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Eric Bahloo: «Le PMSD n’a pas de dignité»
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Eric Bahloo: «Le PMSD n’a pas de dignité»
Tel Xavier-Luc Duval, Pravind Jugnauth ou Navin Ramgoolam, vous êtes aussi «fils de…». Comment avez-vous vécu le fait d’être le fils d’Ignace Bahloo, agent du PMSD, condamné pour le meurtre d’Azor Adelaide en novembre 1971 ?
Fils «d’un criminel», d’un «assassin», «de Gaëtan Duval». C’est ainsi qu’on m’a appelé depuis que j’ai 7 ans. C’était très lourd à porter. Je me suis battu avec tout le monde pour survivre.
Sans oublier, les insultes fréquentes que j’ai subies au lycée (…). Peu importe où j’allais, les regards étaient toujours braqués sur moi.
Après deux ans d’études au collège Eden, en 1979, mon père, qui était alors en prison, m’a prévenu que je devais partir vivre en France avec ma mère qui s’y était installée. C’est ainsi qu’à 15 ans, j’ai tout quitté pour la France, avec mon frère Bruno.
Près de cinquante ans plus tard, quel regard portez-vous sur votre père ?
À vrai dire, je n’ai plus rien à lui reprocher. Il a eu des problèmes en tant qu’activiste du Parti mauricien social-démocrate (PMSD). Ignace Bahloo était 100 % PMSD.
D’ailleurs, il l’a démontré en se sacrifiant pour ce parti. Cela dit, rien ne change de notre relation père et fils. Je serai toujours connu comme étant le fils d’Ignace Bahloo. J’ai souffert mais j’ai pris connaissance des erreurs qu’il a commises. J’ai grandi en voyant Duval couillonner mon père.
Quels dirigeants du PMSD avez-vous rencontrés jusqu’ici?
Sir Gaëtan Duval qui n’avait pas oublié mon frère Bruno et moi après l’affaire Azor Adelaïde. Quand mon père, le principal accusé se trouvait en prison, il nous rendait visite, même s’il se sentait un peu gêné. Il est resté en contact avec nous jusqu’en France.
D’autant que lors de ses nombreuses visites en France, on s’est côtoyé lors des dîners, réunions et … Bon après, il y a eu des fois où ça a dégénéré.
Avant sa mort, en 1996, j’ai été invité à une soirée chez sir Gaëtan Duval Duval qui était en visite en France. On a mangé, on a bu. Pas besoin de mentionner qu’il y avait de beaux garçons, tous vêtus de blanc.
Tout à coup, sir Gaëtan Duval est venu, fatigué et furieux. D’un ton sec, il a demandé à tout le monde de s’en aller. Je me suis levé pour lui répliquer : «Hé, pas avec moi. Je ne suis pas ton chien.» Choqué, il m’a tout de suite calmé.
J’ai également côtoyé Xavier-Luc Duval. Lors de notre rencontre en France, j’ai compris qu’il n’avait aucune conviction. Je lui ai demandé s’il était bel et bien comptable. «Comptabilité et moi, ça va pas», a-t-il répliqué. «Je suis expert-comptable.» C’est un businessman.
Vous êtes actuellement à Maurice. Que pensez-vous du PMSD actuel et celui d’antan ?
Le PMSD (Rires). C’est «enn zoli mamzel» mais qui n’a pas de dignité. Ce parti politique peut faire alliance avec n’importe qui pour s’emparer du pouvoir.
Le PMSD d’antan c’était autre chose. Aujourd’hui c’est une affaire de famille. En tout cas, Xavier-Luc Duval gère bien ses comptes.
En 1997, j’avais écrit un article, Le bal des bouffons, en m’inspirant de la famille Duval. Je me suis attiré des ennuis avec ce papier. Quoi que, je n’avais rien inventé. Que ceux qui sont mécontents viennent me démentir.
Votre point de vue sur le MMM et sur Paul Berenger ?
Cet homme sait très bien ce qu’il fait. En 2003, je lui ai envoyé une lettre en tant que secrétaire général de l’association Solidarité Mauricienne qui parlait des droits de vote des Mauriciens en France. Il était monsieur le Premier Ministre à cette époque. J’avoue que j’ai été surpris de recevoir une réponse positive. Néanmoins, je reste méfiant envers les hommes politiques.
Franchement parlant, j’en ai marre des dynasties Jugnauth, Ramgoolam, Duval ou Bérenger. C’est un peu too much. Maurice a besoin de nouveaux visages mais cela me semble impossible vu l’état de notre système électoral. Je dirai même que le pays a besoin d’un bouleversement institutionnel.
Comment s’est passée votre intégration au sein de la communauté mauricienne en France ?
Certains croient que j’ai fugué pour être loin des dommages entraînés par mon père. C’est faux. Après la mort de sir Gaëtan Duval, j’ai fait mon deuil sur tout, y compris l’enfance traumatisante que j’ai vécue. La France est pour moi un pays d’adoption. J’ai su trouver ma place indépendamment auprès des Français mais également de nos compatriotes qui vivent en France.
À 15 ans, j’ai pris une décision. Celle de devenir un homme capable de mener une vie paisible. Il n’y a pas à sortir de là. J’ai alors appris la comptabilité. Au-delà de mes 20 ans, j’ai décidé de changer de filière et j’ai choisi le droit.
Quelle image projettent les Mauriciens en France ?
En France, il faut juste savoir se rendre utile. En d’autres mots, il faut travailler. À mon arrivée, ma mère travaillait déjà comme gardienne d’immeubles. Comme elle, à cette époque, beaucoup de femmes faisaient ce travail. Aujourd’hui, ce n’est plus pareil. Des Mauriciens se débrouillent à l’étranger. Selon mes recherches, je sais qu’environ 150 000 Mauriciens vivent en France. Nous sommes des gens normaux vous savez (Rires).
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