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110 kg de drogue: qui sont les commanditaires ?
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110 kg de drogue: qui sont les commanditaires ?
Tous les indices poussent à croire que les trois personnes arrêtées par l’Anti Drug Smugglig Unit (ADSU) ne sont que des intermédiaires qui travaillent pour de grosses pointures – qui ne sont guère inquiétées par la police. Encore une fois la brigade antidrogue confirme son incapacité à crever le plafond de verre. Récit.
Le gouvernement et l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) se targuent d’avoir enregistré une hausse du nombre de saisies de drogue depuis qu’il est au pouvoir. Pourtant, à ce jour, les commanditaires des deux plus grosses saisies de drogue dans le pays demeurent inconnus. La saisie des 110 kilos d’héroïne de la semaine écoulée est un coup de massue porté vraisemblablement à un vaste réseau, certes, mais lequel ? Outre les trois arrestations, qui sont les autres protagonistes de cette organisation ? Combien d’autres réseaux de ce type existe-t-il ? Autant de questions qui méritent d’être posées mais qui demeurent sans réponse.
Pour la saisie effectuée au Coin-de-Mire, l’hypothèse que l’une des trois personnes arrêtées soit le commanditaire est possible, mais ne tenant pas la route. Ceux au courant du dossier s’accordent à dire qu’ils sont en fait des associés ou de simple «mules.» La raison ? Pour être en possession du montant de l’achat en gros, qui est évalué à environ Rs 100 millions, les trois personnes auraient eu à emprunter ce montant. Est-ce crédible que ces trois hommes, l’un planteur, l’autre pêcheur et le troisième skippeur, aient pu chacun garder environ Rs 30/35 millions en liquide, chez eux, compte tenu de leur condition modeste ? D’autant plus qu’avec les lois anti-blanchiment actuelles, les banques sont tenues de rapporter à la Financial Intelligence Unit toutes les transactions suspectes, notamment dans les cas où il ne semble pas y avoir adéquation entre les versements et l’épargne de quelqu’un et sa principale source de revenus, connue ou déclarée.
Finalement, admettant que tous les trois aient emprunté cette somme, il aurait fallu d’abord indiquer l’objectif pour contracter l’emprunt. Une banque ne remet pas des dizaines de millions à des clients ordinaires, sans garantie aucune. Il en est de même pour un système de Hawallah.
En tout état de cause, si le financement d’un achat de drogue requiert deux ans pour être rentabilisé jusqu’au dernier gramme, chaque tranche d’emprunt de, disons Rs 10 millions, représente un remboursement mensuel de Rs 461 449 avec, admettons, 10 % d’intérêt et à condition que les garanties soient adéquates. Une hypothèse qui paraît absurde et totalement improbable pour la situation connue des trois personnes arrêtées.
Des téléphones satellites saisis
«Mem mwa, prémié minis, mo pa servi téléfon-satélit.» Propos de Pravind Jugnauth, mercredi, lors de l’inauguration d’un Village Hall à Grand-Bois. Il commentait la deuxième plus grosse saisie du pays. En effet, quatre appareils de communication de «haute technologie» ont été saisis avec les 110 kilos d’héroïne dont des téléphones-satellites. Contrairement à un téléphone mobile classique, le réseau de téléphonie par satellite est étendu globalement y compris dans les régions qui sont dépourvues d’antenne-relais. Dans le monde, il existe quatre opérateurs de téléphonie satellitaire. La tarification dépend de plusieurs facteurs et le prix des communications peut s’élever jusqu’à environ Rs 100 la minute. L’appareil coûte entre Rs 30 000 et Rs 50 000.
Profil d’un capitaine, d’un pêcheur et d’un skipper
Oomar Karrimbaccus, capitaine de l’équipe
Ce planteur de Camp-de-Masque-Pavé, connu comme Tirania, a toujours eu les mains «trempées», selon ceux qui l’ont connu. Cet ancien habitant de la rue La Paix, Plaine-Verte, est surtout connu pour sa grande gueule et son sale caractère – il serait le capitaine de l’équipe arrêtée. La police le soupçonne d’être le contact de Peroomal Veeren. À Riche Road, Camp-de-Masque-Pavé, où habitent les Karrimbaccus, il semblerait que Tirania a délaissé quelques-unes de ses habitudes, car à Plaine Verte, il était l’un des gros distributeurs de la région. Issu d’un milieu de trafiquants, Tirania a beaucoup fait parler de lui du temps où il habitait Port-Louis. «Lontan kan tane nom Tirania, sa fer peur. Personne pa ti pe rod gagn zafer avec zot», explique un habitant de Port-Louis.
