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Au port: 24 prisonniers débarquent du poisson sans l’aval de l’autorité portuaire
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Au port: 24 prisonniers débarquent du poisson sans l’aval de l’autorité portuaire
C’est une première dans les annales. Pendant deux jours, 24 détenus de la prison ouverte de Richelieu ont troqué leur uniforme orange contre un débardeur ou un T-Shirt blanc, des bottes de la même couleur et des gants orange, le temps d’une virée pas comme les autres.
Les 7 et 8 janvier, ils ont ainsi quitté le centre pénitentiaire à bord d’un minibus privé. Direction, le port. Plus précisément le quai de Mauritius Freeport Development (MFP), société offrant des prestations de services logistiques.
La mission des prisonniers : débarquer du poisson de la cale du MV Breiz Klipper, un cargo frigorifique appartenant à IBL Shipping et qui effectue la traversée Seychelles-Maurice. Une fois à Port- Louis, une autre société se charge du débarquement de la cargaison qui est ensuite transportée dans des usines de transformation. Et c’est cette société qui a retenu les services des détenus.
Ainsi, deux équipes de 12 prisonniers se sont succédé dans la cale du navire qui a jeté l’ancre au quai de MFD. Lorsque la première était de service, l’autre avait droit à une pause pour se restaurer et se reposer. À cet effet, un conteneur avait été aménagé dans la même zone. Parmi les témoins privilégiés de cette opération, le commissaire des prisons, Vinod Appadoo, en personne.
La MPA pas au courant
Tout se passait à merveille et les détenus allaient continuer à mettre du coeur à l’ouvrage – ils sont rémunérés selon le tonnage débarqué – jusqu’à ce que la Mauritius Ports Authority (MPA) s’en mêle. Selon Vinod Appadoo, que nous avons sollicité hier, samedi 19 janvier, la MFD, société avec laquelle la prison a signé un protocole d’accord pour l’emploi au port de la main-d’oeuvre carcérale de Richelieu, n’a pas informé la MPA de la démarche.
Si on est habitué à voir des prisonniers nettoyant la plage pour le compte de la Beach Authority, par contre, c’est la première fois que ces derniers sont déployés au port. Cette zone censée être restreinte et contrôlée, est aussi un des points d’entrées de la drogue, entre autres produits illicites au pays, comme en témoignent les dernières saisies. Résultat : l’opération «prizonié débark pwason» a été suspendue avant même la fin de la deuxième journée.
Interrogé hier, le Port Master, Benoit Barbeau, affirme que l’autorité a été approchée depuis un moment, dans l’éventualité d’embaucher ceux qui ont fini de purger leur peine, pour des travaux manuels. «Pour être franc, on ne trouve plus ces travailleurs et il faut considérer cette possibilité. Mais, quand nous avons appris que ceux qui étaient toujours en détention étaient à l’oeuvre au port, nous avons dit que ce n’était pas possible. Ils ont beau opérer sur un quai privé et sous surveillance, n’empêche que toute société opérant dans le port se doit de suivre nos instructions.» Le Port Master confirme que c’est la première fois que des détenus sont à l’oeuvre au port.
Pour sa part, IBL Shipping, propriétaire du bateau, et que nous avons approchée hier, fait valoir qu’elle «n’a en aucune façon fait appel à la main-d’œuvre carcérale pour ses opérations, que ce soit pour le débarquement de poissons ou pour tout autre service».
De son côté, Dominique de Froberville, le directeur général de la MFD, est resté injoignable malgré nos appels et messages.
Vinod Appadoo : «Il y a eu une faille»
<p style="text-align: justify;">Le commissaire des prisons, pour sa part, affirme que tout a été fait avec l’aval de sa hiérarchie. Soit, le ministère de la Défense, sous la houlette de sir Anerood Jugnauth.<em> «Olié ban prizonié asizé manzé kouma dimounn abitié kritiké, plito fer zot travay»</em>, fait ressortir Vinod Appadoo.</p>
<p style="text-align: justify;">Ce n’est pas la première fois, indique-t-il, que des détenus sortent de la prison pour travailler. Ils l’ont fait pour la <em>Beach Authority</em> pour le nettoyage des plages, pour la municipalité en ramassant des branches et autres après le passage d’un cyclone et après des inondations. Il précise que cela concerne uniquement les détenus de Richelieu qui sont sur le point de quitter la prison après avoir purgé leur sentence. Ainsi, 24 prisonniers, dit-il, ont été sélectionnés selon leurs besoins financiers, en tenant en compte leur situation familiale. La prison s’est également assurée que ces derniers ne sont pas fichés à la MFD pour des vols ou autres délits commis antérieurement. Par contre, Vinod Appadoo concède qu’il y a eu <em>«une faille»</em>, et que <em>«la MFD aurait dû informer la MPA».</em> Avant d’ajouter, rassurant : <em>«Mwa kinn al tir ladrog dan lépor kan mo ti l’ADSU, monn asiré ki bann prizonié pa interazir avek lezot dimounn et ki zot touzour sou sirveyans kaméra ek kat gard prizon ti pé vey 12 prizonié a la fwa.»</em></p>
<p style="text-align: justify;">Par ailleurs, Vinod Appadoo dit travailler sur ce projet <em>«fort louable» </em>depuis quatre mois. <em>«Plusieurs réunions ont eu lieu entre la MFD et la direction de la prison pour discuter du transport, des repas mais surtout de la sécurité. Des sociétés s’intéressent à l’embauche des prisonniers après qu’ils ont purgé leur peine. Elles ne vont pas aller chercher des diplômés pour effecteur ce type de boulot et en même temps, cela aide les détenus en termes de réinsertion.»</em></p>
<p style="text-align: justify;">Il met l’accent sur le fait que l’initiative est la sienne. L’idée lui est venue quand il a pris note du fait que le coût journalier, quand un bateau est bloqué est port faute de main-d’oeuvre pour débarquer la marchandise, est de 10 000 dollars par jour, soit quelque Rs 340 000. Concernant la rémunération de ces détenus, Vinod Appadoo soutient que la prison a déjà reçu le chèque mais que les procédures sont en cours pour pouvoir les payer. Toujours selon lui, c’est la MFD qui s’est occupée du transport, des uniformes et des équipements de travail.</p>
<p style="text-align: justify;">La prochaine opération du genre est prévue dans <em>«un proche avenir à l’issue des pourparlers»</em>, conclut-il.</p>
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