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La Réunion: les gilets jaunes durcissent le ton
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La Réunion: les gilets jaunes durcissent le ton
Tempête après une courte accalmie à l’île soeur. La fin du couvre-feu, dimanche matin, n’a pas empêché un durcissement de la mobilisation des «gilets jaunes», depuis hier. Au dixième jour de la crise sociale, ces derniers ont renforcé les barrages, avec plus d’une quarantaine, dont les deux plus gros à Gillot et au port, contre seulement une douzaine la veille.
À 24 heures du déplacement de la ministre des Outre-mer à La Réunion, le pire a été évité à l’une des deux axes d’entrée du pays, hier. Selon un confrère de Réunion 1ère, le préfet voulait, avec le renforcement des barrages, faire intervenir les forces de l’ordre au port. «Sauf que les dockers sont entrés en jeu et ont menacé de se joindre à la mobilisation. Ce qui aurait pu dégénérer car cela aurait été la fin des barrages filtrants existants qui permettent de circuler un peu. Donc, plus d’entrée des transports de carburant. Le préfet a capitulé», confie le confrère.
Comme nous le résume Bernard Idelson, professeur en Science de l’information et de la communication à l’université de a Réunion : «On a perpétuellement l’impression d’être en lendemain d’un cyclone.» D’un oeil d’universitaire mais aussi de citoyen, il observe que «ce mouvement social est inédit de par sa forme. Il est, donc, difficile de prédire un retour à la normale».
Ce, même s’il fait également ressortir qu’un changement considérable opère autour du mouvement. Cette mobilisation n’avait, jusqu’ici, pas de dirigeants, de porte-parole et de revendications précises. «Le mouvement commence à structurer des revendications précises. D’ailleurs, ce matin dans une commune pas loin de chez moi, un groupe de gilets jaunes m’a remis une liste de revendications», explique-t-il. Parmi les réclamations : réduction de la taxe d’outre-mer, le développement des transports en commun, une amélioration du pouvoir d’achat ou encore l’augmentation du salaire minimum… Plus tôt dans la journée, le comité des pêches s’est aussi joint au mouvement «gilets jaunes», avec une liste de revendications.
Pendant sa visite, la ministre devrait rencontrer les maires et les députés mais aussi descendre à la rencontre des gilets jaunes. Et c’est là que l’on retient son souffle. Déjà, une revendication de plus en plus persistante est que les rencontres d’Annick Girardin avec les différentes institutions soient diffusées en live.
«Beaucoup d’inégalités»
Selon le Professeur Bernard Idelson, si le mouvement ne sent pas l’implication à 100 % de la ministre, le mouvement pourrait redoubler. «La situation socio-économique de La Réunion est nuisible depuis des années. Le développement a porté ses fruits mais a aussi créé beaucoup d’inégalités, des laissés-pour-compte. N’ayant rien à perdre, ils sont prêts à tout. Quand la violence sociale que l’on subit est tellement forte, on est prêt à réagir avec la même violence», explique le Professeur Bernard Idelson. Pour l’universitaire, il faut s’intéresser à la raison de ce que certains perçoivent comme de la «délinquance».
Pendant ce temps, les écoles maternelles, élémentaires ainsi que les crèches à La Possession, à Saint-Joseph ainsi que dans les communes de la CIVIS (Saint-Pierre, Saint-Louis, Petite Ile, Les Avirons, Cilaos, Etang Salé), entre autres, restent fermées jusqu’à nouvel ordre. Fermeture aussi totale de l’université de La Réunion, mardi 26 et mercredi 27 novembre. Report des examens à la rentrée 2019… Le trafic aérien est aussi lourdement perturbé. Les reprogrammations sont légion chez Air Mauritius (MK) comme chez Air Austral. La compagnie aérienne nationale a dû revoir le déploiement de sa flotte et opère maintenant de plus gros avions et à moins de fréquences.
Somas Appavou, Chief Executive Officer de MK, s’inquiète de l’impact sur le transporteur national. «Le trafic habituel de vacanciers en provenance et à destination de la Réunion a été considérablement réduit. Le trafic à destination et en provenance de La Réunion via l’île Maurice a également été fortement affecté. En un mot, ce n’est pas une situation confortable pour MK car La Réunion est un contributeur substantiel de revenus.»
En temps normal, Air Mauritius opère, chaque jour, trois vols sur Roland-Garros et 2 vols sur Pierrefonds. Malgré les turbulences, la plupart de ces vols a été maintenu, mais Air Mauritius a dû adapter ses horaires d’opération au couvre-feu en vigueur à La Réunion depuis le 17 novembre. Et le fait que l’aéroport ferme ses portes à partir de 16 h 30. Les autorités ont aussi appliqué un embargo sur les importations et les mouvements de fret. Une baisse dans la demande est prévue dans les semaines à venir. Des annulations de vol ont été enregistrées, mais à ce stade, il serait prématuré de faire une estimation du manque à gagner.
