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Commission Caunhye: Dass Appadu cuisiné par Me Hervé Duval
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Commission Caunhye: Dass Appadu cuisiné par Me Hervé Duval
14 h 45, mercredi 6 février. Alors que de grosses averses et des orages battent leur plein sur la capitale, le ton est donné dans la salle no4 de la Cour suprême. La commission d’enquête sur l’ancienne présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, siège, présidée par le juge Asraf Caunhye. D’emblée, Me Hervé Duval, qui représente les intérêts de l’ex-présidente, souhaite savoir d’avantage sur l’affidavit produit et lu par l’ex-secrétaire à la présidence, Dass Appadu, lors de la précédente audition.
Cet affidavit couvre certains faits. Notamment le déjeuner à la State House entre l’ex-présidente de la République, Dass Appadu, l’Angolais Álvaro Sobrinho, l’ex-gouverneur de la Banque centrale Ramesh Basant Roi et l’ex-ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo. Ou encore, celui entre l’ex-Chief Exécutive Officer par intérim de la Financial Services Commission (FSC) Padassery Kuriakose Kuriachen, Mauricio Fernandes, le bras droit du banquier angolais, Ameenah Gurib-Fakim et Dass Appadu.
Le Puisne Judge Asraf Caunhye emboite le pas à l’homme de loi et veut lui-aussi connaître l’origine de ce document de Dass Appadu. Ce dernier réplique avoir juré cet affidavit suivant ses interrogatoires par la commission anti-corruption en mai et juin 2018. «J’avais fait valoir mon droit au silence dans un premier temps aux questions de l’Independent Commission against Corruption avant de mettre tout ce que j’avais à dire dans un affidavit», a affirmé Dass Appadu.
«Êtes-vous sûr d’avoir inclus les faits importants et pertinents dans cet affidavit ?» lui demande Hervé Duval. «J'ai dit la vérité», rétorque Dass Appadu. D’où alors la question de l’homme de loi d’Ameenah Gurib-Fakim sur la Jaguar à l’immatriculation personnalisée D1955 (soit, l’initial du prénom ainsi que l’année de naissance, «par pure coïncidence», de l’ex-secrétaire à la présidence) que roulait Dass Appadu.
«Devant cette commission, vous avez dit que cette Jaguar n’a jamais été en votre possession et votre contrôle exclusif. Est-ce vraiment le cas ?» demande l’homme de loi. Le haut fonctionnaire, qui commence à montrer des signes d’irritation dans le box des témoins, répond avoir déjà réfuté cela devant la commission. Sans perdre de temps, Hervé Duval fait circuler une copie d’un courriel au président de la commission et à Dass Appadu.
«C’est une copie d’un mél de Mauricio Fernandes à Lord Paul Boateng, président de Planet Earth Institute (PEI), en date du 7 février 2017, où il est demandé à Dass Appadu de retourner cette voiture puisque ce dernier n’était plus engagé de quelconque façon avec PEI», fait valoir Me Hervé Duval. Avant de demander aussitôt à l’ex-secrétaire à la présidence s’il se souvient de cette correspondance. «Je ne me rappelle pas avoir reçu ce mél», dira le haut fonctionnaire.
«Vous avez une copie d’un autre document avec l’entête de PEI devant vous et cela vous est adressé non pas par un ‘Dear Liberated brother’ cette fois-ci mais par un ‘Dear Dass’ et où il est écrit que la Jaguar est une voiture sponsorisée par le PEI et qu’elle doit être retournée, et aussi après l’accident de châssis survenu lorsqu’elle était en votre possession», tonne tout de suite Hervé Duval. Dass Appadu ne bouge pas d’un iota et répète qu’il ne se souvient pas de ce mél.
Toujours lors de ce contre-interrogatoire, Hervé Duval a plus d’une fois pris l’ex-secrétaire à la présidence à contre-pied en le confrontant à ses précédents propos devant la commission. Notamment, pour avoir dit qu’il n’a jamais travaillé pour le PEI, alors qu’il a été du voyage avec Ameenah Gurib-Fakim en juin 2015 à Londres. Ou encore, s’il est d’avis qu’il a pu y avoir mauvaise utilisation du bureau de la présidence. Ou s’il reconnait avoir failli dans ses fonctions qui consistaient aussi à bien conseiller la présidente.
Me Duval est également revenu sur le KYC (Know Your Customer) défavorable envers Álvaro Sobrinho, que deux employés de la MauBank ont présenté à Dass Appadu lorsqu’il était encore en poste à la State House. L’avocat d’Ameenah Gurib-Fakim veut savoir pourquoi le haut-fonctionnaire n’a pas avisé la présidente à ce moment-là de ne pas s’associer avec l’Angolais. «Après un appel de ces deux gentlemen, je les ai rencontré à la State House et je suis allé voir la présidente par la suite pour l’informer. Elle a retiré un jugement avant de me dire que ces personnes sont ‘clear’», riposte Dass Appadu.
