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Commission Caunhye: le rocambolesque match Appadu vs Gurib-Fakim

6 décembre 2018, 23:30

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Commission Caunhye: le rocambolesque match Appadu vs Gurib-Fakim

Le ton est donné par un Dass Appadu plein d’assurance et visiblement préparé. L’ancien secrétaire à la présidence a répondu à pratiquement toutes les questions du Puisne Judge Asraf Caunhye, hier, mercredi 5 décembre, y compris, les plus incommodantes pour lui et qui donneront cours à des révélations de taille. Même les fois où il sera subtilement rabroué par Asraf Caunhye, qui lui fera bien comprendre qu’il y a un seul maître à bord de cette commission d’enquête, Dass Appadu ne bronchera pas.

Tout allait selon les plans de l’ex-chef administratif de la State House jusqu’au moment où Me Hervé Duval l’a contre-interrogé. Visiblement, le haut fonctionnaire ne s’attendait pas à ce que l’homme de loi de son ancienne patronne Ameenah Gurib-Fakim sorte des munitions en dernière partie de la séance d’hier, pour le tacler.

Commençons par le commencement. Il est 14 h 21 lorsque Dass Appadu, tout sourire, fait son entrée, sur les pas de son homme de loi, Me Sanjay Bhuckory, dans le tribunal No. 4 de la Cour suprême. Une entrée qui ne passe pas inaperçue puisque juste avant le début des travaux, le haut fonctionnaire croisera le chemin d’Ameenah Gurib-Fakim mais les deux éviteront le regard de l’autre.

Au début de la séance, trois autres témoins, également appelés à déposer ce jour-là, sont invitées par la secrétaire de la commission, à prendre la porte de sortie. Toute la séance d’hier a été consacrée à Dass Appadu, secrétaire permanent au ministère de la Fonction publique depuis sa mutation, le 3 novembre 2016, du poste de secrétaire à la présidence. Et ce n’est pas fini. Ce dernier devra revenir en janvier, à la reprise des travaux.

Une fois celui-ci à la barre des témoins, les questions d’Asraf Caunhye se succèdent. Depuis quand êtes-vous secrétaire permanent ? Quand avez-vous rejoint la fonction publique ? Une autre porte sur l’offre d’emploi qu’il a reçue de Vango Property Ltd. Mieux encore, sur le «good package», comme l’a fait ressortir Asraf Caunhye, reçu par le haut fonctionnaire comme indemnités, toujours de Vango, ou encore sur son ingérence à la State House après son transfert. Tout ou presque est passé au peigne fin.

Des réponses de Dass Appadu, fonctionnaire depuis 43 ans, l’on retiendra d’abord, et surtout, qu’il a perçu des indemnités de Rs 1,2 million, soit l’équivalent de trois mois de salaire, de Vango Property Ltd, lorsqu’un terme a été mis à son contrat. Et ce, bien qu’il ait lui-même révélé ne jamais avoir travaillé comme Chief Executive Officer (CEO) au sein de cette société d’Álvaro Sobrinho.

En sus d’un salaire mensuel de plus de Rs 370 000 (10 500 dollars américains), Dass Appadu devait avoir droit à trois billets d’avion aller/retour Maurice-Londres, une voiture et une allocation essence. Asraf Caunhye a voulu savoir ce qui a motivé un haut fonctionnaire comptant plus de 40 ans d’expérience comme lui à accepter l’offre de Vango. À cela, le principal concerné allègue qu’il n’a sollicité aucun poste, avant d’entraîner Ameenah Gurib-Fakim dans sa décision.

