées. Il s’agit de Mohamed Subadur, 20 ans, un habitant de Belvédère ; Yasin Choomka, un résident de Vale âgé de 18 ans ; et Eshan Mohamed de Belvédère. Les tasers saisis ont été retrouvés dans une voiture que conduisait le suspect Yasin Choomka. Sa maison a également été perquisitionnée et d’autres armes y ont été découvertes.

Février 2018 : L’Anti-Robbery Squad de la Special Supporting Unit (SSU) en collaboration avec la CID de Port Louis Nord débarque dans le complexe de la NHDC à Mapou dans le cadre d’un réseau de faux permis de conduire. Deux habitants de la région ainsi que deux de Poudre-d’Or sont appréhendés.

Mars 2018 : Eddyssen Pachee décède sur fond de brutalités policières après une nuit à l’hôpital SSRN à Pamplemousses. Le samedi 24 mars, les limiers de l’ARS Northern l’ont coffré à Rivère-du-Rempart. Fiché à la police, l’habitant de Goodlands âgé de 39 ans avait en sa possession tout un attirail pour la préparation de drogue. D’ailleurs, il préparait de la drogue synthétique lorsqu’il a été surpris par les officiers. Il a alors avalé plusieurs doses afin de dissimuler les preuves.

Les limiers de l’Anti-Robbery Squad ont aussi fait des arrestations dans des cas de vol, vol avec violence, cambriolage, meurtre ou escroquerie entre autres. Le 13 octobre 2018, Louis Steward David Nicolas, plus connu comme Don Panik, est arrêté pour vol avec violence. Le Quatrebornais de 36 ans aurait menacé une femme de 46 ans au View Point de Sept Cascades, Henrietta, avec un couteau. Cela, avant de la délester de son sac à main qui contenait son cellulaire et une somme de Rs 1 200 le 22 septembre.

Le 15 octobre, les officiers de l’Anti-Robbery Squad SSU procèdent à l’arrestation de Christopher Perrine, un habitant de La-Tour-Koenig âgé de 33 ans. Il aurait commis un vol avec violence sur la fille de la Deputy Commissioner of Prisons Guneeta Aubeeluck, qui était chez elle à Roches-Brunes.

 

Voitures neuves ?

<p style="text-align: justify;">L&rsquo;unité dispose d&rsquo;une flotte de sept voitures, dont des véhicules tout-terrain pour sillonner le pays. Toutefois, aux Casernes, on indique que ces limiers disposeraient des<em> &laquo;meilleurs outils&raquo;</em> pour effectuer leurs missions. Et bénéficieraient notamment de bolides neufs. Ce que réfutent les membres de l&rsquo;<em>Anti-Robbery Squad</em>. <em>&laquo;Il est faux de dire que nous avons des voitures flambant neuves et ultra sophistiquées pour nos opérations. Nous sommes aussi traités comme les limiers des autres unités&raquo;,</em> affirment-ils.</p>


Nobin dans une situation Compliquée

Le commissaire de police, Mario Nobin, voit une nouvelle fois son autorité et ses prérogatives remises en question. Dans son entourage, l’on n’avait pas apprécié que la Task Force sur la drogue ait été placée sous la responsabilité du directeur général de l’Independent Commission against Commission (ICAC) Navin Beekarry.

«Le commissaire de police, qui occupe un poste constitutionnel, se retrouve ainsi à prendre des ordres d’un nominé politique. C’est lui d’ailleurs qui se rend au siège de l’ICAC pour les réunions de la Task Force», note une source aux Casernes centrales. Par ailleurs, dans le cadre de ces investigations post-rapport Lam Shang Leen, des enquêteurs ont fait remarquer qu’ils ont perdu beaucoup de temps en raison de la lenteur de cette Task Force.

Le commissaire de police doit consulter le ministre mentor et le Premier ministre.

Mario Nobin se retrouverait dans une situation compliquée après le partage des responsabilités entre les Affaires intérieures et la Défense.

Depuis qu’il a accédé au poste de Premier ministre en janvier 2017, Pravind Jugnauth a gardé le portefeuille de l’Intérieur, alors que sir Anerood Jugnauth a le dossier de la Défense. De ce fait, le n°1 de la police se doit de consulter deux personnes. Même si cela ne posait pas problème sur le plan constitutionnel, dans la pratique, la situation ne serait pas de tout repos pour le commissaire de police.


