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Quand Dass Appadu cloue Gurib-Fakim au pilori…

19 janvier 2019, 21:00

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Quand Dass Appadu cloue Gurib-Fakim au pilori…

Dass Appadu reconnaît, dans son affidavit, avoir téléphoné plusieurs fois à Padassery Kuriachen, ex-CEO de la FSC, et Ken Poonoosamy, directeur de l’ex-Board of Investment, concernant l’avancée du dossier d’Álvaro Sobrinho. L’express s’en est procuré une copie.

Les travaux de la commission d’enquête instituée sur Ameenah Gurib-Fakim ont été marqués, jeudi 17 janvier dernier, par les révélations de l’ancien secrétaire à la présidence, Dass Appadu. Une séance largement consacrée à la lecture de l’affidavit de ce dernier, où il a détaillé son passage et ses responsabilités comme secrétaire à la présidence. L’actuel Permanent Secretary au ministère de la Fonction publique a ainsi cloué l’ex-présidente de la République au pilori, en affirmant que celle-ci a organisé trois déjeuners à la State House, lors desquels les demandes de permis d’opération de l’homme d’affaires Álvaro Sobrinho ont été évoquées. Parmi les invités présents, l’ancien Chief Executive Officer (CEO) de la Financial Services Commission, Padassery Kuriachen, et Mauricio Fernandes, CEO du Planet Earth Institute (PEI).

Que contient l’affidavit de Dass Appadu ? L’express s’en est procuré une copie. Dans l’affidavit de plusieurs pages, juré en juin 2018, Dass Appadu précise justement qu’il a agi sur instructions de l’ex-chef de l’État. Il reconnaît avoir téléphoné à plusieurs reprises à Padassery Kuriachen concernant l’avancée du dossier d’Álvaro Sobrinho. Des appels ont aussi été passés à Ken Poonoosamy, directeur de l’ex-Board of Investment, pour s’enquérir de la demande d’achat de deux portions de terrains pour le compte de l’Angolais.

C’est en 2012 que le fonctionnaire débarque à la State House, où il travaillera jusqu’à 2015, sous la présidence de Kailash Purryag. Ameenah Gurib-Fakim, qui arrive au Château du Réduit en juin 2015, n’est pas une inconnue. «The president was known to me since a long period of time», souligne-t-il. À tel point qu’il ajoute : «I could afford to address her by her first name and vice versa, and this even during her tenure of office as President of the Republic of Mauritius.» Leur amitié aurait débuté quand la scientifique avait rejoint la fonction publique dans les années 70.

Un an plus tard, soit en novembre, Dass Appadu est muté de la State House à la fonction publique. Ce transfert attriste l’ex-chef de l’État, qui fera à plusieurs reprises des requêtes verbales et écrites auprès du Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth, puis à Pravind Jugnauth. Mais sans succès. Une des correspondances en question est d’ailleurs entre les mains de la commission anti-corruption, qui avait effectué une perquisition chez le fonctionnaire.

L’ex-présidente se plaindra également auprès du chef de la fonction publique, Nayen Koomar Ballah, car «all the activities and more particularly the Presidential initiatives had come to a standstill». Selon lui, Ameenah Gurib-Fakim, qui avait qualifié la remplaçante de Dass Appadu – en l’occurrence Nirmala Gobin Bheenick – d’«incompétente», devait insister sur le fait qu’elle n’avait pas confiance en sa nouvelle équipe. Suite à cela, Nirmala Gobin Bheenick est transférée. Elle est remplacée à son tour par Nema Devi Goorah, qui ne sera cependant pas à la satisfaction d’Ameenah Gurib-Fakim. Cette dernière devait persister quant à un retour de Dass Appadu.

«She was really desperate»

Malgré son intransigeance, Dass Appadu ne reprendra pas son poste. Il l’aidera cependant de manière officieuse dans l’organisation d’activités officielles même pendant ses vacances car «she was really desperate». L’ancien bras droit d’Ameenah Gurib-Fakim confirme également dans le document avoir effectué trois déplacements à l’étranger avec l’ex-présidente. Le premier, pour une conférence du PEI par Lord Paul Boateng, a lieu juste après l’intronisation de l’ex-chef de l’État en juillet 2015. C’est lors de ce voyage que Dass Appadu affirme avoir aperçu Álvaro Sobrihno. S’il n’est pas présenté à l’Angolais durant cette conférence, il y rencontrera le CEO du PEI, Mauricio Fernandes, avec qui il avait échangé des mails en amont de cette conférence.

