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Percy Yip Tong: «J’ai vu les quatre morts»

21 février 2019, 20:49

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Percy Yip Tong: «J’ai vu les quatre morts»

Il est peut-être le seul à avoir vu de près les quatre morts dans l’Affaire Kaya. «Personne ne le sait mais toutes les images vues sur Antenne Réunion et TF1 pendant les émeutes ont été tournées par un caméraman qui était dans ma voiture. Tous les matins, il nous fallait aller déposer les bandes à Plaisance», révèle aujourd’hui Percy Yip Tong, fils de magistrat mais aussi premier producteur de Kaya et de son groupe Racinetatane. C’est ainsi qu’il était de ceux à s’être déplacés, le soir même du 21 février 1999, au centre du Mouvement Républicain à Rose-Hill, où la dépouille de Kaya avait été transportée. Ce, suivant l’autopsie pratiquée par le Dr Harish Surnam à la morgue de l’hôpital Dr A.G Jeetoo.

Le lendemain, le 22 février, c’est le chanteur Berger Agathe que Percy Yip Tong a croisé. C’était juste avant que ce dernier ne tombe sous les balles de la police anti-émeutes. «J’étais à Roche-Bois avec quelques proches de Kaya depuis la veille au soir après que le défunt a été transporté à l’hôpital du Nord pour la contre-autopsie. En remontant vers Tamarin le lendemain, j’ai croisé Berger Agathe. Il était à un barrage à Roche-Bois et comme on se connaissait, il a demandé qu’on me laisse passer. C’est comme cela que j’ai pu traverser sans savoir à ce moment-là que c’était la dernière fois que je voyais Berger Agathe vivant», se souvient notre interlocuteur.

Ce n’est pas fini. Le 23 février, alors qu’il était à la croisée de Geoffroy à Bambous, Percy Yip Tong dit avoir vu les deux jeunes blessés par les balles de la police alors que la rue grondait sur le passage du convoi mortuaire. «J’ai pris l’un d’eux, Leemul Ghoostia, dans ma voiture pour le transporter à l’hôpital Candos car aucune des voitures qui précédaient la mienne ne l’avait embarqué. Mais quand nous sommes arrivés à l’hôpital, il était trop tard en raison des nombreux détours qu’on a dû faire à cause des barrages», raconte Percy Yip Tong.

Il poursuit qu’une journaliste américaine qui était à Maurice pour un reportage sur le textile, et qui le suivait, a, elle, embarqué, deux autres blessés, dont Michel Laurent, tué également par balles. Vingt ans après, celui qui a produit les cassettes Seggae nou lamizik et Roots of Seggae de Kaya, en 1989 et 1990 respectivement, regrette que le mystère autour de la mort du chanteur, en détention, reste entier. Il est convaincu que «tous ceux présents à Alcatraz ce soir-là, soit les 19 autres détenus et les trois policiers de faction à ce moment précis, connaissent la vérité».

Par-dessus tout, Percy Yip Tong estime que la mort de Kaya est peut-être un mal pour un bien. «La carrière de Kaya de son vivant a duré dix ans. Celle suivant sa mort, 20 ans. Kaya, cet homme bon, nonviolent et qui n’avait pas la grosse tête, a aujourd’hui le statut qu’il mérite. Il faut aussi se rappeler que le chanteur est mort indirectement pour une cause qu’il pensait juste, la dépénalisation du gandia.»

«Vingt après, il a enfin droit à un hommage officiel de l’État. Lui, qui a chanté la paix et le mauricianisme, mais dont la mort a déclenché la haine et un déferlement de violence.»