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Colour for Change: Jolina Lemaitre prend le pari de transformer le visage de Roche-Bois
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Colour for Change: Jolina Lemaitre prend le pari de transformer le visage de Roche-Bois
Jolina Lemaitre est le porte-drapeau de la campagne Colour for Change de SOFAP à Roche-Bois. Son engagement : montrer que ce quartier n’est pas un repère de coupe-gorges, ni de drogués.
Et pourtant, scolairement parlant, Jolina Lemaitre, qui fêtera ses 16 ans le 31 décembre, a fait un faux départ. Sixième des huit enfants d’une famille modeste – son père travaille chez Lafarge et sa mère est cuisinière au couvent des Petites soeurs de la charité à Roche-Bois – elle a été scolarisée à l’école de la localité. Plutôt que de jeter le blâme sur son instituteur, l’adolescente préfère assumer seule le poids de son échec au Certificate of Primary Education. «Zis mwa sa. Mo pa ti kontan lir.» Pourquoi ? «Koumsamem», dit-elle en baissant les yeux. Derrière cette réponse se cache peut-être une vérité autre qu’elle préfère taire.
Bien qu’elle ait été encadrée par un de ses frères, qui est en Form V, elle peine à améliorer ses notes en anglais. Par contre, elle aime le français et les mathématiques. Après avoir refait la standard VI, Jolina jette l’éponge. Et pendant un an, elle «asiz dans lakaz, dormi, manzé.» Mais ces heures d’oisiveté finissent par lui être pesantes. Elle a envie de se faire de nouveaux amis et surtout de «ratrap bann zafer ki monn raté.» Sa grandmère croise Patricia Navette, une des animatrices du Mouvement pour le Progrès de Roche-Bois (MPRB). Quand l’animatrice apprend que Jolina se tourne les pouces depuis un an, elle conseille à la grand-mère de l’adolescente de l’envoyer au centre car on y donne plusieurs cours. Jolina se laisse convaincre.
Depuis 2015, elle se rend en semaine au siège du MPRB pour refaire ses bases éducatives avec miss Bianca et être exposée à d’autres formations avec huit autres enfants. Elle est la plus âgée alors que le plus jeune a 13 ans. Non, elle n’en fait pas un complexe. Cela fait d’elle l’assistante de la miss. D’ailleurs, cette dernière se plaint tant du fait que les enfants arrivent en cours les cheveux en bataille que Jolina a pris sur elle pour leur natter les cheveux chaque matin avant qu’ils ne rentrent en salle de cours.
Reprendre l’examen du PSAC en privé
Appelée à dire ce qu’elle a gagné au MPRB, la jeune fille réplique : «Monn aprann sculpture, monn amélior mo football. Monn initié à Computer studies. Enn madam inn vinn montré nou fer la kuisinn. Monn aprann artisana.» Mais encore ? «Fer bracelets ek lasenn fantési. » Autant elle n’appréciait pas l’anglais lorsqu’elle fréquentait l’école, autant là, elle apprécie cette langue étrangère et aime la lire. «Isi monn aprann boukou kitsoz. » Elle prévoit d’ailleurs l’an prochain de reprendre l’examen du Primary School Achievement Certificate en privé.
Le rêve de Jolina est d’être mécanicienne et d’avoir son propre garage. «Péna boukou madam ki fer sa travay-la. É mwa ak fwa mo lasenn bisiklet sapé, mwa ki remet li. Non, mo pa gaign per sali mo lamin». Elle fera un pas en direction de ce rêve l’an prochain lorsqu’elle entamera des cours de mécanique au collège St Gabriel.
C’est le 25 octobre que la Core Team de Color For Change, composé d’une quinzaine de membres travaillant sous la houlette de l’agence Together et comprenant entre autres Isabelle Philippe, coordonnatrice sur le terrain, Jean-Paul Mussodee, photographe et graphiste, débarquent à Roche-Bois pour impliquer les habitants de l’endroit dans le nettoyage et la peinture de leur quartier. Contrairement à l’accueil chaleureux reçu à la Cité Mangalkhan l’an dernier, cette fois, ils sont confrontés à l’indifférence des habitants. «Nous nous sommes retrouvés avec un parent dont l’enfant fréquente l’Atelier Moz’ar et son enfant. Je crois que les gens ont fait trop de promesses non tenues aux habitants de Roche-Bois. De ce fait, ils ne nous ont pas pris au sérieux», raconte Isabelle Philippe, qui précise que la Core Team a alors changé de quartier pour rejoindre le quartier Shell où les attendaient un groupe d’habitants motivés.