À leur retour à Maurice, Ameenah Gurib-Fakim devait l’informer qu’Álvaro Sobrinho, qui souhaite investir dans le secteur bancaire, sera en visite à Maurice. À en croire Dass Appadu, elle devait aussi faire savoir qu’elle avait l’intention de le présenter au ministre des Finances de l’époque, Vishnu Lutchmeenaraidoo, et à l’ancien gouverneur de la Banque de Maurice, Ramesh Basant Roi.

En effet, en août 2015, l’ex-présidente organisera un déjeuner auquel étaient conviés le ministre Lutchmeenaraidoo et l’ex-gouverneur Ramesh Basant Roi. C’est lors de ce déjeuner à la State House que Dass Appadu soutient avoir été présenté au banquier angolais. Durant cette première prise de contact, toujours selon l’affidavit de l’ancien secrétaire à la présidence, Ramesh Basant Roi aurait indiqué à Álvaro Sobrinho que le secteur bancaire est saturé. Mais s’il est intéressé, il peut télécharger les lignes directrices sur le site Web de la Banque centrale et éventuellement recruter une firme de consultants pour l’aider dans ses démarches.

Dès lors, les allées et venues d’Álvaro Sobrinho deviennent plus fréquentes au Réduit. À la demande de l’ex-presidente, Dass Appadu confirme les différentes demandes formulées pour qu’Álvaro Sobrinho, Mauricio Fernandes et leurs proches aient accès au VIP Lounge de l’aéroport. Dass Appadu fera aussi ressortir que l’homme d’affaires angolais devenait aussi, pendant cette période, un visiteur régulier au château. «Mr Sobrinho and the President would even go out for long walks within the compound of the State House in the afternoon, sometimes accompanied by her bodyguards and sometimes alone.»

Après le lancement en grande pompe de la branche mauricienne de PEI, «the State House literally became the platform for PEI». Dass Appadu, qui est soupçonné d’avoir bénéficié d’une voiture de luxe, fait justement référence à la berline immatriculée D 1955 dans son affidavit. Cette voiture appartenant au PEI était à sa disposition. Il reconnaît dans l’affidavit l’avoir conduite seul et en plusieurs occasions pour véhiculer les invités de l’ONG.

En août 2016, cependant, Nayen Koomar Ballah fera savoir à Dass Appadu que les représentants du PEI n’avaient pas le droit de passer par le VIP Lounge. L’ex-secrétaire devait expliquer qu’il agissait sur instructions de l’ex-présidente. Nayan Koomar Ballah recherchera des clarifications sur le nombre important de demandes, mais aussi sur les investissements de l’Angolais. Après cela, c’est Ameenah Gurib-Fakim qui s’occupera personnellement des demandes pour le «VIP access» comme exigé par le bureau du Premier ministre (PMO).

Mais deux mois plus tard, le PMO fera savoir que désormais, Álvaro Sobrinho n’aurait pas cette facilité à l’aéroport. Ce qui aurait mis Ameenah Gurib-Fakim dans une colère noire. «The President then flared up.» Dass Appadu fera savoir qu’à tout moment, il a agi avec l’accord de l’ex-présidente.

«Pas de gratification»

Enfin, concernant le poste qu’il a accepté en tant que CEO de Vango Properties, société immobilière d’Álvaro Sobrihno, Dass Appadu prétend que c’est Ameenah Gurib-Fakim qui l’a incité à accepter l’offre car «la fonction publique ne le méritait pas». Il envisageait à ce moment-là de prendre sa retraite. Il acceptera l’offre d’emploi d’Álvaro Sobrinho en février 2017, après avoir fait une demande de congé sans solde.

C’est toujours en octobre 2016 que l’actuel Permanent Secretary relate avoir reçu un appel du ministre Vishnu Lutchmeenaraidoo, qui lui fait part de l’embarras diplomatique qu’a occasionné la Pakistan Week, organisée par la présidence. En conclusion, il fait ressortir qu’il n’a pas reçu de gratification de la part d’Álvaro Sobrinho et de ce fait n’a commis aucune infraction à la Prevention of Corruption Act.