À Riche Road, les proches de Tirania nous ont fait comprendre qu’ils ne souhaitent pas évoquer le parcours de ce dernier. Cependant, dans la région, les langues se délient. S’il est connu pour être un trafiquant, il ne peut pas être le cerveau de cette opération. Cependant, la police soupçonne que de la prison, il a pu être recruté par un consortium de prisonniers pour s’adonner au trafic de drogue. Selon son entourage, il a dû agir sous les directives d’un autre. «Linn bizin recevoir largent pou fer sa. Li pena cas pu investi coumsa li. Li pa kapav latet li !»
En 2002, il est arrêté en compagnie de son épouse, à Pailles, avec 19 g d’héroïne. Une somme de Rs 73 000 avait aussi été retrouvée sur eux. Tirania est condamné à six ans de prison. Les proches de son épouse sont aussi mêlés au trafic de drogue. L’un d’entre eux purge actuellement une peine d’emprisonnement de 24 ans. Ils auraient été arrêtés par les hommes d’Hector Tuyau et condamnés par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen.
Fabrice Hemsley Jean Pierre, pêcheur sournois
Il serait un ami proche de Jean Michel Julbert Rosette. Ce pêcheur de Baie-du-Cap, qui habite la maison de ses proches, est père de trois enfants. Dans sa localité, il est connu pour être un homme sans histoire sauf un ou deux démêlés avec la police pour des délits de drogue. Il a déjà purgé deux peines d’emprisonnement de trois ans pour Drug Dealings and Possession of cannabis for the purpose of distribution. Issu d’une famille modeste, «Pampam» fait de son mieux pour pouvoir joindre les deux bouts, selon son entourage. A-t-il été séduit par de l’argent ; ceux qui l’ont côtoyé répondent par l’affirmative. Cet homme de 35 ans est connu pour être quelqu’un de «cool, tranquille ek kinn fine toujours ena respect pou dimoun», souligne un voisin. Les habitants de Baie-du-Cap ont eu un choc en apprenant son arrestation. Dans le milieu des enquêteurs, on le soupçonne d’être un proche des Chowrimootoo de résidence Kennedy.
Jean Michel Julbert Rosette, skipper à problèmes
Ce skipper de 33 ans, connu comme Bébert, est issu d’une famille à problèmes. L’un de ses frères est en prison pour le meurtre de Steve Hovas. Sa mère, après le décès de leur père, s’est évertuée à ramener ses enfants sur le droit chemin.
En 2009, l’habitant de l’avenue Turner est arrêté pour Possession of cannabis. Mais ses proches le défendent et soutiennent qu’il a été injustement mêlé à cette affaire. «Li pa ene dimoune ki ena la main sale li. Li travail pou li reusi manger. Sinon so fami pa ti pu lager pou li.»
Mystère sur l’identité du propriétaire du hors-bord
L’identité du propriétaire du «hors-bord» n’est pas encore connue. Tout ce que l’on sait, c’est que le bateau appartenait à un habitant de Péreybère qui l’aurait vendu. Les enquêteurs font de leur mieux pour connaître le nom de l’acquéreur.
Plus que la mer, c’est la prison qui relie les trois hommes
Comment se sont-ils connus? L’un habite à Baie-du-Cap, le deuxième à Trou-d’Eau-Douce alors que le troisième est un habitant de Camp-deMasque-Pavé. Les trois ont cependant la mer en commun. Fabrice Hemsley Jean Pierre est un pêcheur de Baie-du-Cap, Jean Michel Julbert Rosette travaille comme skipper et Oomar Karrimbaccus, alias Tirania, qui travaillait autrefois comme poissonnier, est maintenant planteur. Selon les informations recueillies, c’est Tirania qui aurait approché le skipper Jean Michel Julbert Rosette.
