Publicité

Sudesh Rughoobur: «Plusieurs fois, j’ai pensé à démissionner»

25 novembre 2018, 18:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Sudesh Rughoobur: «Plusieurs fois, j’ai pensé à démissionner»

Mais Sudesh Rughoobur ne l’a pas fait. Alors, à quoi joue le trublion de la majorité ? Joue-t-il tout court ? Et si «l’affaire» des filaos d’Anse-la-Raie était l’arbre qui cache la forêt ? Interview qui déboise.

On peut se parler cash ?
Karé karé, c’est comme ça que je fonctionne.

Quand je vous regarde je vois une hôtesse d’accueil à un congrès MMM…
(Éclat de rire) Une hôtesse d’accueil !?

Chemise mauve, cravate mauve, chevalière mauve, pas un peu too much ?
Avec moi il faut éviter de se fier aux apparences. Ce qui compte, c’est ce qui se passe à l’intérieur (un doigt sur la tempe). J’ai débuté en politique au MMM, j’ai dirigé l’aile jeune, j’ai… (on coupe).

Signé là-bas ?
(Silence)

Retour aux sources ?
Je n’y ai pas réfléchi.

C’est vrai ce mensonge ?
J’ai un parti, j’y suis fidèle, point à la ligne.

Les points et les lignes, on va s’en occuper si vous voulez bien.
Vous insinuez que je suis sur le départ, ce qui est faux.

Ce serait pourtant cohérent.
Ce serait surtout stupide.

Vous vous voyez «ticketable» au MSM ?
Si vous croyez que je me lève le matin en pensant aux prochaines élections ! Ce qui me préoccupe, c’est que le travail soit fait. À la fin du mandat, je veux pouvoir me regarder dans la glace et ne pas me sentir coupable d’avoir fait passer mes intérêts avant ceux de mes mandants. C’est à eux que je dois des comptes.

Le «leader», c’est l’électeur ?
D’une certaine manière, oui. Avec tout le respect que je dois à Pravind Jugnauth, si je dirigeais un parti, je me réjouirais de la proximité de mes députés avec leurs mandants.

Ce respect est-il réciproque ?
Je pense. La semaine dernière, j’ai eu une discussion avec Pravind Jugnauth, calmement. Sur «l’affaire Anse-la-Raie», il n’est pas d’accord avec moi. Mais il respecte mon point de vue.

On peine à croire que quelques filaos soient le véritable enjeu…
Ce n’est pas une histoire de filaos. C’est une conviction profonde, un combat.

Un combat contre quoi ?
Contre un modèle de développement. Le béton, ça suffit. Je ne veux pas que mon pays devienne une concrete jungle. Ça ne me fait pas rêver et ce n’est pas ce que l’on a «vendu» au peuple. Avant d’arriver au pouvoir, on parlait de développement soutenable. On s’est engagé à équilibrer développement économique, progrès social et préservation de l’environnement.

«Sur l’affaire Anse-la-Raie, Pravind Jugnauth n’est pas d’accord avec moi. Mais il respecte mon point de vue.»

En quoi couper 135 arbres scie-t-il cette vision ? Sachant que le projet prévoit d’en planter le triple.
J’ai une proposition : on commence par planter les 400 arbres annoncés et quand ils ont atteint la hauteur de ceux à abattre, alors on coupe. Là, je n’ai plus d’objection.

Vous êtes sérieux ?
Ça n’arrivera pas, je sais. Donc, gardons le site en l’état. Je ne vois pas ce qui justifie de «bypasser» la route côtière. Tant que l’on ne m’aura pas démontré par des arguments valables que cette bretelle est indispensable, je continuerai de penser qu’il ne faut toucher à rien, ni à la route, ni aux arbres.

Qui hypothèque un ticket pour des arbres ?
Je me fiche du ticket, je ne suis pas entré en politique pour ça. Ma priorité, ce sont les intérêts de mes mandants.

Vous vous souvenez pourquoi vous avez quitté le Parti travailliste ?
À cause d’un ticket qui n’est jamais venu.

La priorité n’est pas le ticket, donc…
Fer tensyon, à l’époque mon but était d’entrer au Parlement. Pour ça, il fallait passer par la case ticket. Le contexte aujourd’hui est différent, je suis déjà parlementaire.

Comment ça va avec Nando Bodha ?
On a des relations normales, cordiales.

En gros, froides mais polies…
Polies tout court. (Sur le ton de la confidence) Je vais vous dire honnêtement : Nando m’a déçu et blessé. Je n’ai pas aimé, mais vraiment pas, sa façon de me répondre au Parlement (Ndlr, le 9 novembre dernier au sujet du projet de bypass à Cap Malheureux). Je m’attendais à une réponse plus intelligente, et plus convaincante. Le pire, ça a été l’attitude de mes collègues du parti. Tou dimoun finn tap latab, je l’ai très mal vécu. Je me suis senti seul, terriblement seul. C’était un affront. Pas envers moi, mais envers ceux que je représente, les habitants de ma circonscription. Taper la table, c’est leur taper dessus. Ce mépris n’est pas tolérable.

Avec Ashit Gungah, votre colistier, ça se passe comment ?
On a des différences de style.

C’est-à-dire ?
Disons que nous n’avons pas la même façon de travailler. Moi, je privilégie l’approche d’équipe, le team work. Mo pa trouv li dan sa mindset la.

C’est pour cette raison que vous boudez ses fonctions ?
J’en ai raté quelques-unes, c’est vrai, mais pour des raisons professionnelles.

Vous n’avez rien de plus crédible comme excuse ?
C’est la vérité. Lui et moi sommes condamnés (sic) à travailler ensemble, autant que ça se passe du mieux possible. C’est vrai, nous avons eu des frictions récemment. Laissons ça derrière, j’aimerais qu’on avance. On va avoir du pain sur la planche, il faut retrouver confiance et sérénité.

Vous rêvez d’un ministère ? 
C’est le cadet de mes soucis.

Même le ministère des Filaos ?
(Rire sonore) Mon rôle de backbencher me va bien, je ne réclame rien.

Démissionner, vous y avez pensé ?
(Long silence) Honnêtement, oui. Pas qu’une fois.

La dernière, c’était quand ?
Kan tou dimoun finn tab latab. J’étais tellement déçu que j’ai quitté l’Assemblée nationale aussitôt la séance levée. Au volant, j’ai cogité, cogité... C’était dur, vraiment dur (ému).

Qu’est-ce qui vous retient au MSM ?
La démission est l’arme des faibles. Je suis un fighter, bizin kontinié lager (les poings serrés). Je crois dur comme fer qu’on peut changer le cours des choses, apporter sa pierre à l’édifice, aussi petite soit-elle.

Bruno Cohen, gravillon ou gros caillou ? (Ndlr, son ancien partenaire d’affaires l’accuse dans une plainte d’une lourde escroquerie)
(Mal à l’aise) J’aurais énormément à dire sur lui, ça me démange, mais… (il s’interrompt)

Mais…
Je préfère me taire.

Une langue si bien pendue subitement perdue…
Cette affaire n’est pas finie, vous comprendrez dans quelques jours.