«Après mon départ de la State House, la présidente d’alors m’appelait tous les jours. Elle se plaignait et disait qu’elle était attristée de mon départ et qu’elle n’arrivait ni à s’adapter ni à faire confiance aux autres fonctionnaires. (NdlR, plus tard pendant l’audition, Dass Appadu affirmera qu’elle s’est aussi plainte des ‘useless officers’ qui ne pouvaient écrire un paragraphe de ses discours). Elle a proposé de retenir mes services comme conseiller. Comme mon emploi en tant que secrétaire permanent n’allait pas me permettre de l’aider, elle a dit qu’elle pouvait parler à Álvaro Sobrinho pour qu’il me trouve un emploi. En décembre, j’ai eu un appel de Mauricio Fernandes de l’Álvaro Sobrinho Africa Ltd. L’offre m’a été faite le 27 décembre», soutient Dass Appadu.

«Après mon départ de la State House, la présidente d’alors m’appelait tous les jours. Elle se plaignait et disait qu’elle était attristée de mon départ et qu’elle n’arrivait ni à s’adapter ni à faire confiance aux autres fonctionnaires.»

Pourquoi n’avez-vous donc pas pris cet emploi, lui demande alors le Puisne Judge Caunhye. «Je devais commencer le 1er mars 2017 mais en février, suivant des articles de presse sur Álvaro Sobrinho et sur le Planet Earth Institute (PEI), j’ai préféré attendre que les choses se calment», réplique le haut fonctionnaire. Avant d’ajouter que durant cette même période, le CEO de PEI devait lui apprendre qu’il n’irait pas de l’avant avec le projet de Vango. D’où la raison pour laquelle un terme a été mis à son contrat.

Appelé à répondre sur les demandes pour qu’Álvaro Sobrinho et son entourage aient accès au VIP Lounge de l’aéroport, Dass Appadu montre, encore une fois, du doigt l’ex-présidente. Il explique que l’ex-Secretary for Home Affairs, Nayen Koomar Ballah, lui avait fait parvenir une lettre dans laquelle il disait ne pas pouvoir permettre l’accès VIP à des membres d’une ONG. Une lettre que, selon Dass Appadu, Ameenah Gurib-Fakim n’a pas digérée. «Eski pa gayn drwa dimann VIP access pu kikenn ki investi par milliards dan Moris ?» se serait-elle insurgée, au dire de l’ex-Secretary to President.

«Elle a proposé de retenir mes services comme conseiller. Comme mon emploi en tant que secrétaire permanent n’allait pas me permettre de l’aider, elle a dit qu’elle pouvait parler à Álvaro Sobrinho pour qu’il me trouve un emploi.»

Dass Appadu aurait, d’ailleurs, rencontré l’ex-Secretary for Home Affairs à la demande de ce dernier pour discuter des demandes d’accès au VIP Lounge. Durant cette rencontre, il a dit à Nayen Koomar Ballah qu’il serait mieux qu’il s’adresse directement à Ameenah Gurib-Fakim. Mais Nayen Koomar Ballah lui a demandé d’envoyer plutôt une lettre de demande officielle avec une présentation d’Álvaro Sobrinho. Une lettre que le juge Asraf Caunhye a trouvée très pompeuse à l’égard de l’homme d’affaires angolais.

D’autre part, Asraf Caunhye s’est intéressé à des demandes d’accès au VIP Lounge envoyées par Dass Appadu au personnel du Château du Réduit après son départ. «On the 10th of February, you had already left the State House. You had already asked for your leave from the civil service and you were still handling matters at the State House despite an offer from Vango Property?» veut savoir Asraf Caunhye, frôlant l’agacement. Mais Dass Appadu rétorque qu’il ne faisait que transmettre les méls que lui envoyaient Mauricio Fernandes.

Dans les nombreux méls de Mauricio Fernandes à Dass Appadu, Asraf Caunhye relève «the extreme familiarity» entre les deux. «It is common occurrence for Mauricio Fernandes to address you as brother. And this one time he even calls you liberated brother. What does that mean?» s’enquiert-il. Mais Dass Appadu déclare ne pas savoir ou comprendre ce terme. «They were regular members, we became acquainted. I wouldn’t say extreme familiarity», avance l’ex-secrétaire à la présidence.

