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L’incohérence du futur accord Etat-Pravind
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L’incohérence du futur accord Etat-Pravind
Le PM réclame Rs 100 M à l’État pour «arrestation et détention arbitraires» dans l’affaire MITD. Le bureau de l’Attorney General formule ces jours-ci une proposition «à l’amiable» à Pravind Jugnauth. Or, selon la documentation que nous avons consultée, l’État s’était, avant cela, engagé à soumettre une défense. La proposition est donc incohérente.
À combien s’élève la proposition de l’État ? Nous avons posé la question dans un e-mail officiel adressé au bureau de l’Attorney General, hier, à travers l’attachée de presse de Maneesh Gobin. Faute d’une réponse précise, nous avons aussi approché l’avouée de Pravind Jugnauth. «Dans un souci de transparence, allez-vous révéler le montant que l’État propose à votre client ?», lui a-t-on demandé. Ammanah Saya Ragavoodoo nous a fourni une étonnante réponse (voir plus loin). Ce qui est sûr, c’est que celle-ci, devra, jeudi prochain, dire en cour si son client est d’accord avec la proposition «secrète» de l’État. L’affaire sera alors classée.
Entre-temps, l’express s’est procuré une copie de tout le dossier. Celui-ci démontre que la proposition «à l’amiable» est complètement incohérente avec la posture que l’État a adoptée durant plus de quatre ans. Durant cette période, l’affaire a été appelée devant le Master and Registrar de la Cour suprême à environ 15 reprises. A au moins dix reprises, l’avoué de l’État a demandé un renvoi pour «file a plea». Dans le jargon judiciaire, un «plea» c’est tout simplement une défense. L’État s’était donc engagé à se défendre, avant de se rétracter sans aucune raison apparente le mois dernier.
«Avez-vous été arrêté ?»
Ce n’est pas le seul fait qui démontre l’incohérence de la proposition d’accord. L’État avait même demandé des «particulars» le 18 mars 2015, puis des «further and better particulars» le 27 janvier 2016. Des «particulars», ce sont des questions que pose la partie adverse au plaignant pour avoir plus de détails sur l’objet d’une plainte. «On ne demande pas de particulars dans des affaires où on va chercher un accord à l’amiable», explique un avocat. «On les demande pour essayer de trouver des failles dans les faits ou leurs interprétations pour généralement contester une plainte.» Une des questions que posait l’État à Pravind Jugnauth était : «Avez-vous été arrêté ?»
La demande de « Particulars » par l’Etat, le 18 mars 2015 by L'express Maurice on Scribd
Question qui peut sembler toute bête, mais c’est le centre même de la plainte de Pravind Jugnauth. Le Premier ministre dit avoir été arrêté et détenu arbitrairement, d’où sa plainte. Or toute arrestation doit être techniquement suivie d’une inculpation provisoire devant un magistrat. Ce n’était pas le cas pour Pravind Jugnauth. En posant la question «avez-vous été arrêté», l’État semblait vouloir contester le fondement même de la plainte. Pravind Jugnauth a répondu en maintenant qu’il a été arrêté.
Autres questions posées par l’avoué de l’État : «Comment arrivezvous à la somme de Rs 100 millions ? Pouvez-vous nous donner des détails ? Pouvez-vous nous prouver avec des documents que le préjudice allégué est de Rs 100 millions ?» Réponse du Premier ministre : «La cour tranchera, et je n’ai pas de preuves documentées pour le moment.»
La réponse de Pravind Jugnauth à la demande de « Particulars » le 15 septembre 2015 by L'express Maurice on Scribd
Au final, la cour n’a pas eu à trancher. Le bureau que dirige Maneesh Gobin est en train de formuler une proposition à Pravind Jugnauth.
L’avouée Ragavoodoo : «Il n’a jamais été question de proposition d’accord»
Elle dément tous les journalistes qui étaient en cour le 30 octobre. «Faites attention à ce que vous écrivez. Il n’a jamais été question de proposition d’accord», nous a déclaré Ammanah Saya Ragavoodoo, l’avouée de Pravind Jugnauth hier. «Il y a juste eu une demande de renvoi et je ne m’y suis pas opposée. On n’a jamais parlé d’accord ou de disposal.» (NdlR : mot technique qui dans le jargon judiciaire veut dire «classer l’affaire) Or, nos confrères du Mauricien ont été les premiers à rapporter, le 31 octobre, que l’État a déclaré en cour qu’il prépare une proposition d’accord à l’amiable à Pravind Jugnauth. Le Défi et l’express ont aussi rapporté l’existence d’une proposition d’accord peu après.
En démentant ce fait, Ammanah Saya Ragavoodoo est aussi en train de démentir les Court Records rédigés par S.Bhowon au nom du Master and Registrar. Selon ce document (ci dessus) envoyé à toutes les parties concernées par la plainte, Ammanah Saya Ragavoodoo dit être «au courant de la proposition» et c’est elle qui demande même un renvoi pour «disposal».
Nous lui avons envoyé le document par WhatsApp pour lui demander si elle maintient sa version. «Oui je la maintiens», a-t-elle répondu.