Si dans le cas de Jean Pierre et de Rosette, leurs voisins sont sous le choc, quoique les deux soient connus des services de la police, ce n’est pas le cas pour Karrimbaccus. Ce dernier a fait parler de lui lors de son interrogatoire pour la Commission de drogue en 2017. Il a tenté de faire le malin devant l’exjuge Paul Lam Sham Leen lorsque ce dernier lui a demandé son numéro de téléphone et qu’il a répondu qu’il ne le savait pas. Il avait été appelé devant la commission après des informations selon lesquelles il a passé des appels à un détenu en 2015-2016. Il devait aussi souligner qu’il ne sait ni lire ni écrire et qu’il suit un traitement à l’hôpital psychiatrique.
Il a été arrêté en 2002 par l’ASP Hector Tuyau et il a été trouvé coupable pour possession et distribution de drogue, en 2004. Cette arrestation lui a valu un séjour de six ans à la prison de Beau-Bassin.
Opération en mer
L’Intelligence Cell de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) était en présence d’informations sur l’arrivée d’une grosse cargaison de drogue par voie maritime. Depuis lundi soir il y a eu une grosse mobilisation de l’ADSU avec l’aide de la National Coast Guard et d’autres unités spécialisées de la police. Plusieurs points de l’île ont été quadrillés. Le «hors-bord» qui aurait connu une panne de moteur a été intercepté au large du Coin-de-Mire. Les trois individus à bord auraient auparavant pris livraison de cette drogue en haute mer. Mais l’ADSU ne sait pas où le bateau se dirigeait, s’il s’est arrêté à Maurice ou pas…
Hit-parade des saisies de drogue
<p style="text-align: justify;"><b>Mars 2017</b>: Saisie de 155 kg d’héroïne dans le port estimés à Rs 2,4 millards. Navind Kistnah issu de milieu modeste, Tomas Sidi, un directeur de compagnie, âgé de 39 ans, Geanchand Dewdanee, 57 ans, et Shahebzada Azaree, patron de Gloria Fast Food, âgé de 44 ans sont parmi les suspects arrêtés.</p>
<p style="text-align: justify;"><b>Mai 2017</b>: 10,5 kilos d’héroïne, d’une valeur marchande de Rs 157,5 millions, saisis dans un appartement à Trou-aux-Biches. Trois personnes sont arrêtées : Anthony Steeves Sam, dit Tony, un marchand ambulant de 54 ans, Pajany Andy Warren Mootoosamy, un chômeur de 29 ans, et Veemaldev Gobin, un laveur de voitures de 31 ans</p>
<p style="text-align: justify;"><b>Juin 2017</b>: De l’héroïne estimée à Rs 18,9 M saisie dans les toilettes de l’aéroport. Le constable Moonsamy Govindasamy Basana-Reddi, 40 ans, du Passport & Immigration Office est arrêté dans cette affaire. Lors de son interrogatoire il incrimine Shahebzada Azaree comme étant celui qui aurait donné des instructions pour récupérer la drogue.</p>
<p style="text-align: justify;"><b>Octobre 2016</b>: Arvind Hurreechurn est arrêté à l’aéroport de Plaisance alors qu’il revenait de Madagascar. Un colis contenant deux kilos d’héroïne, estimés à Rs 35 millions, a été découvert dans le double-fond de sa valise. Il sera mystérieusement retrouvé mort dans sa cellule policière, quelques jours plus tard...</p>
<p style="text-align: justify;"><b>Juillet 2012</b>: Une escouade de l’ADSU de Plaine-Verte procède à la saisie de sept kilos d’héroïne estimés à Rs 105 millions. Les sept kilos d’héroïne placés dans deux sacs ont été retrouvés dans une armoire d’un bungalow situé à l’impasse Jolicoeur, Péreybère, et loué au nom d’un chauffeur de taxi, Seewoosing Dayal, alias Ashish. Parmi les protagonistes impliqués, figurent Dereck Jean-Jacques, dit Gro Derek, Westley Bruno Casimir un skipper, Hayeshan Maudarbaccus ex-steward, du Mauritius Trochetia, Jean Jimmy Alexis alias Colosso.</p>
<p style="text-align: justify;"><b>Note : L’ADSU n’a pu remonter la filière jusqu’aux commanditaires de ces affaires, encore moins a-t-elle pu identifier les mouvements de fonds.</b></p>
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