Hervé Duval ne lâche pas prise et veut savoir si l’ex-secrétaire à la présidence n’a lui-même pas effectué de vérification sur le banquier controversé. «Non, il y a des institutions pour cela. Je n’avais aucune raison de le faire puisqu’Álvaro Sobrinho et son équipe avaient déjà obtenu leurs licences et avaient déjà ouvert des comptes en banque à ce moment-là, en décembre 2016.»
L’avocat n’a pas épargné Dass Appadu sur ce membre de sa famille qui a obtenu un poste avec la société Álvaro Sobrinho Africa Ltd. L’actuel secrétaire permanent au ministère de la Fonction publique confirme que sa fille, une Chartered Accountant, avait envoyé sa candidature et obtenu cet emploi. Hervé Duval évoquera aussi un certain Rampadarauth. Ce qui fera aussitôt sourire Ameenah Gurib-Fakim, également présente dans l’assistance.
Le déjeuner à la State House en août 2015 avec l’ex-ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo, l’ex-gouverneur de la Banque de Maurice ou encore celui entre l’ex-no1 de la FSC, Mauricio Fernandes, Dass Appadu et Ameenah Gurib-Fakim, ont aussi figuré à l’agenda des questions d’Hervé Duval au haut-fonctionnaire. «Qu’est-ce que vous appelez déjeuner privé et déjeuner officiel ?» interroge l’avocat. «Le déjeuner officiel est celui où je donne des instructions lors des fonctions», rétorque le haut-fonctionnaire.
Les «long walks» de l'ex-présidente avec Álvaro Sobrinho dans les jardins de la State House, sans gardes du corps, ont aussi été abordées par l'avocat. En somme, Me Hervé Duval a voulu connaître si le témoin trouve approprié de déballer de telles choses. «À l'ICAC, elle a nié connaître Álvaro Sobrinho», affirme Dass Appadu.
«Comment savez-vous ce qu'elle a dit à l'ICAC», veut immédiatement savoir l’avocat. «J'ai été confronté à certaines questions, comme celle selon laquelle elle ne connaissait pas Álvaro Sobrinho, à la commission anti-corruption», avance Dass Appadu.
Me Duval enchaîne. «Vous avez décrit l'ex-présidente comme une personne têtue, qui ne vous écoutait pas. Pourtant vous étiez au courant qu'elle est la seule Mauricienne à avoir décroché le prix L'Oréal-Unesco et qu'elle n'était pas arrivée à la State House pour couper des rubans ou pour être une présidente ‘vase à fleurs’. Étiez-vous au courant de ce qu'elle voulait accomplir à ce poste ?» demande Hervé Duval.
«Perhaps she had a dream», répond alors Dass Appadu. Ajoutant qu'il était au courant que cette dernière militait beaucoup pour la promotion de la science. L'avocat le reprend sans tarder pour lui demander si l'objectif de sa cliente avec le PEI était en ligne avec la politique du gouvernement en matière de promotion de la science. Dass Appadu acquiesce.
«Were you loyal to the ex-President?», veut savoir Hervé Duval. «That is one of my virtues», lui lance Dass Appadu. Ce qui a provoqué l'hilarité sur le banc occupé par Ameenah Gurib-Fakim, le bras droit de celle-ci, Rachna Sewnauth, et les autres représentants légaux de l'ex-présidente.
Par ailleurs, la Pakistan Week controversée, organisée par la State House, était aussi au menu. On devait apprendre que le Premier ministre d'alors (NdlR, sir Anerood Jugnauth) n'y était pas favorable, tout comme le Conseil des ministres, et que le chef du gouvernement l'avait fait savoir à la présidente. Sauf qu'il était trop tard pour annuler l'événement, selon Dass Appadu.
La Platinum Card de l'ex-chef de l'État est aussi revenue sur le tapis. Pour Me Hervé Duval, Dass Appadu aurait dû connaître l'existence de cette carte de crédit – celle qui a fait tomber Ameenah Gurib-Fakim – puisqu’il était partie prenante des actions de PEI. Dont la collaboration avec la Bill and Melinda Gates Foundation, qui devait être une des sources de financement du PEI mais devait avant cela effectuer une due diligence de l'organisation non-gouvernementale. Et que la Platinum Card aurait été émise en attendant cette vérification.
«Comment aurais-je pu en être au courant ? J'étais à l'étranger quand j'ai appris l'existence de cette carte dans la presse. Je lui (l'ex-présidente) ai alors envoyé un message, même si j'avais déjà quitté la State House. Elle m'a répondu qu'elle ne doit rien à personne», dira Dass Appadu.
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