Anciennement les Rottweilers…

<p style="text-align: justify;">L&rsquo;Anti-Robbery Squad (ARS) est née à partir de la création de l&rsquo;équipe <em>&laquo;mobile patrol&raquo; </em>de la <em>Special Supporting Unit</em> (SSU) en janvier 2015. Les éléments qui y étaient affectés au nombre de douze se sont fait appeler les Rottweilers. Ils circulaient sur des motocyclettes qui étaient mises à leur disposition. En novembre 2017, cette équipe a été structurée avec l&rsquo;arrivée des inspecteurs Rajcoomar Seewoo et Manav Jeean. En janvier de cette année, le commissaire de police Nobin devait créer l&rsquo;ARS de la SSU. Un officier explique que cette équipe a pour tâche d&rsquo;épauler la <em>Criminal Investigation Division</em> (CID), tout comme la Major Crime Investigation Team, basée aux Casernes centrales, qui apporte son concours dans tous les cas d&rsquo;assassinat à travers toutes les divisions de police. À partir de la création de l&rsquo;ARS de la SSU en janvier, toutes les divisions de police ont mis en place leur ARS. Leur tâche <em>&laquo;officielle&raquo;</em> consiste à soulager la CID du poids de leur travail, à courir derrière des suspects impliqués dans divers délits. Des éléments de la CID pourraient ainsi se concentrer sur leurs enquêtes.</p>

<p style="text-align: justify;">Quant à l&rsquo;ARS de la SSU, elle dispose également des policiers qui s&rsquo;occupent de l&rsquo;&laquo;Intelligence&raquo; pour aider grandement à élucider des cas qui traînent, voire des suspects qui sont en cavale depuis de longs mois. Le DCP Jhugroo qui est proche de l&rsquo;Hôtel du gouvernement aurait sollicité certains membres de cette équipe pour faire un travail parallèle au<em> National Security Service</em>. Aux Casernes centrales lorsque des personnes impliquées dans des <em>&laquo;high profile cases&raquo;</em> sont convoquées au <em>Central Criminal Investigation Department</em>, la présence de ces officiers ne passe pas inaperçue.</p>


«Même sous Raddhoa, on ne faisait pas notre loi»

Bien avant la création de l’Anti-Robbery Squad, une autre unité de la police donnait l’impression d’opérer en électron libre. Il s’agit de la Major Crime Investigation Team (MCIT) dirigée par feu Prem Raddho. À l’époque, la perception était telle que ce département fonctionnait en toute indépendance et n’était redevable à personne. D’ailleurs, les méthodes employées par ses enquêteurs étaient souvent décriées et ceux qui y officiaient étaient accusés de «faire la loi».

Des années plus tard, d’anciens membres de cette unité reviennent sur le fonctionnement sous l’ère de feu Prem Raddhoa. Non, elle n’était pas une police parallèle, soutiennent-ils. «Même sous Raddhoa, on ne faisait pas notre loi», disent-ils en substance.

D’abord, on fait ressortir que le MCIT n’a pas l’autorité de choisir les «high profile cases» qu’il va traiter. «C’est le commissaire de police qui demande au CCID de confier des affaires à la MCIT», souligne-t-on. Des anciens collègues de Prem Raddhoa s’accordent à dire que «c’est peut-être sa personnalité qui occasionnait cette perception». Or, «il a toujours tenu le commissaire de police, son adjoint et l’assistant commissaire de police informés des affaires qui sont en cours», indique- t-on.

«La police est trop renfermée, comme des francsmaçons. L’ancien patron de la MCIT avait recours à la liberté d’expression. Il n’était pas un hors-la-loi au sein de la force policière, mais sa forte personnalité faisait de l’ombre à plusieurs. C’est ce qui faisait croire qu’il agissait en toute indépendance», dit-on.

Selon ses ex-collègues, feu Prem Raddhoa était la «force motrice» de la MCIT. «Il n’hésitait pas à rester avec ses hommes à des heures tardives. Il était toujours disponible.»