Autre contentieux : l’intervention de Dass Appadu auprès du Board of Investment (BOI) et de la Financial Services Commission (FSC). Mais l’ex-secrétaire à la présidence martèle, dans les deux, cas qu’il n’avait que «check the status of the applications». Soit, la demande pour l’achat d’un terrain à Ébène auprès du BOI et pour des licences auprès de la FSC. De nouveau, ce dernier montre du doigt Ameenah Gurib-Fakim, soulignant que c’est elle qui lui a demandé d’appeler Ken Poonoosamy, ex-Managing Director du BOI et P.K Kuriachen, ancien CEO de la FSC.

«Did you not think there was something wrong with that ? You are a seasoned officer, do you not realize what the impact of a call from the President’s Office can be?» s’étonne Asraf Caunhye. Ce à quoi Dass Appadu répond qu’il n’avait pas «realize», et qu’il a seulement suivi les instructions.

«I want to draw the attention of the commission on the fact that at no point in time Ameenah Gurib-Fakim deemed it appropriate to report me to anyone…»

À la fin de son audition, Dass Appadu a tenu à ajouter qu’il consultait l’ex-présidente de la République régulièrement quand il s’agissait d’Álvaro Sobrinho. «I want to draw the attention of the commission on the fact that at no point in time Ameenah Gurib-Fakim deemed it appropriate to report me to anyone…» fait-il ressortir, dans une tentative de se dédouaner.

Dass Appadu: «J’ai aidé la présidente en acceptant le travail à Vango»

<p style="text-align: justify;">Après la première partie de l&rsquo;audition de Dass Appadu par le juge Asraf Caunhye, Me Hervé Duval, représentant juridique d&rsquo;Ameenah GuribFakim, a tenu à interroger l&rsquo;ex-secrétaire à la présidence. Un contre-interrogatoire qui a tenu l&rsquo;audience en haleine&hellip;</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Me Hervé Duval</strong> : In early 2016, you informed Mrs Gurib-Fakim that you were approached by ASA to work for them. Is this true?</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Dass Appadu:</strong> Yes</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Me Hervé Duval</strong>: Did you inform her that you wrote to your superior to ask if you could do consultancy for them after work?</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Dass Appadu:</strong> Yes. I also talked to the ICAC.</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Me Hervé Duval: </strong>So you were offered a job in early 2016 but you say it&rsquo;s the former President who pushed you in the arms of Alvaro Sobrinho Africa.</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Dass Appadu:</strong> It was different, in early 2016 it was a consulting job. In fact, I was helping her by accepting a job at Vango Property. She was saddened by the fact that I was transferred.</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Me Hervé Duval</strong>: Did you advise her to write to the former Prime minister to ask that you stay at the State House?</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Dass Appadu</strong>: No.</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Me Hervé Duval:</strong> Did you draft the letter?</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Dass Appadu: </strong>Yes.</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Me Hervé Duval:</strong> You drafted the letter but you did not advise the President to write to the Prime minister?</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Dass Appadu:</strong> When I told her that the Head of Civil Service informed me of the transfer, she was upset. She said she would write to the Prime minister.</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Me Hervé Duval</strong>: You drafted the letter, right? So I read it and I saw that it was full of praise for you. Was the President so saddened that she couldn&rsquo;t even write her own praise of you? (Me Hervé Duval lit la lettre. Cette lettre signée par Ameenah Gurib-Fakim et rédigée par Dass Appadu, insiste auprès de sir Anerood Jugnauth, ancien Premier ministre, pour que Dass Appadu ne soit pas transféré puisqu&rsquo;il est un employé hors pair qui n&rsquo;hésite pas à travailler les week-ends. Il est aussi écrit qu&rsquo;il est très impliqué dans la vie du château.)</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>Dass Appadu: </strong>That was modestly put. (rires de l&rsquo;audience)</p>