Il faut noter que le document que nous produisons n’est pas signé. Deux avocats nous ont expliqué que les Court Records ne sont généralement pas signés, mais ils sont néanmoins officiels. Un avoué de son côté, explique qu’il peut s’agir d’une «advanced copy» remise aux parties concernées. «Si vous dites que les propos ont été tenus devant la cour, les journalistes présents ont entendu la même chose que ce qui est écrit dans cette «advanced copy», et qu’il y avait même des co-défendeurs, ce serait étonnant que la version finale change. Il faudrait une vilaine et grossière machination. Ce qui est impossible »
Casse-tête procédural pour éviter tout conflit d’intérêts
<p style="text-align: justify;">Partant du principe que chaque roupie qui sort des caisses de l’État doit être budgétée, le gouvernement fait face à un casse-tête procédural pour décaisser une quelconque somme en faveur de Pravind Jugnauth dans cette affaire. Dans un e-mail envoyé au secrétaire financier hier, nous lui avons demandé si la somme en question a été budgétée, ou si elle allait faire partie du prochain Supplementary Appropriation Bill. L’attaché de presse du ministère des Finances n’a pas répondu à nos questions et nous a fait parvenir cette déclaration : <em>«The case is before Court. The Ministry of Finance and Economic Development is not in a position to comment on a matter which is subjudice.»</em></p>
<p style="text-align: justify;">Il y a aussi la question du Conseil des ministres, que constitue et préside Pravind Jugnauth lui-même. Le cabinet doit – ça a été le cas dans le décaissement des Rs 15 millions à Raj Dayal – être informé. Dans l’e-mail que nous avons adressé à Maneesh Gobin, la question suivante lui a été posée : avant de formuler une proposition à Pravind Jugnauth, les administrative clearances du ministère des finances, du Prime Minister’s Office, et du Conseil des ministres ont-elles été obtenues ? La seule réponse qui nous est parvenue : <em>«The matter is before the open Court. We do not propose to make any public comment on the case outside the Court. The case will be mentioned before the Court on 29 Nov 2018 and our stand will be communicated to the Court.»</em></p>
<p style="text-align: justify;">Voici enfin les questions que nous avons adressées aux autorités concernées. D’abord celui au bureau de Maneesh Gobin :</p>
<p style="text-align: justify;"><em>1. The last time, the case had been called in front of the Master and Registrar (30th October 2018), defendant number 1’s (State) attorney, namely Mrs Eswaree Ramdass-Bundhun, advised that a proposal had been made to plaintiff. Would the AGO, in the name of transparency in the use of public funds and since the matter is not being heard in Chambers, communicate the sum proposed to the plaintiff and any other details of the proposal ?</em></p>
<p style="text-align: justify;"><em>2. Since the 28th of May 2015, the case has been called many times in front of the Master and Registrar i.e. 02 July 2015, 16 July 2015, 20 October 2015, 17 November 2015, 1 March 2016, 05 May 2016, 06 June 2017, 25 July 2017, 21 September 2017, 31 October 2017, 23 November 2017, 20 February 2018, 12 April 2018, 26 June 2018, 11 September 2018 and 30 October 2018. On at least 10 occasions, State’s attorney kept asking for postponement to file plea. At one point, State Attorney even claimed that some information was being sought to the Commissionner of Police and same hadn’t been received yet. In the name of transparency, may we know why the plea was never filed despite the commitment of State to do so ? What has changed between 11th September 2018, when the State was still committed to file a plea and the 30th October where we were informed of a proposal by the State to Plaintiff ?</em></p>
<p style="text-align: justify;"><em>3. Isn’t the proposal to plaintiff blatantly inconsistent with, not only the 4-year long commitment to file a plea, but also the demand of particulars by the State on 18th March 2015, and a demand for Further and Better Particulars on 27th January 2016 ? Please refer to question 17 of the Demand for Particulars where State asks “Was Plaintiff Arrested” where the State seems to think of challenging the very basis of the plaint with summons i.e. arrest. </em></p>
<p style="text-align: justify;"><em>4. Why is the State giving up on this case ?</em></p>
<p style="text-align: justify;"><em>5. On what judicial basis has this case been determined as one which may be settled and the reasons thereof. </em></p>
<p style="text-align: justify;"><em>6. As the Principal Legal Adviser of the State, does the AG think that the Prime minister, the head of the the executive arm of the State, can constitutionally sue the State and obtain compensation ?</em></p>
<p style="text-align: justify;"><em>7. Have the administrative clearances of (i) PMO, (ii) Cabinet, and (iii) Ministry of Finance been obtained for the proposal of the settlement ? </em></p>
<h4 style="text-align: justify;">Nous avons envoyé ces questions au Secrétaire Financier :</h4>
<p style="text-align: justify;"><em>1. Prior to State Attorney informing the court that a proposal for settlement has been made to the plaintiff in the plaint with summons of Hon PK Jugnauth v State of Mauritius & Ors (SCR 111193 - 1/753/14), has the sum involved been budgeted, and if so, under which line of the last budget?</em></p>
<p style="text-align: justify;"><em>2. If not, will the sum involved be subject to a supplementary appropriation examined and acted by parliament?</em></p>
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