1 230 conteneurs redirigés vers Maurice
<p style="text-align: justify;"><em>«Nous faisons de notre mieux pour venir en aide à l’île de la Réunion durant cette période difficile»,</em> indique Ramalingum Maistry, président du conseil d’administration de la <em>Mauritius Marine Authority</em> (MMA), organisme régulateur des activités portuaires à Maurice. Au dernier comptage, lundi aprèsmidi, 1 230 conteneurs initialement destinés à être débarqués au Port de l’île de la Réunion ont été dirigés vers Port-Louis. En attendant que la situation d’instabilité sociale occasionnée par les manifestations des «<em>gilets jaunes» </em>revienne à la normale. Une situation qui survient alors que le volume de marchandises arrivant à Port-Louis enregistre une hausse conséquente avec les fêtes de fin d’année qui approchent. Mais Ramalingum Maistry soutient que Maurice dispose de suffisamment d’espace de stockage de conteneurs transbordés. L’instabilité sociale à l’île de la Réunion a également contraint les navires avec des conteneurs de produits élémentaires destinés à des Croisières à se diriger vers l’île Maurice.</p>
Comment le volcan est entré en éruption
<p style="text-align: justify;">Tout a commencé le samedi 17 novembre. Un mouvement des gilets, jaunes né sur les réseaux sociaux, se donne rendezvous en France, mais aussi à côté de chez nous, à La Réunion, pour manifester contre la hausse des prix des carburants et la vie chère. Leur modus operandi : installer des barrages pour bloquer le réseau routier. </p>
<p style="text-align: justify;">Toutefois, l’affaire a dégénéré à l’île soeur, avec des casseurs et d’autres délinquants profitant de la situation pour piller des grandes surfaces, incendier des voitures et des poubelles ou racketter des automobilistes en improvisant leurs propres barrages. Ce qui a donné lieu à 154 interpellations depuis le 17 novembre. Au point où un couvre-feu a été instauré dans 13 communes, soit, la moitié de l’île, dès mardi 20 novembre au soir.</p>
<p style="text-align: justify;">Une première qui restera dans les annales car au plus fort des émeutes au Chaudron en 1991, sur fond de colère sociale, une telle mesure n’avait pas été prise. Le couvre-feu a pris fin dimanche. La veille, près de 2 000 Gilets jaunes se sont rassemblés au Port Est pour une démonstration de force. Thierry Robert qui s’y est déplacé a dû rebrousser chemin sous les huées.</p>
Dialogue réunionnais
Un groupe s’est formé pour une médiation plus efficace. Ce groupe, appelé Dialogue réunionnais, a sorti un communiqué le dimanche 25 novembre dernier pour appeler à la création d’un groupe de médiateurs.
Le porte-parole du groupe, le prêtre Stéphane Nicaise est bien connu à La Réunion. D’ailleurs, les membres de ce groupe, venus de sphères différentes, sont tous des «personnalités neutres de la société civile». «Nous ne nous désignons pas comme médiateurs, nous proposons seulement qu’il y en ait. Il reviendra aux protagonistes de mandater ceux qu’ils veulent», explique Stéphane Nicaise.
C’est d’ailleurs dans le cadre de la visite, qui devrait être décisive de la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, demain que cette structuration de la mobilisation est d’autant plus importante. Comment réagiront les gilets jaunes face à cette visite ? Personne ne veut s’aventurer.
«Après neuf jours de mobilisation, le mouvement peut s’épuiser et être attentif aux propositions. Ou, si l’attention de la ministre n’est pas assez aiguisée, le mouvement peut se sentir incompris et redoubler», soutient le Professeur Bernard Idelson. Par contre, Jean-Régis Ramsamy, journaliste à Réunion 1ère, historien et aussi membre du groupe Dialogue réunionnais a, lui, constaté que le durcissement du mouvement, hier, «est peut-être une façon pour montrer à la ministre que la pression n’est pas retombée à l’annonce de son arrivée».
Le malheur des uns…
<p style="text-align: justify;">Avec la mobilisation des gilets jaunes, le tourisme à La Réunion est touché en plein coeur, au profit de … Maurice. Les voyagistes membres du Seto (syndicat des entreprises du touroperating) en France ont décidé de prolonger les dispositions commerciales déjà annoncées vendredi dernier jusqu’au 30 novembre 2018. Ils proposent de différer le voyage, de changer de destination pour l’île Maurice ou bien de rembourser purement et simplement les clients qui souhaiteraient annuler leurs vacances.</p>
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