En se rendant au MPRB pour obtenir du soutien, les membres de la Core Team rencontrent les enfants fréquentant ce centre et leur demandent s’ils veulent peindre et nettoyer leur quartier. Jolina est la première à être partante. Jean-Paul Mussodee photographie les enfants, à la recherche d’un visage souriant et enthousiaste à apposer sur les billboards annonçant la campagne à Roche-Bois. Lorsqu’arrive le tour de Jolina, sa réserve naturelle fait qu’elle mette sa main devant son visage de façon très naturelle. En examinant les photographies pour trouver le visage qui incarnera Roche-Bois, le Creative director, de l’agence Together, Nicholas Bastien Sylva a un coup de coeur pour la photo de la jeune fille.
Lorsque l’équipe vient au centre lui annoncer que son visage figurera sur les billboards, Jolina est surprise. L’émotion l’étreint et elle en pleure même. Petit à petit, les habitants de Roche Bois se laissent apprivoiser et viennent prêter main forte à l’équipe de Colour for Change. Il y a même un échange organisé avec les habitants de la Cité Mangalkhan.
Jolina se laisse prendre au jeu. Si au début, elle a du mal à tenir le pinceau et déborde, elle finit par le maîtriser. Aujourd’hui, c’est elle qui corrige ceux qui débordent. Elle aime peindre les abribus car ce sont des lieux très fréquentés.
Elle qui manifeste déjà un caractère bien trempé, n’apprécie pas que les médisants disent d’elle que depuis que son visage est apparu sur les billboards, cela lui est monté à la tête. «Mo pa grand nwar mwa.» Elle rigole lorsqu’elle apprend que certaines personnes ne croient pas qu’elle soit du quartier et ont même pris un pari d’argent à ce propos. Et lorsqu’elle peint, si quelqu’un se permet de la critiquer, elle réplique : «Abé trap pinso- la oumem ek vinn fer li.» À ces mots : «Zot vir lédo zot alé.»
Si elle s’implique autant, ditelle, c’est parce qu’elle veut du changement dans son quartier. «Dan nou landrwa éna tro ladrog. Éna dimounn ki ladan é ki mo koné, mé mo pa inyor zot parski zot enn dimounn kouma mwa. Éna tro rimer ki sirkilé lor Roche-Bois. Éna dimounn ki gaign per vinn isi. Éna ladrog, oui, mais tout dimounn isi pa bann drogués. Nou nou koné ki nou été. Éna bon dimounn dans landrwa ki konn partazé. Mo dir bann zenes pas les zot infliansé. Montré vremem ki zanfan Roche-Bois éna so valeur é ki nou pou rési arivé.»
Créer une plateforme pour faire avancer le quartier
<p style="text-align: justify;">Le programme<em> Colour For Change </em>de SOFAP, qui a pour partenaire local la Cité Roche-Bois, c’est-à-dire, les habitants et les ONG alors que pour la Cité Mangalkhan l’an dernier, le partenaire local était le Collectif Trois Quartiers, ne prétend pas transformer, les quartiers sélectionnés avec quelques bacs de peinture. <em>«La peinture est un prétexte pour pénétrer un quartier, rassembler tout le monde sur une même plateforme pour l’avancement de ce quartier. Même s’ils ont été plus lents à venir à Roche-Bois, les gens se sont tout de même déplacés pour peindre. Nous avons noté que pas mal de gens qui ne se parlaient pas, ont commencé à le faire»</em>, raconte Isabelle Philippe. Un an après, que reste-t-il de <em>Colour for Change</em> à la Cité Mangalkhan ? <em>«Ce projet a généré un sens de responsabilité chez les habitants. Depuis un an, il n’y a pas un tag, une trace de pieds, une affiche apposée dans les endroits où les habitants de la Cité Mangalkhan et nous avons peints. Les murs sont restés propres. Les gens continuent à venir faire des selfies devant les murs peints.»</em> Isabelle Philippe ajoute que le projet est resté dans la tête de tout le monde.</p>
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